La fin du feuillicyclage?
Parfois il y des informations qui circulent sur l’Internet qui peuvent avoir un effet environnemental réellement désastreux et c’est le cas de l’information donnée par beaucoup de villes, dont la mienne (ville de Québec), au sujet des feuilles atteintes de la maladie appelée tache goudronneuse de l’érable (Rhytisma acerina). Ces municipalités invitent les propriétaires à ne plus recycler les feuilles atteintes de cette maladie et, par le fait-même, de ne plus faire du feuillicyclage. .
Voici ce qu’en dit la Ville de Québec :
Attention! Le feuillicyclage (tondre les feuilles et les laisser au sol) ne doit pas être pratiqué lorsque des feuilles sont atteintes de la tache goudronneuse, pour éviter la propagation du champignon. Ramassez-les et déposez-les dans des sacs en papier, orange ou transparents et les mettre en bordure de rue pour la collecte des résidus verts.
Un manque total de respect pour l’environnement
Quelle horreur! Si les propriétaires suivent cet avertissement, cela leur enlève une importante occasion pour faire geste environnemental qui fait réellement une différence. Après tout, les feuilles mortes (appelées «l’or brun des jardiniers») sont exceptionnellement riches en matière organique et réduisent ou même éliminent le besoin de fertiliser nos jardins et platesbandes. Jeter un produit d’une si grande valeur est carrément absurde! Et il y n’y a rien de très écologique à mettre des feuilles mortes dans un sac (polluant) pour les faire ramasser par un camion (polluant) qui les transportera à un incinérateur qui les brûlera (polluant). Et pourtant, c’est ce que ma ville me suggère de faire. Une horreur, je vous le dis !
Car c’est vraiment la fin du feuillicyclage qu’on promovoit. J’imagine mal un pauvre propriétaire assis par terre à trier ses feuilles une par une, mettant des feuilles tachetées dans un tas, le tas qui sera jeté, et les feuilles saines dans l’autre, celui qui servira au feuillicyclage. Et on nous pousse à abandonner le feuillicyclage, si bénéfique pour l’environnement, pour quelle raison? À cause d’une maladie «strictement esthétique» (la ville la dit elle-même!) qui paraît sur un arbre qu’on devrait bannir (voir L’érable de Norvège : un envahisseur à bannir) de toute façon?
Rien à faire pour arrêter la tâche goudronneuse
Il faut comprendre un détail : la maladie en question – la tache goudronneuse de l’érable – est là pour rester. Il est trop tard pour l’arrêter. Il est impossible de faire baisser l’infestation en ramassant les feuilles atteintes: il suffit qu ’une seule feuille portant les spores de cette maladie ne soit pas ramassée – peut-être qu’elle est coincée dans une gouttière, cachée au pied d’arbuste, fixée dans un nid d’écureuil au sommet d’un arbre ou tout simplement déposée sur un terrain vague (terrain appartenant souvent à la ville elle-même!) que personne ne nettoie – pour infecter plusieurs dizaines d’arbres.
Et on trouvera au moins une certaine quantité des feuilles atteintes de la tache goudronneuse sur essentiellement tous les terrains des villes et des banlieues où l’érable de Norvège (Acer platanoides) est cultivé. Même si vous n’avez pas de spécimen de cet arbre très commun sur votre terrain, le vent emportera sûrement des feuilles malades d’ailleurs. J’en trouve plein sur mon terrain et pourtant l’érable de Norvège le plus proche est à 3 maisons d’ici!
La propreté? Un coup d’épée dans l’eau
Si vous voulez une preuve que le ramassage et la destruction des feuilles infestées de tache goudronneuse ne donne rien, regardez les terrains où les gens sont réellement très assidus à ramasser toutes les feuilles mortes – des vrais maniaques de la propreté! – et vous verrez que leurs érables sont aussi malades que ceux de gens qui n’en ramassent aucune.
Donc, je vous recommande de faire un pied de nez aux municipalités malavisées et de continuer de faire du feuillicyclage, même en présence de feuilles malades, car cette action demeure de loin la façon la plus écologique pour gérer les feuilles mortes.
Dans le fond, il n’y a qu’une seule façon véritable pour enrayer la tache goudronneuse et c’est de réduire la population des érables de Norvège. Donc, évitez d’en planter chez vous et si vous avez un érable de Norvège vieillissant, songez sérieusement à le remplacer par une autre essence.
Peu importe ce que votre ville dit, continuez de recycler vos feuilles: l’environnement vous en remerciera!