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Plantez de l’ail!

Par Julie Boudreau

Il y a un peu plus de 10 automnes de cela, je mettais en terre mes premiers bulbes d’ail. Une dizaine de variétés différentes, pour le pur plaisir de les découvrir. Ma conclusion à cette époque était, et est encore, que c’est vraiment facile de cultiver de l’ail au Québec. Je ne comprenais pas pourquoi les épiceries nous proposaient de l’ail provenant de Chine ou d’Espagne. Pourquoi?

Photo: Julie Boudreau

C’est formidable de constater que les choses ont changé en mieux dans ce domaine. Des producteurs d’ail, il y en a maintenant partout dans la province et c’est archifacile de se procurer de beaux gros bulbes d’ail bien frais entre août et décembre. On en déniche même jusqu’en mars. Que dire de la fleur d’ail qui, en vérité, est une hampe florale, que l’on récolte à la fin juin. Avec son goût plus doux, elle permet d’ailler les repas en attendant la nouvelle récolte de bulbes. Facile à trouver, oui, mais aussi facile à cultiver chez soi, dans un petit lopin de potager. On plante des gousses, aussi appelées caïeux, en octobre, elles poussent le printemps suivant et on récolte vers la fin de l’été.

L’ail et ses cousins

L’ail (Allium sativum) fait partie d’une très grande famille où se côtoient l’oignon, la ciboulette, le poireau et les échalotes. Cultivée depuis la nuit des temps, on connaît aussi ses propriétés médicinales depuis tout aussi longtemps. Son effet bénéfique sur la prévention des cancers, ses propriétés antiseptiques et ses effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire ont tous été corroborés par des études récentes.

L’ail se divise en deux grandes catégories: l’ail à tiges souples et l’ail à tiges rigides. C’est avec la forme à tiges souples que l’on confectionne les fameuses tresses d’ail. Toutefois, ce groupe est moins cultivé au Québec, car les variétés à tiges rigides sont plus rustiques et plus productives. L’ail est ensuite divisé en 11 groupes, selon des particularités génétiques. La variété la plus populaire et la plus facile à trouver est ‘Music’ qui fait partie du groupe Porcelaine. Le groupe Purple Stripe suit de près avec les beaux bulbes pourprés de ‘Persian Star’. Bref, des centaines de variétés existent et comme pour toute plante comestible, elles apportent leur lot de diversité sur le plan des saveurs.

La variété ‘Music’ est la variété la plus populaire au Québec. Photo: Julie Boudreau

Planter quoi?

Comme mentionné précédemment, c’est à l’automne, entre la mi-septembre et la fin octobre, que s’effectue la plantation d’ail. Chez l’ail, le dicton «on récolte ce que l’on sème» n’a jamais été aussi vrai. Pour obtenir une belle récolte, il faut bien choisir ses candidats. D’abord, on se procure de l’ail du Québec. On oublie les piètres propositions étrangères de l’épicerie. Ces dernières sont souvent moins rustiques et parfois traitées pour empêcher la germination. Il n’est pas nécessaire d’acheter spécifiquement des gousses pour le semis. On peut acheter des bulbes au marché et récupérer les gousses les plus intéressantes. Donc un gros bulbe contient plusieurs gousses et ce sont les gousses que l’on met en terre. Plus la gousse est grosse, plus on a de chance d’avoir un beau gros bulbe à la récolte.

On peut acheter des bulbes d’ail dans un marché local et utiliser les plus gros caïeux pour démarrer sa production d’ail. Photo: Julie Boudreau

Combien de bulbes d’ail produire?

Le calcul est assez simple et basé sur la consommation mensuelle d’ail. Par exemple, une famille moyenne utilise environ deux bulbes d’ail par mois, ce qui veut dire 24 bulbes par an. À cela on ajoute quelques bulbes supplémentaires pour produire de la semence. Un bulbe peut donner 5 belles gousses à replanter, donc on ajoutera 5 bulbes supplémentaires pour la semence et un bulbe en extra pour contrebalancer les pertes. Bref, avec 30 bulbes, une famille peut assurer un bon roulement et s’autosuffire en ail année après année. Tout ça dans moins d’un mètre carré!

Où planter l’ail?

Tout bon sol meuble et bien drainé au plein soleil peut accueillir une plantation d’ail. Insistons sur l’importance du drainage, car un bulbe qui se développe sous terre est très sensible aux excès d’eau. On peut incorporer de la matière organique, mais l’ail pousse bien dans des sols moyennement riches.

Les plus belles gousses sont enterrées à deux ou trois pouces de profondeur, avec le bout pointu vers le haut. On laisse 10 à 15 cm entre les plants et 30 cm entre les rangs. Puis, quand le froid s’installe et que le gel arrive, on recouvre la plantation avec de la paille, surtout dans les régions où la neige s’accumule peu ou dans les régions venteuses. Cette protection hivernale doit être installée le plus tard possible et retirée le plus tôt possible au printemps. En effet, l’ail est très précoce au printemps.

Pour la production d’ail, on ne plante que les plus gros caïeux. Par exemple, chez l’ail ‘Sicilian Gold’ on utilise les gousses de la rangée extérieure et on consomme les plus petites gousses, qui sont plus à l’intérieur du bulbe. Photo: Julie Boudreau

Puis, en été, on le regarde pousser! Un petit arrosage si le temps est vraiment sec, une fertilisation aux deux semaines avec un concentré d’algues. Puis, on surveille l’ennemi juré de l’ail, la teigne du poireau. Cette dernière pond ses œufs sur le feuillage et les petites larves se frayent un chemin à l’intérieur de la tige. Si on détecte l’insecte tôt, on peut sauver les meubles en supprimant les larves manuellement ou en taillant les parties infestées, quand c’est possible. Sinon, on se tourne vers le Btk, un insecticide reconnu en agriculture biologique efficace pour contrôler la population des jeunes larves.

C’est aussi en juin qu’apparaîtra la fleur d’ail, sur les variétés à tiges rigides. Elle se tortille comme un tire-bouchon avant de se dresser. On la coupe lorsqu’elle débute son deuxième tour, sinon elle devient plus coriace. Il y a deux bonnes raisons pour la couper tôt. D’abord, couper la fleur permet au bulbe d’accumuler plus de réserves et d’être plus gros. Ensuite, la fleur d’ail est comestible et tombe à pic dans cette période où notre réserve d’ail du Québec est possiblement à plat depuis la fin avril. Tout ce qu’on peut cuisiner avec de l’ail, on le cuisine avec la fleur d’ail. Elle peut aussi remplacer la ciboulette ou les échalotes dans les recettes. On la conserve au frigo dans un sac de plastique. Elle peut se conserver plus de deux mois ainsi… juste à temps pour la récolte des bulbes.

Si on ne récolte pas la fleur d’ail, elle produit des bulbilles qui peuvent être récoltées pour augmenter la production. Il faudra 2 ou 3 ans à une petite bulbille plantée à l’automne pour produire un bulbe digne de mention.

L’ail éléphant est une belle curiosité. Cette variété ne produit que deux ou trois énormes gousses! Photo: Julie Boudreau

Quand récolter l’ail?

Ah, enfin! Les feuilles commencent à jaunir. C’est signe que dans trois semaines, ce sera le temps de la récolte. Les bulbes sont alors arrachés et déposés dans un endroit aéré et à l’abri du soleil direct. Au choix, on peut couper la tige, pour les variétés à tiges rigides, ou la laisser sur le plant. Cela n’a aucun impact. Après deux ou trois jours de séchage, on peut procéder au nettoyage en retirant le moins de pelures possible. Les bulbes nettoyés sont ensuite remis à sécher dans un endroit assez chaud (20 à 25 °C) pendant environ trois semaines. Le séchage est d’une grande importance, car c’est ce qui va influencer la durée de conservation des bulbes.

La précieuse réserve d’ail est ensuite entreposée dans un endroit légèrement frais, environ 15 °C, et moyennement humide. Plus il fait chaud, plus les bulbes vont se dessécher rapidement. On évite aussi le frigo.

À partir de ce moment, c’est le grand bonheur et surtout un point de non-retour! Car, quand on a cuisiné presque une année complète avec de l’ail du Québec, on ne veut plus jamais revenir en arrière.

L’ail sort très tôt au printemps. Photo: Julie Boudreau

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