De la graine au bonsaï
Je ne connais rien à l’entretien des bonsaïs. Franchement, j’ai beau trouver ça magnifique, je ne peux m’empêcher de penser que c’est un paquet de trouble. Bien sûr, les soins doivent être adaptés, mais la croissance doit être aussi très, très surveillée. Je n’en ai pas et je n’en veux pas. Je me contente de les admirer quand j’en rencontre.
MAIS! Je connais la biologie du bonsaï. Son chemin de vie, le pourquoi c’est un bonsaï. Et je vous assure que la semence de cerisier n’a aucune idée de ce qui l’attend quand elle tombe entre les mains d’un «maître bonsaïeur». Cette petite graine, elle, est destinée à devenir un arbre comme les autres. C’est grâce à un humain qu’elle donnera un format miniature.
Alors par pitié: arrêtez de vous faire avoir en achetant des semences de bonsaï!

Publicités mensongères
Si votre algorithme de publicité ressemble au mien, quand vous naviguez sur le web, vous croisez ce genre d’annonces:
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GRAINES DE BONSAÏ, faites pousser votre propre bonsaï, c’est facile!
Oh, j’ai aussi des pubs de trucs de bébés de temps en temps, même si ça ne me concerne pas du tout… J’imagine que c’est parce que je suis une femme trentenaire… Bref!
Ce qu’on remarque, c’est que je suis une millénariale très lambda. Mes enfants sont des chiens, je fais du crochet, je jardine et je mange mes émotions en rêvant de voyage et de spa. Rien de vraiment original.
Sauf que! Chers agents de pub, je ne suis pas crédule (en particulier sur les trucs vivants, parce que bon… C’est quand même un peu ma spécialité, le vivant, tsé!). Les publicités mensongères, ça me fâche. Je ne parle pas des rabais de 5%. Oui, c’est un rabais complètement nul, mais ce n’est pas mensonger. Non, je parle plutôt des semences qui n’existent pas. Les bégonias bleus qui brillent dans le noir, c’est du Photoshop ou de l’IA, les amis. Une serre extérieure à 15$ sur Temu, ce n’est clairement pas celle de l’image que vous allez recevoir. Et les graines de bonsaï, ça n’existe tout simplement pas.
C’est quoi, un bonsaï, alors?
N’importe quel arbre qu’on a forcé à rester petit. Oui, n’importe lequel! Un chêne, un érable, un pin, un genévrier… n’importe quelle espèce d’arbre peut devenir un bonsaï. Ce n’est pas une espèce naine spéciale. C’est du nanisme qu’on impose à l’individu de notre choix.

Si vous avez déjà cultivé des carottes dans un bac trop peu profond, vous savez exactement de quoi je parle. Au lieu de développer cette belle racine droite et allongée que vous espériez récolter, votre carotte sera petite, toute tordue, déformée, parfois même avec des excroissances allant dans plusieurs directions. Elle a bien essayé de pousser normalement, mais elle s’est heurtée à un fond de bac qui l’a contrainte à se développer autrement.
Un bonsaï, c’est ça. Mais le fond du bac qui le contraint, c’est un humain.
L’art de la torture végétale
Bon, je concède que le mot «torture» est un peu dur. Mais c’est quand même un peu ça: on prend une jeune pousse qui aurait dû devenir un colosse de plusieurs mètres et on la contraint à vivre miniaturisée pour l’éternité. Ce n’est pas cruel, les plantes n’ont pas de système nerveux qui leur permet de souffrir. C’est simplement une façon non naturelle de faire pousser une plante. On appelle occasionnellement cela du nanisme végétal, même si ce n’est pas une condition génétique ou transmissible comme le nanisme chez les animaux ou les humains.
Pour les «faire» (et non pas «les cultiver»), on a recours à plusieurs techniques:
- Le rempotage restrictif: On garde l’arbre dans un pot minuscule pour limiter sa croissance racinaire. Moins l’arbre a d’espace pour ses racines, moins il peut grandir en hauteur.
- La taille drastique: On coupe constamment les nouvelles pousses pour forcer l’arbre à rester compact. Ce n’est pas très différent d’une taille d’arbre fruitier ou d’arbuste, sauf qu’on coupe beaucoup plus souvent et beaucoup plus drastiquement.
- Le pincement des bourgeons: On retire régulièrement les bourgeons terminaux pour empêcher l’arbre de grandir et le forcer à se ramifier.
- La défoliation: On retire certaines feuilles pour en réduire la taille et encourager l’arbre à produire des feuilles plus petites. À force de perdre les grandes feuilles, l’arbre «apprend» que les petites sont plus efficaces à produire.
- Le câblage: On enroule des fils métalliques autour des branches (et parfois des racines!) pour les courber et leur donner des formes artistiques. Imaginez qu’on vous mette un corset pendant des années… C’est un peu l’idée!
Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai dit que c’était un paquet de trouble? Un bonsaï demande une attention quasi quotidienne. Ce n’est pas comme votre plante grasse qui survit même si vous l’oubliez pendant trois semaines. Si vous n’êtes pas prêts à faire tout cela, je suggère une autre sorte de nain plus simple d’entretien peut agrémenter votre jardin:

Mais alors, ces «graines de bonsaï» dans les pubs…
Ce sont des escroqueries, pures et simples! Ces vendeurs peu scrupuleux vous envoient généralement:
- Des graines d’arbres tout à fait ordinaires (souvent des pins ou des érables communs) que vous pouvez trouver gratuitement dans votre parc du coin.
- Des graines de plantes qui ne deviendront JAMAIS des arbres, comme des herbacées ou des annuelles (surprise: votre «bonsaï» est en fait un basilic!).
- Des graines non viables qui ne germeront tout simplement pas (c’est le scénario optimiste, au moins vous n’aurez pas perdu votre temps à les entretenir).
- Ou pire, rien du tout! Juste une petite enveloppe vide et un vendeur qui a disparu dans la nature avec votre argent.
Certains sites «plus propres» vous expliquent ce que je viens de vous raconter sur l’entretien. Ils peuvent même vous fournir un petit kit de cisailles et pelles miniatures! Mais ça reste qu’avant que votre graine vous donne un bonsaï esthétique et satisfaisant, ça peut prendre 15 ans!
Si vous en êtes à votre tout premier… pardonnez-moi l’image, mais il se peut que vous le torturiez un peu trop fort et que votre jeune arbrisseau de deux ou trois ans en meure! Même avec tous les bons conseils du monde, ça reste un talent difficile à développer. Quand on dit que c’est un art, les bonsaïs, c’est que c’est surtout un art de ne pas tuer le patient en le torturant trop fort!
Comment faire un vrai bonsaï (si vous êtes vraiment, vraiment patient)
Si je n’ai pas réussi à vous décourager et que vous voulez quand même vous lancer dans l’aventure, voici comment faire:
1. Choisissez un arbre: Achetez un jeune plant d’arbre dans une pépinière (ou semez une vraie graine d’arbre, mais préparez-vous à attendre plusieurs années avant de commencer le travail de bonsaï). Les genévriers, les pins et les érables japonais sont des choix populaires pour les débutants.
2. Préparez-vous mentalement: Un bonsaï, c’est un projet de vie. Les plus beaux spécimens ont souvent plus de 50 ans et ont été entretenus par plusieurs générations de «bonsaïeurs». Si vous avez du mal à garder en vie une plante d’intérieur pendant plus de trois mois, ce n’est peut-être pas pour vous.

3. Équipez-vous: Vous aurez besoin de petits sécateurs, de fil à ligaturer, de substrat spécial bonsaï et d’un pot (plusieurs!) peu profond.
4. Apprenez les techniques: Lisez des livres ou suivez des cours, parce que je n’ai clairement pas la place d’expliquer toutes les subtilités de cet art en un article… Et surtout, je vous l’ai déjà dit que je n’y connaissais rien!
5. Acceptez les pertes: Vos premiers vont probablement mourir. C’est comme ça qu’on apprend. Mère Nature ne se laisse pas contraindre facilement.
Les bonsaïs, des oeuvres d'art
Les bonsaïs sont de véritables œuvres d’art vivantes, fruits d’un travail patient et minutieux. Ils témoignent d’une relation particulière entre l’humain et le végétal, où l’arbre est façonné pour exprimer une certaine vision esthétique.
Mais s’il vous plaît, n’achetez pas de graines de bonsaï! Je le répète: un bonsaï ne se cultive pas à partir d’une graine spéciale, mais se façonne à partir d’un arbre ordinaire. Alors, quand vous tombez sur une publicité pour des graines de séquoia bonsaï pouvant germer en intérieur en 3 jours… envoyez-la-moi pour que je puisse rire un bon coup avec vous!
Et si comme moi, vous préférez juste les admirer de loin en vous disant «ouain, c’est beau, mais ça m’intéresse pas», c’est aussi un choix tout à fait respectable! Toutes les plantes ne sont pas faites pour toutes les personnes, et tous les jardiniers ne sont pas faits pour toutes les plantes.

Je voulais finir sur cette dernière phrase, mais en l’écrivant, j’ai quelques fantômes d’aloès qui sont venus me hanter… je me devais de vous le mentionner! D'ailleurs, je me permets de vous lancer une...
INVITATION SPÉCIALE!
J'ai promis à plusieurs lecteurs de vous faire signe quand je donnerais des conférences ouvertes au public. Voici donc votre invitation pour Plantes torturées par les Hommes.
Vous avez aimé cet article sur les bonzaïs? Venez découvrir d'autres fascinantes transformations végétales lors de ma conférence à la bibliothèque de Cowansville le 1er mai 2025 à 18h.
Nous explorerons ensemble comment les humains ont façonné le monde végétal à travers les siècles. Rassurez-vous, ce n'est pas une conférence négative! C'est plutôt une ode à la force extraordinaire de la nature et à la capacité de l'Homme de la transformer. J'ai hâte de vous y voir!
Entrée gratuite - Inscription requise: www.cowansville.ca/evenement/plantes-torturees-par-lhomme-conference-par-audrey-martel
Merci de remettre la réalité scientifique en lumière. Personnellement j’ai replanté tous les bonsaïs qu’on a pu me donner (cas désespérés) dans de vrais grands pots voir en pleine terre et beaucoup sont de venus de grands arbustes. Et ils ont l’air beaucoup plus heureux ?
Merci de remettre la réalité scientifique en lumière. Personnellement j’ai replanté tous les bonsaïs qu’on a pu me donner (cas désespérés) dans de vrais grands pots voir en pleine terre et beaucoup sont de venus de grands arbustes. Et ils ont l’air beaucoup plus heureux ?
Le Bonsaï de mon conjoint est mort suite à notre décision de fonder une famille … Les bonsaïs sont comme les enfants, ils demandent beaucoup d’attention et de soins pour les faire pousser ! 🙂
J’adore les plantes. Dont les bonsaïs. Et les chiens. Surtout ceux des autres. Mais, au grand jamais, je ne me passerais des mes enfants et encore moins de mes petits enfants. Tout le monde n’est pas fait pour cultiver une progéniture j’en conviens. Mais si vous appréciez le vivant, bien peut-être passez-vous à côté de quelque chose là! Une culture à très très long terme il va sans dire.
Audrey
Votre article est très amusant et je le crains, très réaliste. En plus, il recoupe la plupart de mes perceptions sur cet art millénaire, notamment en ce qui concerne la torture de végétaux. Ceci dit, les vrais spécimens peuvent être très beaux et susciter la méditation et la contemplation.
Mais jamais au grand jamais, je ne reprendrai un cours sur les bonsaïs et n’essaierai d’en garder un en vie. Ce n’est pas pour moi car j’aime avoir un certain succès avec les végétaux que je cultive. Je suis orgueilleuse pour ça! Merci de dénoncer les efforts malhonnêtes de marchands de graines de bonsaïs. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour s’enrichir?
Bonjour
Je m’en suis fais un il y a quelques années avec une bouture de ficus benjamina ….suite a une formation
D’un soir a la société d’horticulture… Toujours en vie…Avec le temps les feuilles ont nanifiees, fenêtre au sud…
C’était un défi pour moi et c’est réussi..
Merci pour votre article rigolo…
Les bonzaï, ca me fait mal au coeur. Il y a une belle exposition au Jardin botanique où on voit la broche entortillée autour des branches pour les forcer à prendre la forme qu’un humain souhaite. Pour moi, c’est de la torture, c’est méchant et pourquoi on aurait le droit de martyriser une plante pour l’empêcher de vivre sa vie de plante? juste parce que ca nous tente…. non, je ne suis pas capable.
et merci de votre article très instructif sur les graines de bonzaï.
Ma chère Audrey, vous êtes une coquine selon mon cœur, vous resterez surement jeune plus longtemps que ces simili bonsaïs !!!
Bonjour,
De la graine au bonsaï, je suis d’accord avec vous.
Ceci dit, cet art japonais est trop souvent mal compris par les non initiés. Je considère donc cet article, ainsi que les commentaires s’y rattachant, inexacts et réducteurs. Ils ne représentent aucunement la philosophie du bonsaï.
Je souligne les articles de M. Larry Hodgson de novembre 2021 et février 2022 – À leur lecture, vous aurez compris que le bonsaï n’est pas négatif en lui-même.. Il suffit de trouver les essences qui conviennent à notre mode de vie. Ou considérer la vente de sa collection si ne convient pas du tout, comme l’a fait M. Hodgson.
Respectueusement,
Sylvie
Bonjour Sylvie, le point de l’article, c’est vraiment à propos des graines de bonsaï, et non du bonsaï lui même. Je me permet tout de même d’attirer votre attention sur cette phrase : « Les bonsaïs sont de véritables œuvres d’art vivantes, fruits d’un travail patient et minutieux. Ils témoignent d’une relation particulière entre l’humain et le végétal, où l’arbre est façonné pour exprimer une certaine vision esthétique. »
La transformation d’arbre en bonsaï n’est pas critiquée, au contraire, c’est une magnifique compréhension du végétal par l’humain, seulement, ce n’est pas aussi « facile » que le prétendent les vendeurs de graines.
Au plaisir!
Bonjour Audrey,
J’avais bien pris connaissance de votre phrase.
Vous mentionnez également en sous titre, caractères gras « L’art de la torture végétale » et poursuivez en comparant un bonsaï avec une….carotte.
Ce qui est inexact et apporte confusion et compréhension erronée de cet art aux non initiés.
Comme le mentionne Charles un peu plus bas, il suffit de suivre des formations. Les étapes que vous avez proposées sont en désordre:
1) Suivre une formation – Initiation
2) Se préparer mentalement (vraiment?)
3) Équipez-vous (quelques outils principaux suffiront)
4) Choisir son arbre
5) Accepter les pertes (en ayant bien intégrer la formation et ayant bien choisi son arbre, les pertes, bien que possibles, sont minimisées).
Bref, bien faire ses recherches avant de publier un article sur un sujet inconnu serait apprécié.
Respectueusement,
Sylvie
Membre de Bonsaï Bois-Francs
Membre de Bonsaï Gros-Bec
Suivi de la Société de Bonsaï d’Ottawa
Suivi de la Société Bonsaï Québec
Très intéressant
Je crois que les gens sont naïfs
Des graines de bonsaï
Permettez moi de rire..
???
Très intéressant
Je crois que les gens sont naïfs
Des graines de bonsaï
Permettez moi de rire..
???
Joignez-vous à un club, c’est autre bonne façon d’apprendre sur l’art et la culture de bonsaï. Vous pourrez apprendre, échanger et même avoir accès à des outils, des livres… Je suis membre de la Société de bonsaï d’Ottawa. Au Québec il y a aussi la Société de bonsaï et de penjing de Montréal, le Groupe Bonsaï Québec, et plusieurs autres partout au Canada et ailleurs dans le monde.
Vous pouvez vous procurer des spécimens et tout le nécessaire auprès de fournisseurs spécialisés. Il y en a au Québec.