Jour de la Terre : ouvrir les yeux sur la biodiversité
Célébré pour la première fois en 1970, le Jour de la Terre mobilise aujourd’hui plus d’un milliard de personnes chaque année, dans près de 190 pays. Cette journée rappelle l’urgence d’agir face aux crises environnementales et encourage des gestes concrets pour la planète.

Pour protéger la biodiversité: ouvrons les yeux
En 2025, la campagne du Jour de la Terre Canada invite les citoyennes et citoyens à «ouvrir les yeux» pour protéger la biodiversité. Observer, comprendre, agir: c’est le cœur de cette invitation. Il s’agit d’apprendre à voir la richesse du vivant autour de nous, à reconnaître le rôle des espèces, à prendre conscience des menaces qui pèsent sur elles… et à poser des gestes concrets pour les protéger.
La biodiversité, à quoi ça sert?
La biodiversité est un vaste réseau vivant où chaque espèce joue un rôle essentiel. Elle repose sur trois piliers: la diversité des espèces, la diversité génétique (variabilité au sein d’une espèce) et la diversité des écosystèmes (variété d’habitats). Ces éléments permettent aux milieux naturels de s’adapter aux changements et perturbations. En plus de soutenir toute forme de vie, la biodiversité nous offre des ressources vitales comme l’air, l’eau, la nourriture et des médicaments. Au Canada, plus de 800 espèces sont déjà menacées – leur survie est liée à la nôtre.
Connecter les milieux naturels, un jardin à la fois
Planter une vivace indigène, laisser un coin du jardin en friche, semer des fleurs pour les pollinisateurs, éviter les pesticides… Ces gestes individuels, aussi modestes soient-ils, peuvent transformer nos milieux de vie. Répétés d’un jardin à l’autre, ils créent une continuité écologique à travers nos communautés. Et petit à petit émergent des passages pour la faune.
Un corridor écologique, c’est un chemin vert qui relie des milieux naturels séparés. Il permet aux animaux et aux plantes de se déplacer, se nourrir, se reproduire ou changer d’habitat, notamment en réponse aux saisons ou aux changements climatiques. Ces corridors peuvent être des boisés, des rivières, des parcs… ou même des jardins urbains.

En ville, les milieux naturels sont souvent fragmentés par les routes et autres constructions. Pourtant, si l’aménagement du territoire est bien pensé, les villes peuvent contribuer à la connectivité écologique. Des parcs bien situés, des bandes végétalisées, ou même des cimetières et talus routiers peuvent servir de passages pour la faune.
Quand les grands espaces verts manquent, les petits jardins privés prennent le relais. Ces «pierres de gué» permettent aux insectes, oiseaux et petits mammifères de circuler d’un habitat à l’autre.
Chaque espace vert, petit ou grand, compte. En les reliant entre eux, on peut créer un véritable réseau écologique vivant, bénéfique autant pour la nature que pour les habitants des villes.
Les jardins comme corridors génétiques
Mais les jardins ne se contentent pas de relier les milieux: ils peuvent aussi renforcer les liens entre les espèces elles-mêmes. En plus de servir de passages physiques, ils facilitent les échanges génétiques entre populations animales, notamment chez les insectes pollinisateurs.

C’est ce qu’a démontré une étude menée en Californie par Jha et Kremen (2013). Les chercheuses ont observé que l’augmentation de la diversité florale dans les jardins urbains, combinée à une réduction des surfaces imperméables comme l’asphalte, permettait aux bourdons (Bombus vosnesenskii) de circuler plus facilement entre les milieux urbains et ruraux. Ce type de déplacement favorise ce qu’on appelle le flux génétique – des échanges de gènes entre différentes populations – qui enrichit la diversité génétique. Une population plus diversifiée est mieux outillée pour faire face aux maladies, aux changements climatiques et aux autres perturbations. Le flux génétique renforce ainsi la résilience des espèces et leur capacité à s’adapter à un environnement en constante évolution.
Ainsi, même à petite échelle, un jardin peut participer à la connectivité écologique d’un territoire.
Des refuges essentiels pour la biodiversité
Les espaces verts urbains, notamment les jardins communautaires et résidentiels, peuvent aussi jouer un rôle crucial comme refuges pour des espèces en déclin, et contribuer ainsi à la conservation de la biodiversité régionale. Loin d’être de simples îlots décoratifs, ces milieux deviennent parfois de véritables réservoirs de biodiversité.
Par exemple, une étude menée à New York montre que les jardins communautaires hébergent une grande diversité d’abeilles, incluant plusieurs espèces indigènes, dont certaines sont rares ou sensibles à la perte d’habitat. Leur densité et fréquence d’observation y sont parfois comparables, voire supérieures, à celles mesurées dans certains milieux naturels périphériques.

À Toronto, un projet de science citoyenne piloté par l’Université de Toronto a permis de recenser plus de 360 espèces d’abeilles en ville, soit une des plus grandes diversités urbaines recensées en Amérique du Nord. Ces données montrent que, bien conçus et bien entretenus, les espaces verts urbains sont capables de soutenir une biodiversité riche et fonctionnelle.
Ce rôle de refuge est d’autant plus essentiel dans un contexte où les milieux naturels sont de plus en plus fragmentés ou transformés. Les espaces verts urbains, incluant les jardins privés, jouent un rôle crucial dans la sauvegarde de la biodiversité à une échelle plus large, en agissant comme de véritables sanctuaires écologiques au cœur de paysages bouleversés.
Les facteurs qui influencent la biodiversité en milieu urbain
À première vue, les villes peuvent sembler peu accueillantes pour la nature. Pourtant, entre les trottoirs et les murs, il reste de l’espace pour que la vie s’installe. Les jardins, les balcons et même les ruelles peuvent offrir un point d’ancrage à la biodiversité. Mais tout dépend de la manière dont ces espaces sont aménagés.
Les plantes indigènes sont particulièrement précieuses pour la faune locale, car elles ont évolué ensemble au fil du temps. De nombreux insectes herbivores, comme les chenilles de papillons, dépendent de certaines espèces végétales précises pour se nourrir. En retour, ces insectes nourrissent des oiseaux, des amphibiens et d’autres prédateurs, soutenant toute une chaîne alimentaire. Intégrer des plantes indigènes dans les aménagements permet donc de renforcer ce réseau écologique.

Plus un jardin est grand, plus il peut accueillir d’espèces. La superficie influence directement la diversité d’habitats disponibles et la quantité de ressources offertes. Une revue publiée dans Biodiversity and Conservation a montré que la richesse des espèces dans les jardins urbains est souvent corrélée à leur taille. Cela ne veut pas dire que les petits jardins sont inutiles, mais cela souligne l’importance de préserver, relier ou agrandir les zones végétalisées lorsque c’est possible.
Un jardin composé uniquement de pelouse offre peu d’abris et de nourriture. En revanche, un jardin structuré avec plusieurs strates de végétation – arbres, arbustes, vivaces, couvre-sols – crée une diversité de microhabitats. Cette complexité attire différentes espèces, selon leurs besoins, du sol au feuillage. Même la présence d’un tas de bois, d’un coin en friche ou d’une haie libre peut multiplier les possibilités pour la faune urbaine.
Relier pour protéger: un exemple inspirant
À Seattle, un projet original a démontré que même en pleine ville, les citoyens peuvent jouer un rôle direct dans la création de corridors écologiques fonctionnels. Lancé en 2008 par l’artiste et designer Sarah Bergmann, le Pollinator Pathway visait à relier deux grands espaces verts urbains distants d’un kilomètre, en passant par une rue résidentielle. Le concept: transformer les devants de maisons et les petits espaces verts en jardins pour pollinisateurs, plantés d’espèces indigènes.
Ce projet repose entièrement sur la collaboration entre propriétaires résidentiels, bénévoles, architectes paysagistes, étudiants, organismes communautaires et universités. Ensemble, ils ont conçu, planté et entretenu ces micro-habitats, qui forment aujourd’hui un corridor écologique en plein milieu urbain. Aujourd’hui, une vingtaine d’entre eux sont toujours activement entretenus, et ensemble, ils accueillent plus de 1?000 plantes indigènes.

Les résultats ont été concrets: des relevés de terrain ont observé une nette augmentation de la présence d’abeilles solitaires, de syrphes (mouches pollinisatrices) et de papillons dans les zones transformées. Le projet a aussi inspiré des initiatives similaires dans d’autres villes, en démontrant qu’un corridor écologique pouvait naître d’un ensemble de petits gestes coordonnés à l’échelle du voisinage et qu’il y avait un potentiel de collaboration entre les résidents, les bénévoles et les institutions locales pour promouvoir la biodiversité en milieu urbain.
Le Jour de la Terre, la force du collectif
Le Jour de la Terre nous rappelle la force du collectif. Des marches citoyennes aux mobilisations de quartier, les actions de groupe font pression pour transformer nos sociétés. Mais ces élans trouvent leur souffle dans nos gestes individuels, concrets, quotidiens. Un pré fleuri pour les pollinisateurs, un potager partagé, une haie de plantes indigènes: chacun de ces gestes, répété, multiplié, devient partie prenante d’un changement plus grand.
Vous souhaitez transformer votre jardin en havre pour la biodiversité? Que vous ayez un grand terrain, une cour urbaine ou un simple balcon, chaque geste compte. Le programme «Jardin pour la biodiversité» d’Espace pour la vie propose des ressources pour vous guider dans l’aménagement d’un jardin favorable aux pollinisateurs, aux oiseaux et à la petite faune locale. En plus de valoriser vos efforts par une certification officielle, le site offre une foule d’informations pratiques pour créer des aménagements diversifiés, adaptés à votre réalité.
Si nos dirigeants pouvaient comprendre que la biodiversité est un gage de santé de tout ce qui vit sur Terre, y compris la santé humaine, cela serait vraiment bien. Merci à toute l’équipe du Jardinier Paresseux.
Tellement vrai, ouvrons nos yeux et notre coeur à la biodiversité.