Le réticent lis de Pâques
La fête de Pâques a une signification religieuse, bien sûr, mais aussi profane, car elle symbolise le printemps. Ainsi, qu’elle se déroule sous la neige ou sous un brillant soleil et une température douce, Pâques est pour plusieurs le début de la belle saison!
Il y a, bien sûr, des dizaines de fleurs sur le marché pour la fête pascale – des azalées, des hydrangées, des potées de narcisses et de tulipes, des primevères, etc. – mais aucune n’est aussi étroitement associée à Pâques que le lis blanc. C’est le Lilium longiflorum, un lis trompette à longues fleurs blanches très parfumées, que nous préférons comme lis de Pâques. Pourtant, il existe de dizaines d’autres lis blancs qui auraient pu jouer ce rôle, notamment le lis de la Madonne (L. candida), un autre lis blanc qui est d’ailleurs le lis que nous voyons dans les vieux tableaux comme symbole de la pureté, mais ce dernier ne se force pas facilement et il est difficile de l’obtenir pour la bonne date.

Une floraison récalcitrante
Même le «lis de Pâques» (L. longiflorum) ne fleurit pas naturellement à Pâques. Bien au contraire, il a normalement une floraison presque automnale. Par contre, si on l’empote à l’automne et qu’on lui fait subir un hiver artificiel précoce, il est possible de le «réveiller» plus tôt que la normale et de le faire fleurir au printemps. C’est ce qu’on appelle «forçage»: on incite une plante à fleurir avant son temps… et c’est toute une science!
En effet, chaque hiver, des producteurs de lis doivent savamment calculer la situation. Selon que la Fête de Pâques soit hâtive (22 mars au 2 avril), moyenne (du 3 avril au 15 avril) ou tardive (du 16 avril à 25 avril), le producteur doit planter ses bulbes plus ou moins tôt. Il faut ensuite leur faire subir des températures fraîches pour simuler l’hiver: ainsi les potées sont placées dans une serre à peine chauffée pendant environ un mois. Après un mois, on augmente la température un peu et la plante commence à pousser, peu à peu. Si la croissance s’accélère trop rapidement, on baisse la température ; si elle retarde, on l’augmente ou l’on ajoute un éclairage artificiel.
Aussi, le producteur doit prendre en considération l’habitude des consommateurs. Certains veulent acheter leur lis de Pâques pour le dimanche des Rameaux, d’autres pour Pâques elle-même. Et personne ne veut acheter un lis de Pâques le lundi de Pâques: les retardateurs seront compostés! Entre vendre tous ses lis à point ou tout rater, c’est donc une question de jours. Pas facile d’être un producteur de lis de Pâques!
Trucs pour le consommateur
Par contre, il est facile d’être un acheteur de lis. Vous n’avez pas à considérer votre achat des mois d’avance. Allez au magasin ou au marché lle jour qui vous tente: voilà des lis par centaines, et à toutes sortes de prix! Comment alors choisir?

Sachez d’abord que les lis sont surtout classés selon le nombre de boutons qu’ils portent. Un lis bon marché aura moins de boutons floraux, parfois beaucoup moins, qu’un lis plus coûteux. Généralement, on cultivera 3 bulbes de lis, parfois même plus, par pot, pour pouvoir offrir un maximum nombre de fleurs. Mais on produit aussi des pots d’un seul bulbe pour le marché des supermarchés et d’autres magasins non spécialisés, où le consommateur préfère une aubaine à une floraison importante.
Un autre facteur à regarder est la qualité de la potée et notamment l’état des feuilles. Sur un lis de qualité, les feuilles sont vert foncé luisant, il n’y a aucune feuille jaunie et de plus la tige est couverte de feuilles de haut en bas. Aussi, on ne devrait voir aucun signe d’insecte. Si vous achetez un lis une semaine avant Pâques, recherchez une potée portant beaucoup de boutons floraux blancs, mais aucune fleur ouverte.
Si vous prévoyez acheter un lis aujourd’hui ou demain, par contre, préférez toujours une potée avec beaucoup de boutons, mais cette fois avec au moins une fleur ouverte. Par contre, s’il y a déjà 3 fleurs ou plus qui sont ouvertes, et surtout si la potée est pleinement fleurie, c’est que la floraison est passablement avancée et durera moins longtemps chez vous. En général, il est préférable de choisir une plante avec peu de fleurs ouvertes, mais beaucoup de boutons: cela fera davantage durer le plaisir.
Conserver son lis de Pâques
Faites bien emballer le lis s’il fait froid (au début d’avril, il est loin d’être rare d’avoir des températures sous 0 °C)! À la maison, déballez la plante sans tarder et enlevez surtout le papier d’aluminium ou autre qui recouvre le pot et qui vous empêche de savoir quand la plante manque d’eau. Pour une floraison durable, placez la plante dans un emplacement moyennement éclairé et très frais (entre 15 et 18 °C), car le plein soleil et des températures chaudes feront faner les fleurs plus tôt. Comme il n’est pas toujours possible de maintenir votre maison à ces températures, au moins pouvez-vous éviter le plein soleil et placer la plante au frais le soir. Évitez surtout les emplacements près des bouches de chaleur ou du foyer.

Assurez-vous d’arroser le lis dès que son terreau paraît sec au toucher. Même en temps de croissance normale, le lis déteste la sécheresse: imaginez en pleine floraison!
On peut aussi supprimer les anthères jaunes de la fleur, car le pollen jaune qui tombe sur des nappes ou des vêtements est tâchant. Tristement, par contre, cela diminue considérablement l’apparence de la fleur.
Enfin, supprimez les fleurs fanées au fur et à mesure pour que la plante paraisse toujours à son meilleur.
Une prochaine floraison?
Triste nouvelle: le lis de Pâques ne fait ni une bonne plante d’intérieur (il demande un hiver froid) ni une bonne plante d’extérieur (il ne tolère pas les hivers très froids de nos régions). Vous pouvez, si vous le désirez, le conserver comme plante verte quelques semaines après la floraison (le temps que la température se réchauffe un peu) et le transplanter par la suite en pleine terre, mais il y a peu de chances que cela vous donne autre chose que du feuillage.
En latitudes nordiques
Bien que largement cultivé en pot pour la fête pascale, le lis de Pâques (Lilium longiflorum) n’est pas très rustique sous nos latitudes nordiques. Il tolère difficilement les hivers rigoureux des zones 3 et 4, comme ceux du Québec, sauf s’il est soigneusement protégé du gel et planté dans un sol bien drainé. En zone 5, sa survie demeure incertaine d’un hiver à l’autre. Toutefois, dans des régions plus clémentes – notamment en zones 7 et plus – il peut se comporter comme une vivace fidèle et refleurir année après année en pleine terre. On rapporte d’ailleurs sa naturalisation dans certains États du sud et de l’ouest des États-Unis, comme la Californie, l’Oregon, la Floride et la Géorgie. Ces populations issues de cultures ornementales se sont établies localement, souvent près des habitations, sans pour l’instant présenter de caractère envahissant.
Autrement, on peut disposer de la plante en la mettant au compost quand elle a cessé de fleurir. Mais du moins elle vous aura donné deux bonnes semaines de belles fleurs parfumées auparavant… et vous pouvez toujours en acheter une autre à Pâques l’an prochain!
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Le texte a été publié à l’origine dans Le Soleil le 7 avril 2007.
Toujours surprise de lire que le lys ne refleurit pas après être forcé…pourtant, à Québec, zone 4b, il repousse d’année en année…sauf qu’il risque maintenant de finir au compost du? aux nombreux crioceres du lys qu’ils envahissent à chaque année…
Parlez-vous du lys de Pâques (Lilium longiflorum), qui peut refleurir chaque année, ou des lys en général ? Il est possible que le lys de Pâques survive dans des emplacements protégés. En zone 5, il peut refleurir, mais pas nécessairement chaque année. De toute façon, comme vous le mentionnez, il y a aussi le problème du criocère.