Par Julie Boudreau
5 avril 2025

Qu’est-ce que le frass?

Par Julie Boudreau

Les insectes, c’est l’avenir! On entend souvent cette affirmation, en particulier lorsqu’il est question de l’alimentation «du futur»! Et en effet, les insectes comestibles sont de plus en plus présents sur nos tablettes. Et ces insectes rejettent des déchets qui eux aussi sont de plus en plus populaires dans nos jardins: le frass!

D’où vient le frass?

Pour bien comprendre d’où vient le frass, il faut s’intéresser quelques instants à cette grande tendance mondiale qu’est l’intégration des insectes comestibles dans notre alimentation humaine et animale. En effet, de plus en plus, on retrouve des insectes dans les mélanges de nourriture pour les animaux d’élevage. Parce que les insectes sont très faciles à élever et à propager, les fermes d’élevage d’insectes comestibles ont connu une croissance exponentielle. Et bien sûr, comme dans toute production industrielle, on s’est retrouvé avec un déchet: le frass. C’est donc en cherchant des moyens de réutiliser cette matière que l’on a découvert ses propriétés fertilisantes.

Le frass est donc composé d’excréments d’insectes, d’exuvies (les anciennes peaux des insectes en mutation), des fragments d’exosquelettes et des microorganismes. Le frass peut provenir de différents élevages d’insectes, mais c’est la mouche soldat noire (Hermertia illucens) qui est la plus célèbre. Dans le milieu, on la nomme souvent BSF, pour Black Soldier Fly, son nom anglais. Mais d’autres insectes, comme le grillon provençal (Gryllus bimaculatus), le ver à soie (Bombyx mori), l’empereur doré d’Afrique (Gonimbrasia krucki), le ténébrion meunier (Tenebrio molitor), le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria), la cétoine noir et jaune d’Afrique du Sud (Pachnoda sinuata) et le scarabée rhinocéros du cocotier (Oryctes rhinoceros) sont utilisés pour la production de frass.

En quoi le frass est-il si spécial?

D’abord, le frass est intéressant, car il est un formidable exemple d’économie circulaire. On élève des insectes à des fins d’alimentation et on récupère les résidus pour en faire un engrais de jardin: le frass. Peu ou pas d’intrants chimiques, aucune transformation générant des polluants toxiques dans l’air… Le frass est séché, broyé et emballé. C’est donc un produit naturel bien intéressant.

Mais ce qui s’est avéré le plus intéressant du frass, ce sont ses capacités fertilisantes. Cela fait moins de 10 ans que de réelles études se sont penchées sur les propriétés du frass. C’est donc un produit tout récent sur nos tablettes. Et il se trouve que c’est un très bon engrais naturel! Mes essais au jardin confirment aussi cette affirmation.

Petite parenthèse ici, pour ceux qui se demandent depuis le début de ce texte d’où peut bien provenir le mot «frass»: il s’agit tout simplement d’un mot allemand qui concerne l’alimentation animale.

Que contient le frass?

La plupart des études que j’ai consultées prouvent que le frass est un excellent engrais, particulièrement riche en azote et en phosphore. Selon l’origine des insectes, on note aussi des quantités de potassium, de magnésium, de calcium, de soufre. En plus petites doses, on trouve aussi des traces de manganèse, de cuivre, de fer, de zinc, de bore et de sodium. C’est donc un engrais très complet.

Le frass des mouches soldat noires est plus riche en azote et en potassium. Celui des grillons est plus riche en phosphore et celui des criquets produit un phosphore qui demeure plus longuement assimilable dans le sol.

Aussi, on a découvert qu’une utilisation constante du frass stimule la vie microbienne et augmente la présence des bactéries et des champignons microscopiques qui sont essentiels à un sol vivant.

Et comme s’il en fallait plus pour être convaincu, on commence à découvrir que le frass a aussi la capacité de contrôler certains pathogènes.

Comment l’appliquer?

Étant un engrais commercialisé sous forme de poudre grossière ou de granules, on l’incorpore au sol, seulement dans les 10 premiers centimètres de profondeur. Son efficacité se prolonge sur plusieurs semaines. Certains fabricants recommandent une application chaque mois. La plupart des études confirment que le frass libère des matières fertilisantes sur une période de 60 à 90 jours, en moyenne. De mon côté, mes premières expérimentations me confirment qu’il faudrait faire deux applications par saison de croissance, une au printemps, au moment de la transplantation et une autre 6 à 8 semaines plus tard. Personnellement, j’ai vraiment observé des résultats tangibles avec l’utilisation du frass, contrairement au biochar qui est aussi un nouveau venu dans l’univers des amendements et engrais naturels.

Bref, il nous reste encoure beaucoup de choses à découvrir au sujet du frass et de ses propriétés, mais pour l’instant, l’avenir semble pavé de petites carcasses et d’excréments d’insectes séchés! Et on aime ça!

Julie Boudreau

Julie Boudreau est horticultrice, diplômée de l’ITA de Saint-Hyacinthe. Elle œuvre dans le domaine l’horticulture depuis plus de 25 ans. Elle a publié une dizaine de livres et participé à de nombreuses émissions de télévision et de radio. Elle est enseignante au Centre de formation horticole de Laval. Passionnée de son métier, Julie Boudreau se consacre à promouvoir le jardinage, le design de jardin, la botanique et l'écologie, sous toutes ses formes. Un peu grano, écolo depuis toujours, gourmande et essayeuse, Julie est une épicurieuse avec un fort penchant pour tout ce qui se prononce en latin.

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