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La vie en ro… uge

N’êtes-vous pas un peu tanné du vert? Quand on regarde dehors, tout est toujours vert: le gazon, les arbustes, les arbres, même les meubles de patio, qui étaient d’un blanc brillant il y a quelques années, se sont métamorphosés en vert foncé. C’est bien, mais… ça manque un peu de personnalité.

Personnellement, je rêve d’un aménagement entièrement rouge.

Un aménagement complètement rouge

Pas rouge pompier (il existe des fleurs de cette couleur, mais des feuilles, c’est plutôt rare), bien sûr (ça serait bien trop beau). Plutôt la couleur pourpre qui caractérise le prunier pourpre des sables et que les horticulteurs qualifient de «rouge», de «pourpré» ou même de «bronze» (bronze? Je ne sais pas qui a utilisé ce terme pour la première fois, mais il devait être daltonien!).

Panicum virgatum ‘Blood Brothers’ Photo: Julie Boudreau

D’abord, un aménagement en rouge ouvrirait la porte à toutes sortes de combinaisons nouvelles. Actuellement, dans les jardins, le vert dirige, sans qu’on le remarque trop, nos choix de couleurs. D’accord, les couleurs des fleurs dans une plate-bande doivent bien se marier entre elles, mais, d’abord et avant tout, elles doivent non seulement se coordonner avec le vert du feuillage, mais aussi trancher avec cette couleur de base. Quand avez-vous vu une belle fleur verte pour la dernière fois? Pourtant, il y en a, et si toutes les feuilles étaient d’un rouge horticole, vous les verriez bien… mais je ne suis pas certain que les très populaires teintes de bleu seraient aussi prisées: il me semble qu’elles ne vont pas avec le pourpré.

Le rouge horticole

Je tiens tout de suite à souligner que les plantes elles-mêmes ne souffriraient pas de ce changement de couleur. Le rouge horticole se composerait tout simplement d’un fond de vert, provenant de la chlorophylle dont toutes les plantes ont besoin pour vivre, et de pigments rouges naturellement présents dans les plantes, mais en quantité accrue. Si une plante a un feuillage qui paraît vert, c’est que c’est la chlorophylle qui prédomine. Par contre, si elle nous paraît pourprée, c’est que les pigments rouges sont en plus grand nombre. Toutes les plantes ont divers pigments rouges, car cette coloration agit comme une crème anti-UV et les empêche de brûler au soleil. Ce rouge, d’ailleurs, refait surface à l’automne quand la chlorophylle se désintègre. Il suffit de développer des plantes où cette pigmentation domine le vert, voilà tout.

Penstémon ‘Husker Red’. Photo: PlantMaster

Nuisible?

La preuve que le rouge n’est pas nuisible, c’est que les plantes à feuillage pourpré croissent avec autant de vigueur que les autres. Un érable de Norvège ‘Royal Red’, pour ne nommer que l’un des nombreux érables de Norvège à feuillage pourpré, pousse aussi rapidement que l’érable de Norvège ‘Emerald Queen’, à feuillage entièrement vert. La panachure, cette coloration vert et blanc, vert et jaune ou vert et rose de plusieurs végétaux d’ornement, par contre, est un exemple d’une coloration nuisible. Les plantes panachées poussent moins rapidement et fleurissent habituellement moins que les autres végétaux, car la panachure découle d’une carence en chlorophylle dans certaines sections de la feuille.

Attention aux érables de Norvège !

L’érable de Norvège (Acer platanoides) est considéré comme une espèce envahissante dans plusieurs régions d’Amérique du Nord. Ses semences abondantes se dispersent facilement et forment rapidement des peuplements denses qui supplantent les espèces locales. Privilégiez des espèces indigènes mieux adaptées à l’écosystème local, comme l’érable à sucre.

De même, les feuillages dorés (encore un drôle de terme sans doute choisi par le même horticulteur daltonien qui a qualifié les feuillages pourprés de bronze, car ces plantes ont plutôt des feuilles vert lime) sont dus à une pigmentation verte plus diffuse que la normale. La plante manque par conséquent de vigueur. Mais le rouge ne prend pas la place de la chlorophylle, il ne fait que la cacher à nos yeux et n’empêche même pas les rayons de soleil autres que les UV d’entrer; une plante rouge est aussi forte que n’importe quelle autre.

L’obstacle majeur

Par contre, il y a un obstacle majeur à mon rêve d’un aménagement entièrement rouge horticole: je ne connais aucune graminée à gazon rustique de cette couleur. Je pourrais remplir mes plates-bandes de vivaces à feuillage pourpré, comme le penstémon ‘Husker Red’ ou le sédum ‘Mohrchen’, pour ne nommer que deux des nombreuses vivaces aux feuilles de cette couleur. J’aurais, en arrière-plan, un prunier pourpre des sables, un physocarpe ‘Diabolo’ ou un fustet pourpre, le tout dominé par des érables de Norvège rouges ou des pommetiers rouges. À l’ombre, il y aurait des tapis de bugles rampantes ‘Braunherz’. Quant aux annuelles à feuillage rouge, il y en a des tonnes: irésine, amarante, coléus, pour n’en citer que quelques-unes. Pour compléter le portrait, il y a même des légumes à feuilles rouges, notamment plusieurs betteraves et de nombreuses laitues.

Sédum ‘Mohrchen’.

Cependant, ce qui manque, c’est une belle graminée «tondable» de couleur pourpre. Il y a bien l’herbe rouge du Japon (Imperata cylindrica ‘Red Baron’) qui est vraiment rouge, mais vous ne pouvez pas la tondre et, de plus, elle manque un peu de rusticité pour une utilisation générale au Québec. Dans les pays tropicaux, il y a des gazons entièrement rouges (allez au jardin de Balata, en Martinique, si vous ne me croyez pas). Pourquoi, dans les pépinières d’ici, n’offre-t-on pas aussi des plaques de gazon rouge? Je suis certain que des graminées mutantes au feuillage au moins un tantinet pourpré sont déjà apparues dans le passé. Or, une fois qu’on a cette forme de base, il est facile de faire des croisements pour faire ressortir la coloration.

Ma commande pour le Québec

Horticulteurs du Québec, la commande est désormais passée. Faites vos recherches, faites vos croisements: je veux un gazon rouge pourpré pour compléter mon aménagement rouge, un gazon qui, plutôt que de se confondre avec tous les gazons verts du voisinage, trancherait comme un couteau, pour que tout le monde sache instantanément où commence mon terrain et où finissent ceux de mes voisins. Car, sans ce gazon rouge, je dois faire comme tous mes voisins et laisser le vert dominer… et je déteste faire comme tout le monde.


Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans Fleurs, plantes et jardins en avril 2020.


  1. Excellente idée ! Je suis tout à fait d’accord avec lui 🙂

  2. Sedum spurium Dragon’s Blood ?

  3. Sedum spurium Dragon’s Blood? Très bonne plante couvre sol…

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