Les dangers de… la lumière?
ANNONCE!
Avant de vous laisser à mon article, j’ai une bonne nouvelle pour les gens de Mont-Laurier! Je serai chez vous la semaine prochaine à l’occasion d’une conférence à la pépinière Mont-Laurier! Procurez-vous votre billet à la pépinière en pré-vente ou directement sur place è 27 novembre 2024 à 19h (un peu avant, histoire de ne pas déranger tout le monde, hein!).
Je vous y attend en grand nombre avec vos chandails de Noël pour ma conférence Les plantes du temps des fêtes: raisons et traditions!
En hiver, il faut le dire: quand il fait nuit noire à 5h, c’est réconfortant d’allumer toutes les lumières de la maison, à l’intérieur comme à l’extérieur.
En été, quand la soirée se prolonge sur la terrasse, rien de mieux que des lampadaires qui éclairent comme en plein jour pour éviter de trébucher ou de renverser son verre.
Mais connaissez-vous l’impact de cette lumière sur vos plantes et sur la nature tout autour de vous? Si nous, les humains, avons besoin de lumière pour voir et rendre l’ambiance chaleureuse, il en va tout autrement pour bien des espèces.
Ces plantes à floraison hivernales
Si plusieurs plantes ne remarquaient même pas que les lumières du salon sont allumées, d’autres pourraient vous bouder grandement, et cela, pour toute la saison! La plus connue de ces plantes «difficiles» est sans doute le poinsettia. Quelle drama queen de la lumière celle-là!
Les jolies «fleurs» rouges, roses ou blanches ne sont pas vraiment les fleurs de cette plante: ce sont ses bractées.
Les fleurs sont minuscules et blanches ou jaunes: elles sont au centre des bractées rouges. Lorsque la floraison est enclenchée, la plante produit des feuilles à la base du pédoncule qui sont différentes des autres feuilles de la plante, soit par leur forme, leur grosseur, ou, comme c’est le cas ici, leur couleur. On nomme ces feuilles spéciales qui accompagnent les fleurs, les bractées, et ce sont elles qu’on apprécie chez le poinsettia.
Cette fameuse plante de Noël qu’on voit partout dans le temps des fêtes est réputée être facile. Son entretien, en effet, est à la portée de tous. MAIS! Après sa floraison (qui peut durer plusieurs mois), elle perd ses jolies bractées colorées pour devenir une plante verte… plutôt banale. Les plus optimistes gardent leur plant jusqu’à l’année suivante, espérant le retour de ces belles couleurs, mais en vain! Elle restera verte, année après année.
C’est que le poinsettia voit sa floraison déclenchée par le raccourcissement des jours. Dès que la photopériode (la période du jour où le soleil est présent) descend sous les 12h, la floraison est «enclenchée». Cela se produit chaque année vers le 22 septembre, soit à l’équinoxe d’automne. Partout sur la terre, la durée du jour sera d’exactement 12h, ensuite, la durée des journées continue de diminuer dans l’hémisphère nord, alors qu’elle continue d’allonger dans l’hémisphère sud.
Durant les deux mois suivants, ces plantes qui fleurissent avec de courtes photopériodes peuvent être dérangées par la moindre lumière. Certaines sont plus sensibles que d’autres: le poinsettia ne tolère AUCUNE lumière passé le coucher du soleil. Pour le voir refleurir, il faut que dès 16h ou 17h, aucune lampe, veilleuse ou lumière de téléphone ne l’éclaire, même pour une ou deux minutes!
Le Jardinier paresseux suggère de jeter son poinsettia et d’en racheter un au Noël suivant… Ou bien, si vous y tenez, de l’enfermer dans un placard tous les soirs, et de le ressortir tous les matins. N’oublions pas que cette plante a tout de même besoin de soleil le jour!
Bref, la lumière de vos ampoules n’est pas suffisante pour nourrir la majorité des plantes et il faut parfois ajouter des lampes de croissance en hiver pour les aider à survivre quand on manque de fenêtres… mais cette faible lumière est quand même suffisante pour faire échouer la floraison des plus sensibles!
Les prédateurs nocturnes
L’hiver, l’éclairage extérieur n’affecte pas trop vos plantes (je sais, quelle surprise!), mais en été, c’est autre chose! Je ne connais honnêtement pas de plante d’extérieur directement incommodée par les éclairages nocturnes, mais plusieurs acteurs de leur environnement sont grandement perturbés par les lumières extérieures.
Une étude suggère que les feuilles des plantes qui sont éclairées par des lampadaires deviennent si coriaces que les insectes ne peuvent plus les consommer. Bon, est-ce que vous arriverez à protéger un fruitier des scarabées japonais en l’illuminant, ça reste à voir? Mais ça reste un effet de la lumière sur les plantes assez intéressant!
Peu de recherches ont été faites sur l’impact de la lumière sur les écosystèmes, mais j’ai eu la chance de m’entretenir avec des spécialistes qui travaillent dans la Réserve internationale de ciel étoilé du Mont-Mégantic. Saviez-vous que nous avons une telle réserve au Québec? Le but était à la base d’offrir un ciel exempt de pollution lumineuse aux astronomes qui observent le ciel au sommet du Mont-Mégantic, mais l’effet sur la faune est indéniable.
Quand vous avez une lumière sur votre maison, que se passe-t-il? Plusieurs insectes sont attirés et viennent tourner autour. Les prédateurs comme les araignées, les chauves-souris et même les rainettes se font alors un plaisir de profiter de ce buffet. Jusqu’ici, pas trop de problème, n’est-ce pas?
Mais voilà: cet éclairage artificiel pourrait déranger l’équilibre normal proies-prédateurs autour de chez vous. Imaginez que les rainettes, au lieu de manger les limaces de votre jardin, décident de s’installer sur votre mur de maison et de manger les araignées qui font leur toile près de la lumière. Vous venez de perdre deux prédateurs qui auraient autrement pu se nourrir des chenilles dans vos arbres fruitiers ou des moustiques piqueurs qui envahissent votre terrasse.
Ça semble anecdotique, et comme je vous l’ai dit, il n’y a pas vraiment d’étude qui démontre ceci, mais la nature est suffisamment opportuniste pour délaisser un lieu de chasse pour un buffet à volonté! Moi, en tout cas, je préfère nettement le restaurant de sushis à volonté que d’aller pêcher mon propre poisson!
Dans le même ordre d’idées, les lucioles, qui sont en déclin catastrophique, sont des prédatrices très utiles au jardin lorsqu’elles sont à leur stade larvaire. Mais leur mode de reproduction étant basé sur l’échange de signaux lumineux, il leur est très difficile, voire impossible, de se reproduire en présence de lumière artificielle.
J’ai personnellement une petite armée de lucioles chez moi. Aucune lumière ne vient les troubler et elles sont très nombreuses. En comparaison, les voisins sur la rue ont plusieurs gros spots (j’insiste, des SPOTS. Ce ne sont pas des petites lumières délicates à une seule ampoule!) et il n’y a pratiquement pas de lucioles chez eux.
Les pollinisateurs nocturnes
Certains des insectes «capturés» par la lumière artificielle ne peuvent pas remplir leur rôle. C’est le cas des saturniidae comme le papillon lune, qui est d’ailleurs l’emblème du parc du Mont-Mégantic.
L’importance des pollinisateurs nocturnes est souvent oubliée. La vedette de la pollinisation, c’est l’abeille et comme elle est diurne, on pense que l’échange de pollen est une activité qui se fait en pleine lumière. Détrompez-vous: la reproduction, c’est une activité qui se pratique 24h sur 24h!
En fait, plusieurs fleurs ne s’ouvrent que quelques heures et certaines s’ouvrent précisément le soir, soit après que les insectes diurnes se soient retirés pour la nuit. Le travail commence alors pour les vedettes de la nuit! Enfin… si elles ne sont pas distraites par les lumières de votre cour…!
Quelques papillons nocturnes pollinisateurs.
Mais… ils sont bien stupides, ces insectes!
C’est ce qu’on pourrait se dire en voyant un joli papillon tournoyer entre les moustiques autour d’un lampadaire au lieu d’aller se nourrir. En fait, ce n’est pas un manque d’intelligence (bien que je ne suis pas certaine qu’on puisse parler de l’intelligence d’un insecte!), mais plutôt une question de biologie.
L’hypothèse actuelle, c’est que plusieurs insectes se repèrent à la lumière du soleil, des étoiles ou de la lune. Ils sont très sensibles à la lumière et sont donc perturbés par cette source lumineuse si près et si grande. Des chercheurs croient que les insectes, une fois proches de l’ampoule, sont aveuglés et piégés dans cet environnement trop clair, ne sachant de côté se diriger, ce qui explique leur vol chaotique.
Réduire la lumière artificielle?
Les humains, on reste très dépendant de la lumière: la vue est notre sens le plus développé et celui qu’on utilise le plus. Et notre vision est adaptée au jour, et non à la nuit! Alors qu’est-ce qu’on fait avec nos plantes à floraison difficile et nos soirées sur la terrasse?
Bon, le poinsettia, Larry le disait déjà il y a longtemps: passé Noël, on le met aux vidanges.
Votre cactus de Noël, lui, il déteste être déplacé, mais a quand même besoin de jours courts pour fleurir… Heureusement, il est (un peu) moins sensible que l’autre, mais il n’aime quand même pas trop la lumière en soirée alors… essayez-vous quelques années en le laissant dans une pièce peu utilisée le soir, et si vous n’y arrivez pas… too bad, ils en vendent d’autres!
L’été, cependant, c’est votre moment pour changer vos habitudes! Quand vous n’êtes pas dehors, fermez les lumières. Quand vous êtes dehors, privilégiez des lumières douces et surtout, tournées vers le sol. Vous piégerez ainsi bien moins de bestioles. Et puis soyons honnêtes: pourquoi perdre la moitié de sa lumière vers le ciel quand on peut la diriger vers ce qu’on a vraiment besoin de voir? Il suffit de mettre un abat-jour et le tour est joué: plus de lumière pour la terrasse et moins pour les insectes!
Oui, mais les voleurs! Il faut laisser une lumière allumée pour les intimider!
Contente que vous en parliez! Une étude a justement été faite sur le sujet! Quand il y a beaucoup de lumière, on aurait un faux sentiment de sécurité: on voit! Sauf que les gens mal intentionnés aussi ils peuvent bien voir! Dans l’étude, la noirceur était plutôt dissuasive: le mécréant ne voit rien, alors comment peut-il savoir ce qu’il y a à voler? Manants et faquins ne peuvent décemment crocheter une serrure sans voir! Et s’il allumait une lumière, ce malotru, il serait alors très visible et donc bien plus exposé qu’en pleine lumière! Cela dit, pour combiner l’obscurité dissuasive et une sécurité optimale, pourquoi ne pas installer une lumière automatique avec détecteur de mouvement? Ainsi, vous restez dans l’ombre la majeure partie du temps, mais une lumière soudaine et ciblée effraiera les intrus tout en signalant leur présence.
Bref, peut-être qu’en plein cœur de la ville, votre lumière ne change pas grand-chose, mais en banlieue ou en campagne, rendez service à la nature et pointez vos lumières vers le sol, ou, encore mieux: fermez-les!
Enfin ! Je me sens moins seule. Ça fait des années que j’essaie en vain, d’expliquer la pollution visuelle à mes voisins qui m’empêche de profiter des ciels étoilés .
Je voulais dire pollution lumineuse ! Pas encore bien réveillée.
Personnellement j’utilise des leds rouges pour l’extérieur. Les insectes nocturnes ne voient pas cette fréquence.
Ce sont des DEL (diodes électroluminescentes), pas des LED (light-emitting diodes).
Les dels et les leds sont exactement la même composante électronique qui ne laisse passer le courant que dans une seule direction. Un terme est en anglais et l’autre en français, c’est tout.La couleur dépend du matériel utilisé.
Merci “d’éclairer” notre lanterne.
Faites-nous signe lorsque vous serez de passage à Gatineau.
Merci d’aborder ce sujet! Personnellement j’étais déjà sensibilisée à cet enjeu mais vois l’expliquez tellement mieux que moi… Je vais le partager!!! Et le transmettre anonymement à mes voisins qui illuminent leurs maisons comme s’ils étaient un aéroport! 🙁
Merci de cet article “éclairant”. C’est un sujet dont il est trop peu question. Chez nous, on n’allume des lumières que lorsqu’on en a besoin mais ce n’est pas le cas pour tous mes voisins. Ça fait longtemps que le sujet m’intéresse et je trouve que les villes devraient sensibiliser les citoyens à la pollution lumineuse.
Merci Audrey pour ce bon article. J’avais pensé à la distraction que peut causer la lumière extérieure le soir… mais pas à l’intérieur!
Et depuis l’avènement des LED, la pollution lumineuse est encore plus répandue. C’est si facile d’ajouter une guirlande ici et une autre là…
Ce sont des DEL (diodes électroluminescentes), pas des LED (light-emitting diodes).
Qu’en est-il des ampoules jaunes ? Ne sont-elles pas sensées attirer moins les insectes ?
Wow! Quel article intéressant! Pour ma part, je viens de recevoir une belle éducation. Je vais éteindre les lumières extérieures la nuit. Moi qui croyais éloigner les malfaiteurs, je pense que les dommages causés par la lumière sont plus grands que les risques d’avoir des malfaiteurs chez moi.
Merci!
Très pertinent. merci.
Il y a un manque de volonté “publique” sur ce sujet.