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L’impact du ramassage des feuilles sur les sols et la faune

La chute des feuilles touche à sa fin, particulièrement dans les régions froides, où les arbres sont désormais presque entièrement dénudés. Il ne reste souvent que quelques feuilles sur nos terrains, que l’on peut choisir de ramasser ou de laisser sur place.

De plus en plus de gens adoptent le feuillicyclage, une pratique écologique qui consiste à recycler les feuilles mortes en les laissant sur place ou en les conservant pour d’autres usages. Ce procédé imite les processus naturels des forêts, où les feuilles tombées se décomposent lentement, enrichissent le sol et favorisent la santé des plantes.

Photo: Lana Kravchenko

Par exemple, on peut broyer les feuilles directement sur la pelouse à l’aide d’une tondeuse pour accélérer leur décomposition. Sinon, on peut simplement les laisser dans les plates-bandes, où elles agiront comme un paillis naturel. Une autre option consiste à les stocker pour les utiliser dans le compost ou comme paillis pour de futures plantations. En tous les cas, c’est beaucoup moins de travail que de les mettre dans des sacs pour les transporter à la rue.

Des feuilles et des bibittes

Publiée en septembre 2024, l’étude intitulée Removing autumn leaves in suburban yards as a landscaping practice reduces the spring emergence of overwintering insects (L’enlèvement des feuilles d’automne dans les jardins de banlieue en tant que pratique d’aménagement paysager réduit l’émergence des insectes hivernants au printemps) a été réalisée par une équipe de chercheurs composée de Max Ferlauto et Karin Burghardt du Département d’entomologie de l’Université du Maryland. En se fondant sur une méthodologie rigoureuse, cette étude examine la façon dont le ramassage des feuilles mortes en automne affecte l’émergence des insectes au printemps.

Photo: Orhen Pergel

Les chercheurs ont conduit leurs travaux dans plusieurs cours suburbaines du Maryland, où ils ont comparé des zones où les feuilles étaient systématiquement retirées à celles où elles étaient laissées sur place. Chaque zone a été délimitée en parcelles expérimentales, avec des traitements consistant soit à retirer, soit à conserver les feuilles mortes. Ils ont ensuite mesuré l’émergence des insectes au printemps en installant des filets à insectes et des pièges qui capturaient les espèces sortant du sol après leur période d’hivernage. Les données ont été recueillies sur plusieurs saisons pour assurer la fiabilité des résultats.

Résultats clés

L’étude a révélé que, dans les zones où les feuilles étaient enlevées, l’émergence totale des insectes au printemps était réduite de 17 %. Les papillons et papillons de nuit ont connu une chute de 45 %, les coléoptères de 24 %, et les araignées jusqu’à 67 %. Les insectes dépendant des feuilles pour hiberner, comme les chenilles et les larves, ont été particulièrement affectés. Ces résultats montrent que le retrait des feuilles compromet l’habitat hivernal des insectes, perturbant les chaînes alimentaires locales en privant les oiseaux et autres prédateurs de leurs ressources.

Décomposition et carbone dans le sol

La même équipe, composée de Max Ferlauto et Karin Burghardt, cette fois accompagnée de Lauren Schmitt, a publié en janvier 2024, Legacy effects of long-term autumn leaf litter removal slow decomposition rates and reduce soil carbon in suburban yards (Les effets de l’enlèvement à long terme des feuilles mortes à l’automne ralentissent les taux de décomposition et réduisent le carbone du sol dans les jardins de banlieue). Cette recherche examine l’impact du retrait prolongé des feuilles mortes sur la santé des sols et les processus de décomposition dans des cours périurbaines. L’objectif de l’étude est de déterminer si les pratiques de gestion des feuilles ont des effets durables sur la décomposition et le stockage de carbone dans le sol.

Les chercheurs ont étudié des cours où les feuilles étaient soit laissées en place, soit retirées pendant une période de 3 à 30 ans. Ils ont comparé ces pratiques avec des changements récents (laisser ou retirer les feuilles pendant 1 ou 2 ans). La décomposition a été mesurée grâce à l’indice de décomposition des sachets de thé (Tea Bag Index), tandis que le carbone organique du sol (SOC) a été évalué à partir d’échantillons prélevés à 18 cm de profondeur.

Photo: Eugene Golovesov

Résultats clés

Les sols où les feuilles avaient été retirées sur le long terme présentaient une réduction de 17 % des taux de décomposition, indiquant une activité microbienne affaiblie. Ces sols contenaient également 24 % moins de carbone organique comparés à ceux où les feuilles étaient conservées. Ces effets, appelés “effets de legs”, persistent malgré des changements récents dans la gestion des feuilles, montrant que le sol met plusieurs années à retrouver ses fonctions écologiques.

Recommandations pour les jardiniers

Les deux études mettent en lumière l’importance de gérer les feuilles mortes de manière respectueuse de l’environnement et offrent plusieurs recommandations pratiques pour les jardiniers.

Tout d’abord, laisser les feuilles sur place est fortement encouragé, car cela soutient la biodiversité en offrant un habitat essentiel aux insectes qui hibernent. De plus, les feuilles favorisent la décomposition naturelle, enrichissent le sol en nutriments et augmentent sa capacité à stocker du carbone, contribuant ainsi à la santé des sols dans la durée.

Photo: energyy

Pour les zones où l’aspect esthétique est prioritaire, il est recommandé de regrouper les feuilles dans des endroits moins visibles ou autour des arbres. Cela permet de préserver les avantages écologiques tout en rendant la gestion des feuilles plus pratique et harmonieuse avec l’apparence du jardin. Une autre option est d’utiliser les feuilles comme paillis. Cette technique protège les plantes contre le froid hivernal, réduit les mauvaises herbes et conserve l’humidité du sol, tout en enrichissant ce dernier à mesure que les feuilles se décomposent.

Enfin, le déchiquetage des feuilles, bien que pratique pour accélérer leur décomposition et réduire leur volume, doit être utilisé avec modération. Cette pratique peut perturber les insectes qui utilisent les feuilles comme abri. Il est donc conseillé de limiter cette méthode aux zones où elle est nécessaire, tout en veillant à préserver intactes certaines zones du jardin pour favoriser la biodiversité.

Laisser les feuilles au sol, ce n’est pas de la paresse

Alors, si vous ne ramassez pas vos feuilles, ce n’est pas par paresse, bien au contraire! Vous démontrez une réelle préoccupation pour la santé des sols, la protection de l’environnement et le soutien à la biodiversité. En laissant les feuilles se décomposer naturellement, vous contribuez à enrichir le sol, à préserver les habitats des insectes bénéfiques et à maintenir un équilibre écologique précieux dans votre jardin. Et puis ça vous laisse plus de temps pour aller taquiner le poisson!


commentaire sur "L’impact du ramassage des feuilles sur les sols et la faune"

  1. Bonjour, J’ai deux grands arbres chez moi, un érable et un tilleul. J’ai donc une profusion de feuilles mortes. J’ai suivi les conseils du jardinier paresseux. Mais je me suis demandé si je laissais trop de feuilles sur mon terrain. Et j’ai trouvé une chenille Isabella toute recroquevillé, sous des feuilles. Maintenant je n’ai plus de doute. Merci

  2. J’ai beaucoup de feuilles sur mon terrain de 100×100, je les ramasse avec ma tondeuse et les composte mais en utilise aussi une partie non déchiquetées comme paillage dans mes plate-bandes.

  3. Cette année je n’ai envoyé au compost municipal que mes feuilles de chêne. Les autres, surtout des feuilles d’érable, je les ai empilées sur mes plates-bandes (en insistant sur les hydrangées), en format entier et déchiqueté. J’ai hâte de voir si mon approche va résister aux vents d’hiver, et si mes hydrangées vont apprécier leur doudou assez pour fleurir abondamment l’été prochain. J’ai composté les aiguilles de pin aussi, tout en me demandant si j’aurais pu les utiliser également comme paillis…

  4. Bonjour Mathieu, comme à tous les années , l’hiver, la souffleuse envoie la neige sur les parterres. Il en résulte une accumulation de graviers et autres détritus.
    Que dois je faire pour empêcher ce désastre.
    Pour l’instant je recouvre le sol avec des bâches concues à cet effet.
    Avez vous d’autres solutions ?

    • C’est un sujet qui m’interpelle, mais je n’ai pas de solution miracle. Soit on met une bâche ou n’en met pas. Habituellement la pelouse survit très bien sans bâche. Un coup de souffleuse à feuille au printemps pourrait en évacuer un peu, Sinon, pensez à remplacer la pelouse par des vivaces!

  5. il faudrait ajouter que toutes les feuilles mortes n’ont pas le même effet. Je souvient d’avoir lu sur de site que les feuilles d’érable ont tendance à lier les unes aux autres ce qui rend la surface imperméable. Mon petit boisé d’érable le montre bien: Il y a très peu d’autres plantes qui poussent dans leur paillis de feuilles non déchiquetées.

    • Même les plantes de sous-bois? Comme trilles et gingembre su cananda?? Je n’ai pas un boisé mais quelques érables (matures) dans ma cour arrière (5) et je laisse les feuilles au sol, en partie déchiquetées et en partie entière, et pour l’instant les plantes natives que j’y ai planté reviennent…

    • Les feuilles d’érable de Norvège, en particulier, forment un tapis difficile à pénétrer. Mais, certaines plantes y arrivent! Les arbustes en particulier, qui gardent leurs branches pendant l’hiver, devraient survivre. Il faut aussi penser que dans une sous-noix d’érables, il y a peu de lumière et beaucoup de compétition racinaire. Je suis certain que plusieurs végétaux y réussiraient.

  6. Contente de lire un résumé condensé de ces études. Pour ma part, je déchiquette les feuilles qui tombent sur mon terrain (plusieurs érables dessus et à proximité), et d’année en année, la pelouse repousse malgré l’épaisse couche de feuilles! Cette année j’en ai même ajouté davantage (les feuilles qui tombent chez ma voisine et plusieurs sacs avec des feuilles tombant dans la rue que la ville pousse en tas aux extrémités des rues pour les ramasser éventuellement. J’en ajouter aussi plus épais au niveau des platesbandes ou sous les arbustes.

  7. Bonjour,
    J’ai un grand terrain dépourvu d’arbre. J’ai uniquement une grande haie de cèdres.
    Chaque automne je demande a mes voisins de me donner quelques sacs de leurs feuillages recueillies pour le compostage que je dépose dans mes platebandes entières et sur ma pelouse déchiquetées.

    Est-ce une bonne pratique? J’ai quand même peur d’apporter des indigènes qui s’installent sur mon terrain et mes platebandes.

    Depuis que je suis vos chroniques, j’ai adopté et intégré toutes vos pratiques, car je suis très paresseuse et très occupée l’été.

    Merci a feu votre père et vous pour le partage gracieux que vous nous procurez.

    • Normalement dans les feuilles il n’y a pas de plantes indigènes qui risquent de se répandre, mais il est possible que quelques mettent autre chose que des feuilles. C’est une très bonne idée d’en mettre complète dans les plates-bandes et déchiquetée sur la pelouse.

  8. En laissant les feuilles entières sur le sol, durant tout l’hiver, le gazon ne sera-t-il pas endommagé?

    • Bonjour, J’aimerais laisser mes feuilles mais c’est un érable de Norvège ( pas mon choix ) et je me questionne sur l’effet toxicité de ses feuilles. L’année passée, je m’en suis servi comme paillis en la laissant entière sur certains espaces et je les ai finalement haché cet automne tellement elles sont grosses. Quelle serait a meilleure stratégie ?

      • Les érables de Norvège ont effectivement des feuilles épaisses. Si les végétaux qui poussent dessous n’arrivent pas à sortir au printemps, il est mieux de les déchiqueter. Cependant, il n’y a pas d’effet toxique, seulement l’épaisseur du tapis que les feuilles produisent qui affectent les autres végétaux.

    • Il y a des endroits, comme sur la pelouse, qu’il est mieux de tondre les feuilles.

  9. Et pour le potager, est-il mieux de mettre des feuilles entières ou déchiquetées?

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