Aventures dans la forêt nourricière
Je suis une jardinière amatrice en perpétuel apprentissage. À mes yeux, l’idée de mettre en terre quelques minuscules graines de laitue, de carottes, et autres haricots, de les voir évoluer jusqu’à atterrir dans mon assiette est fascinante.
Quand j’ai entendu parler pour la première fois du concept de la forêt nourricière, l’idée m’a immédiatement séduite. Au lieu de semer des légumes, nous allions planter des arbres fruitiers et toutes sortes de vivaces comestibles: petits fruits, fines herbes ainsi que divers végétaux que je connaissais plus ou moins, mais qui se mangent également!
Certes, les premières années demanderaient du travail. Mais au bout de quelque temps, nous pourrions profiter de ce jardin grandeur forêt pour y cueillir toutes sortes de choses, en y faisant un entretien minimal. C’est le concept de la permaculture. Quelle belle idée!
La petite histoire
Petit retour dans le temps. En 2018, la Ville de Québec a acquis un terrain sur la rive ouest du lac Saint-Charles, en banlieue nord de la ville. Ce lac est une importante source d’eau potable. Québec a confié à Agiro, organisme responsable du bassin versant de la rivière Saint-Charles, l’aménagement de marais filtrants pour la protection de l’eau du lac. Le terrain était suffisamment vaste pour y aménager un autre projet: c’est dans ce contexte qu’est née l’idée de la Forêt nourricière de Lac-Saint-Charles.
Or, une forêt nourricière est à la fois un projet horticole et social. Agiro a donc frappé à la porte de Rafal, organisme communautaire d’aide aux familles de ce secteur. Rafal a accepté de porter le projet et de l’implanter dans la communauté. Après tout, une forêt nourricière est d’abord et avant tout un projet citoyen, visant l’accès à une alimentation locale saine et gratuite.
Voilà pour la petite histoire.
La foi du jardinier
C’est en 2020, au jardin collectif du quartier, que j’ai fait la connaissance de Mélissa Petit, coordonnatrice à Rafal. L’organisme venait de recevoir le mandat de soutenir la forêt nourricière, et Mélissa, ainsi que la directrice Nancy Desharnais, plongeaient dans l’aventure. L’enthousiasme était palpable et contagieux; mais les mois et les années à venir allaient – soyons honnêtes – mettre cet enthousiasme à l’épreuve!
Il fallait d’abord la dessiner, cette forêt, et la tâche avait déjà été confiée au cours de l’hiver, par Agiro, à Vincent Galarneau, consultant, qui a mis sur papier la première ébauche. Wen Rolland, qui est au Québec LA référence en matière de permaculture et de forêts nourricières, y a également participé.
Le recrutement et le plan initial
Rafal a ensuite recruté une dizaine de citoyens intéressés par le concept. Une série de rencontres en Zoom, pandémie oblige, ont permis d’imaginer et de discuter de ce qu’on espérait pour la forêt.
La plantation devait se faire au printemps 2020, mais la pandémie en a forcé le report à la fin du mois d’août.
Le travail était imposant. L’espace de 2500 mètres carrés avait été préalablement décapé et il restait la plantation. De 30 à 40 citoyens se sont attelés à la tâche. Durant une semaine, ils ont étendu du compost, mis en terre les 468 végétaux, puis étendu le paillis.
Selon le plan initial – et qui a toujours été suivi – la forêt est divisée en guildes. Autour d’un arbre fruitier central, on plante des arbustes et des herbacés vivaces et souvent comestibles, choisis en fonction de ce qu’ils peuvent apporter à leurs voisins.
Un exemple de guilde: au centre, un prunier, qu’on a entouré de ciboulette, de marguerites et de lupin indigo. La ciboulette agit comme répulsif, pour les fourmis notamment; les marguerites attirent les pollinisateurs, indispensables à la production des fruits; enfin, le lupin agit comme fixateur d’azote au sol, et rend cet élément plus facilement disponible pour notre prunier. Et, dernier point non négligeable, c’est joli!
Vers un écosystème autonome
En procédant ainsi, on met en place un écosystème qui deviendra autonome et se suffira au fil des années.
Les arbres fruitiers de la forêt seront principalement des poiriers, des pruniers, des cerisiers et des pommiers. Autour, nous retrouverons une multitude de végétaux: argousiers, achillée millefeuille, astagache, hémérocalles, sumac vinaigrier, fraises, bleuets, framboises, cassis, asperges… en fait, plus de 150 variétés.
Au terme de cette plantation, et durant les trois années qui vont suivre, il faudra toutefois avoir les yeux de la foi pour parler de forêt! Il faudra aussi avoir l’endurance, la persévérance et la patience du jardinier parce que les défis seront nombreux.
Un de ces défis est à la fois agricole et budgétaire. L’espace est immense. Le budget est respectable, mais a une limite. Or, les 468 végétaux y ont été plantés de façon assez espacée, de sorte que les indésirables avaient amplement d’espace pour s’installer… Alors comme dans n’importe quel aménagement, il a fallu des heures et des heures de désherbage et d’application de paillis.
Par ailleurs, certains plants n’ont pas survécu à l’hiver, et ont dû être remplacés l’été suivant.
En ce qui concerne les maladies et insectes nuisibles, le concept de la permaculture s’est révélé efficace. En effet, le fait d’avoir une grande variété de plantes a un effet protecteur contre les maladies et ravageurs.
Enfin, ce secteur du lac présentait un défi particulier: les chevreuils y sont chez eux, et nous venions de leur installer un nouveau garde-manger. Génial! Dès le premier automne, une haie d’hostas a été dévorée, mais avec le temps, on s’est aperçu que c’était un mal pour un bien: en les dévorant, ils laissaient le reste des plantations tranquilles…
Les années d’implantation
Les années 2020 à 2023 ont donc été des années de travail ardu et la récompense était maigrichonne. Mais on s’encourageait: il faut entre cinq et sept ans pour implanter une forêt nourricière.
Chaque année, un responsable horticole était engagé pour superviser les travaux et guider les jardiniers amateurs que nous sommes. Mais le grand défi restait d’amener les citoyens à s’impliquer dans le projet. Sans leur travail, la future forêt tournerait rapidement en vulgaire terrain vague… Rafal a donc usé de ses capacités rassembleuses, et de sa liste de bénévoles, pour motiver les troupes.
En 2024
Mais nous voici en 2024, au quatrième été de la forêt, que je qualifierais maintenant d’adolescente. On n’en est pas encore à la forêt mature, mais nous sommes clairement sur le bon chemin. Cet été, on a cueilli un peu de cassis, davantage de bleuets et beaucoup de cerises. On peut venir y chercher les fines herbes dont on a besoin. La forêt est ouverte à tous.
Petite innovation: l’espace tisane, où on retrouve de l’agastache, de la mélisse, de la bourrache, de la camomille et de la menthe, qui pourront être séchées et infusées.
Et surtout, nous faisons nos premières expériences de «relations publiques». En plus d’être responsable de l’entretien cette année, Sylvie Crousset organise des activités trois fois par semaine. Elle prépare des dégustations: limonade à la monarde, sirop de menthe, infusion d’agastache. Elle a concocté un délicieux zaatar, mélange de fines herbes dont elle garnit la focaccia. Le coulis de cassis a eu beaucoup de succès, tout comme la salade d’hostas et de livèche.
Elle propose également des «brassages d’idées» et des jeux-questionnaires destinés aux familles. La participation est bonne, de nouvelles personnes se pointent régulièrement… et reviennent, souvent pour s’engager davantage.
Les idées de développement ne manquent pas. Dans nos cartons, des affiches d’identification des plants sont en préparation, pour permettre aux visiteurs de profiter de la forêt de façon autonome. Sylvie envisage d’aménager un espace «pouponnière» pour les boutures de végétaux. Éventuellement, une tonnelle pour bien marquer l’entrée de la forêt.
Rêver grand
Bien sûr, on rêve grand. Notre forêt, on la veut belle et attirante. Mais la permaculture, c’est un apprentissage. L’objectif est d’implanter une forêt qui se suffira à elle-même d’ici quelques années. Et vous savez quoi: nous touchons au but et, honnêtement, nous retrouvons l’enthousiasme de départ!
Si vous voulez en connaître davantage sur le sujet, vous pouvez consulter la section de la forêt nourricière sur le site web de Rafal. Cette section sera enrichie au cours de l’hiver avec entre autres la publication du Guide de la forêt nourricière.
Très beau et très inspirant. On peut faire bien des choses ensemble.
Merci
WoW , tellement intéressant . Mille mercis de cet article si enrichissant, j’ai hâte de vous relire.
Quelle belle initiative, vous m’avez donné des Idées!!! MERCI!!!
Quelle belle réalisation citoyenne! Bravo aux participants. Les travaux de longue haleine finissent toujours par être récompensés. Merci pour votre témoignage,
Quelle belle initiative ! Parmi les bénévoles, avez-vous pu faire une place aux enfants ? Plus jeunes ils prennent conscience de ce que Mère Nature peut leur apprendre, plus conscients deviendront-ils de son importance. Bonne chance dans votre entreprise.
Oui, des groupes d’élèves de l’école primaire sont venus en juin, et quelques uns sont revenus avec leurs parents!
Tellement inspirant en effet! J’espère pouvoir vous relire!
Hum très inspirant et c’est proche de chez moi! Je vais aller vous visiter bientôt! Merci de nous faire découvrir des espaces verts nourrissants sur tout les plans!
Quel beau projet rassembleur, bravo et bon succès !! 🙂
Qu’elle belle initiative et très bonne idée ! Dans le fond c’est la nature au service de tous, mais de tous qui ont bien voulu s’impliquer, génial ! Longue vie à cette forêt nourricière !
La forêt nourricière “adolescente” est magnifique et l’accueil toujours très plaisant. Tres bel article!
Bonjour . Je ne fait pas de foret mais un verger de fruitiers et de massifs fleuris . je pense mettre quelques legumes
disperses parmi ces diverses plantations
Merci pour votre lettre que je lis chaque semaine . Dominique des Vosges