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Gestion extensive des pelouses et biodiversité

Il est souvent question de pelouses cette année, car elle est omniprésente dans tous les aménagements paysagers, surtout en Amérique du Nord. Cependant sa prédominance est de plus en plus remise en question à cause des impacts négatifs sur l’environnement comme la consommation d’eau, d’engrais et de pesticides, la pollution sonore, la production de gaz à effet de serre (GES), etc.

Il y a quelques semaines, j’ai fait la connaissance de deux chercheurs universitaires qui s’intéressent à la gestion environnementale des pelouses: Raphaël Proulx, professeur à l’UQTR, et Laura-Jeanne Raymond-Léonard qui fait un doctorat sur la biodiversité des sols urbains à l’UQAM.

Ils m’ont donné des informations très intéressantes par rapport au «Défi pissenlits» et «Mai sans tondeuse». Ces campagnes sont très populaires depuis quelques années et certains propriétaires ont même décidé de ne plus tondre durant toute la saison estivale. Cela a généré quelques chicanes de voisins et même des pénalités dans certaines municipalités. Pourtant, des études récentes ont démontré que le fait de réduire la fréquence de coupe ou même de la suspendre durant tout l’été offre de multiples avantages environnementaux versus une pelouse coupée régulièrement. Bien entendu, il faut également arrêter l’épandage d’engrais et de pesticides! C’est ce qu’on appelle la gestion extensive (versus la gestion intensive traditionnelle avec la tonte hebdomadaire).

Pelouse en gestion extensive, en milieu urbain, sous les lignes d’Hydro-Québec.

Les bénéfices de la gestion extensive des espaces verts

Les chercheurs ont constaté que, dans ces espaces tondus moins souvent, ou carrément non fauchés durant toute la saison, on observe:

  • Une multiplication de la diversité végétale;
  • Plus de pollinisateurs;
  • Une augmentation des invertébrés (insectes, vers de terre, etc.);
  • Moins d’organismes indésirables (vers blancs, punaises, etc.);
  • La disparition de l’herbe à poux;
  • La diminution de la température du sol;
  • Une augmentation de l’humidité du sol;
  • Une réduction de GES (séquestration du CO2) ;
  • Moins de bruit et de coûts d’entretien.

Cette façon de faire s’applique facilement dans de grands espaces verts, où personne ne marche ou presque, comme sur les grands terrains à la campagne, en bordure des pistes cyclables, sous les lignes hydro-électriques, sur les talus escarpés, etc.

Un sentier permet d’observer la biodiversité de près.

Si vous tentez l’expérience sur un grand terrain, je vous suggère de tondre des sentiers à travers votre «prairie». Cela démontre un certain contrôle de la situation et cela vous permet d’observer de plus près la vie qui se multiplie dans cet environnement. Par ailleurs, si vous avez des voisins particulièrement chatouilleux, vous pourriez aussi planter une haie en bordure de la voie publique. Choisissez de préférence des arbustes qui attirent les oiseaux ou qui produisent des fruits comestibles pour faire d’une pierre deux coups.

À la fin de la saison, il faudra quand même vous procurer une débroussailleuse ou un tracteur bien équipé pour les grandes surfaces, ou encore engager un entrepreneur spécialisé pour faucher votre prairie si vous ne voulez pas voir pousser des bouleaux et autres arbres pionniers. En général, la forêt veut reprendre sa place au Québec.

Le fauchage automnal d’une grande surface en gestion extensive requiert de l’équipement particulier.

Des craintes justifiées ou non?

Parmi les craintes qui sont soulevées lorsqu’on arrête de tondre, il y en a deux qui reviennent souvent: l’herbe à poux et les tiques.

  • La prolifération de l’herbe à poux n’est pas à craindre dans une pelouse non tondue, car c’est une plante annuelle qui s’installe sur les sols dénudés. Dès qu’une végétation permanente est en place, l’herbe à poux disparaît, car elle a besoin de sol nu pour germer.
  • La peur des tiques : À Trois-Rivières, l’équipe de Raphaël Proulx a cherché des tiques dans les prairies urbaines en plein soleil et n’en a pas trouvé une seule. Cependant, comme les tiques affectionnent les milieux ombragés et humides, elles peuvent techniquement se trouver dans les herbes très longues. Raphaël Proulx et son équipe ont aussi noté une plus grande abondance de petits rongeurs dans les prairies urbaines, ces derniers étant des réservoirs de la maladie de Lyme. Il faudra donc rester attentifs ! Personnellement, par prudence, je mets quand même des vêtements longs et de l’insectifuge (sans DEET) lorsque je travaille dehors.

Et en milieu résidentiel?

Est-ce qu’on peut arrêter de tondre durant tout l’été dans un secteur résidentiel sans irriter les voisins? C’est surtout ici que les chicanes vont éclater! C’est la confrontation entre les amateurs de la pelouse manucurée ceux les jardiniers dont les valeurs environnementales priment.

Pour sensibiliser vos voisins, c’est une bonne idée de leur parler de votre projet et de poser une petite affiche: «Expérience de biodiversité en cours» par exemple. De plus, la plupart des villes qui encouragent cette façon de faire demandent qu’une bordure soit tondue le long de la rue pour éviter que de hautes herbes ne tombent sur la voie publique.

Plusieurs villes exigent qu’une bordure de «propreté» plus ou moins large soit tondue le long de la rue.

Quoiqu’il en soit, si vous voulez éviter la tonte hebdomadaire en ville, je crois qu’il vaut mieux enlever la pelouse et installer progressivement d’autres types d’aménagements pour voir si vous aimez le résultat et surtout veiller à ce que ce soit beau (quoique non traditionnel), sinon ce sera très difficile de convaincre vos voisins d’approuver une telle démarche.

Partage ta pelouse

Par exemple, j’aime bien l’approche de la Fondation David Suzuki avec la campagne «Partage ta pelouse»: cela consiste à diminuer la superficie de gazon au profit d’un aménagement plus naturel adapté à votre environnement. Si ce genre d’expérience vous intéresse, je vous suggère de visiter leur site internet pour avoir accès à un guide technique très détaillé. Vous pouvez aussi voir les succès des autres participants sur la page Facebook dédiée.

La pelouse avant. Photo: Claude Phaneuf.
Un bel exemple de diminution de surface gazonnée en façade. Photo: Claude Phaneuf.

Je vois très bien cette approche en façade et sur de petits terrains urbains: quelques plantes vivaces ou arbustes seront bien plus faciles à entretenir qu’une mini pelouse qui ne vaut même pas la peine d’acheter une tondeuse. Mais si vous avez de jeunes enfants ou que vous aimez conserver un espace tondu régulièrement pour toutes sortes de raisons, une pelouse avec de la biodiversité est un bon compromis pour l’environnement.


commentaire sur "Gestion extensive des pelouses et biodiversité"

  1. Bon article Edith
    Il semblerait que les vens soient plus mûres pour cet approche Enfin!!!
    Josée Papineau

  2. Je déteste les pissenlits… j’entretiens mon gazon depuis 40 ans, j’ai beaucoup de fleurs et les abeilles, les papillons sont heureux de me visiter. La vermine adore les champs, les marmottes également… j’ai une tondeuse à piles, très peu bruyante alors il est possible d’aimer la nature et contribuer à sa beauté.

    • J’ai moi aussi des petites fleurs mauves et blanches ainsi que du trefle dans mon gazon et je trouve ça jolie, je ne coupe pas mon gazon en Avril mais je ne peux attendre la fin mai car il sera trop long et je ne pourrai plus le coupé.
      J’ai aussi une tondeuse à batterie et je suis un baby boomer 😉

  3. Un article intéressant qui fait réfléchir à la meilleure solution pour garder ma pelouse sans trop de d’interventions. J’ai installé plusieurs plates bandes et rocailles mais malgré tout le terrain est grand et il y a encore du gazon. Tondeuse à batterie et tonte au 2 semaines environ. Papillons, abeilles et oiseaux sont presents.

  4. Article intéressant, mais le passage sur le milieu résidentiel laisse songeur. Vous écrivez, «C’est la confrontation entre la génération des baby-boomers qui ont manucuré leur pelouse toute leur vie et celle des jeunes propriétaires dont les valeurs environnementales sont plus développées que chez leurs parents!» D’où tirez-vous cette généralisation sur l’étroitesse d’esprit des «baby-boomers» et l’ouverture à l’environnement des jeunes propriétaires ? Dans la ville où j’habite, j’observe surtout chez les nouveaux propriétaires, qui sont pour la plupart assez jeunes et bien nantis, un engouement pour les graminées, qui encadrent bien souvent des allées destinées au stationnement de plusieurs voitures, et les dalles de Parmacon — tellement faciles à nettoyer ! — sur lesquelles reposent des potées de graminées ou de palmiers destinées à enjoliver un salon extérieur. Quand ce n’est pas la tentation du recours au gazon synthétique.

    • Je suis tout à fait d’accord avec vous Sylvianne. Que de préjugés dans ce commentaire des baby boomers qui entretiennent leur pelouse manucurée. J’ai 68 ans et j’ai un champs de fleurs tout autour de ma propriété avec très peu de gazon . Non mais faut pas mettre tous les gens de 65 ans et plus dans le même panier. Dans les banlieues nouvelles avec de jeunes familles la majorité des gens ont des pelouses gazonnées. Ah les préjugés…..

      • Merci de le souligner! J’ai modifié la formulation. La phrase originale était âgiste, et en tant qu’éditeur, je m’excuse de l’avoir laissé passer. Je sais bien que les baby-boomers peuvent être aussi écolos que les jeunes. D’ailleurs plusieurs lecteurs du blogue sont de cette génération.

    • Bonjour aux “Baby boomers”, qui se sentent insultés,
      Il est évident que si vous vous intéressez à ce site, vous ne faites pas partie de ceux qui adorent les pelouses immatriculées. Cet exemple était probablement maladroit et mal choisi de la part des auteurs, mais…
      Quand la majorité des gens comprennent la métaphore, c’est qu’elle fait partie de la norme ! Cela ne veut pas dire que “vous”, vous en faites partie et qu’il n’y a pas de jeunes dans votre quartier, qui ne sont pas adeptes de biodiversité, cela exprime seulement une “moyenne”.
      Un aspect qu’on ne peut pas nier, c’est la mode des gazons parfaits, qui dates d’une certaine époque et le désir plus récent d’avoir plus de biodiversité devant nos maison. La preuve, c’est qu’il est encore possible aujourd’hui que la ville vous en fasse le reproche et qu’elle vous le fasse payer…
      Conclusion, il faut arrêter de s’accrocher sur des petits détails et regarder le message dans son ensemble !!!
      P.S: J’adore le jardinier paresseux depuis l’adolescence (42 ans) et je planifiais mon parterre fleurie avant même d’avoir une maison ; )

  5. Vous avez raison: il y a des jeunes qui sont moins écolos que la génération précédente et c’est bien malheureux. Mais il y a une prise de conscience collective aujourd’hui qui n’existait pas il y a quelques décennies. Je donne des conférences depuis presque 40 ans et, au début, je n’avais pas une très grande écoute quand je parlais des vertus des pissenlits et de biodiversité dans la pelouse. Maintenant c’est une tendance croissante au point que même les leaders de l’industrie ont changé leur discours!

    • Vous, ainsi que plusieurs autres ´baby bookers’ ont agi en tant que des pionniers dans le domaine de l’écologie agricole et résidentielle. Ces personnes étaient importantes pour cet éveil de conscience dont vous parlez. Les jeunes ont de la chance que la voie a été préparée pour eux, sinon ces jeunes seraient pionniers et il faudra attendre une autre génération pour atteindre une prise de conscience générale. Même moins nombreux, ces ´baby boomer’ pionniers ont joué un rôle essentiel.

      • Merci Hélène d’apporter ces nuances. J’ai eu tort en effet de prendre les baby-boomers vs les jeunes en exemple. Mais quand j’ai fondé Nature-Action et la Coalition pour les alternatives aux pesticides dans les années 80 et 90 je ramais tellement à contre-courant contre ma génération ! Heureusement avec une poignée de valeureux combattants. Aujourd’hui, ce sont ceux qui ont des pelouses parfaites qui se font pointer du doigt! Mais on est loin d’avoir convaincu la majorité d’accepter la biodiversité dans nos pelouses. Je ne voulais vexer personne bien sûr et merci de m’encourager. Merci aussi à Mathieu d’avoir modifié mon texte!

  6. Peut-être se rappeler que les baby boomers constituent une classe d’âge et non une classe sociale. Plusieurs n’ont pas de maison ni de « pelouse » …
    La conscience sociale face à l’environnement et sa préservation n’a pas d’âge et devrait tous nous concerner et nous réunir sans nous opposer.

  7. Merci beaucoup pour toutes ces astuces, conseils et suggestions. Et c’est tellement agréable à regarder toutes ces variétés de plantes et la gamme de couleurs.

  8. J’ai éliminé la pelouse de ma façade de maison à Montréal il y a bientôt 30 ans.
    Comme vous le dites si bien, c’était trop petit pour justifier l’achat d’une tondeuse. Depuis, le devant de la maison est tout fleurie de vivaces… et plusieurs voisins m’ont imitée.

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