Categories

Recherche

Nobles chênes

Par Julie Boudreau

S’il est un arbre majestueux de la forêt, c’est bien le chêne. On le voit fort, étirant ses branches dans toute sa splendeur, alors que tous les autres luttent, tassés les uns sur les autres pour goûter à une parcelle de lumière. Quand on survole la forêt du regard, on le reconnaît tout de suite.

Chêne blanc. Photo: Marty Aligata sur Wikimedia Commons.

Le chêne est à la fois un fier membre de nos forêts naturelles, mais c’est aussi un arbre très cultivé dans les parcs et dans le domaine résidentiel.

Nos chênes indigènes du Québec

Au Québec, on compte quatre chênes indigènes, les plus populaires étant le chêne rouge (Q. rubra) et le chêne à gros fruits (Q. macrocarpa). Le chêne rouge colonise de nombreuses forêts qui ont atteint leur pleine maturité et on le retrouve aussi loin au Nord que Mont-Laurier, le Lac-Saint-Jean et la pointe extrême de la Gaspésie. Un peu moins abondant que le chêne rouge, le chêne à gros fruits occupe à peu près le même territoire que le chêne rouge, même s’il est moins nordique. Il est quasi inexistant à l’est de Montmagny. Il n’est pas rare de croiser ces deux espèces côte à côte! Elles se différencient facilement par la forme des feuilles et du gland (le fruit du chêne). Les lobes du chêne rouge sont pointus alors que ceux du chêne à gros fruits sont arrondis. Aussi, la cupule du chêne à gros fruits, communément appelée le capuchon, porte de petites franges. Comme une version hippie du chêne rouge!

Chez les jeunes chênes à gros fruits, l’écorce prend une allure liégeuse qui est assez distincte. Photo: Gilles Ayotte sur Wikimedia Commons.

Plus difficiles à dénicher, on trouve également quelques colonies de chênes blancs (Q. alba), ainsi que des populations de chêne bicolore (Q. bicolor). Le chêne blanc se concentre dans le sud-ouest de la province, avec quelques occurrences dans la région de Lachute, aux abords de Montréal, puis le long du Richelieu, jusqu’à la frontière américaine et le lac Champlain. Le chêne bicolore est aussi dispersé le long du Richelieu, entre Belœil et la frontière américaine, avec une présence sur et autour de l’île de Montréal.

Comme nous le verrons aussi un peu plus loin, les chênes se croisent facilement entre eux. Au Québec, on peut ainsi observer un hybride entre le chêne blanc et le chêne à gros fruits, que l’on appelle le chêne de Bebb (Q. X bebbiana) et un autre croisement entre le chêne bicolore et le chêne à gros fruits, appelé le chêne de Schuette (Q. X schuettei)

Différencier les chênes indigènes du Québec

Quant à l’identification des différentes espèces, elle peut sembler simple, mais elle nous réserve parfois des surprises et quelques doutes! Réglons en premier lieu le cas du chêne rouge qui est la seule espèce indigène au Québec à être dotée de lobes pointus. Toutefois, dans un parc ou en façade d’une maison, plusieurs autres espèces ont des lobes pointus. Il faut donc user de discernement. On différencie aussi les chênes par la forme des glands. Ainsi, le chêne rouge à une cupule (le capuchon) à peine déposé sur le fruit, un peu comme un béret.

Nos quatre chênes indigènes du Québec. On reconnaît vite le chêne rouge par ses lobes pointus. Photos: Q. rubra: Gilles Ayotte; Q. bicolor et Q. alba: Douglas Goldman; Q. macrocarpa: Bruce Kirchoff sur Wikimedia Commons.

Nos trois autres chênes ont des lobes arrondis. Dans le cas du chêne à gros fruits, les sinus (les creux) sont généralement profonds à la base de la feuille, mais presque inexistants à l’extrémité de la feuille. Chez le chêne blanc, les sinus sont profonds sur toute la longueur de la feuille. Puis, chez le chêne bicolore, c’est à peine ondulé! Cela semble simple, mais il y a une grande variabilité de formes de feuilles chez ces trois espèces, ce qui fait que la plupart du temps, on ne peut que supposer reconnaître une espèce!

On aura plus de chances de faire une bonne identification en observant les fruits. Chez le chêne à gros fruits, la cupule est frangée. Le gland du chêne blanc est allongé. Et enfin, la cupule du gland du chêne bicolore recouvre environ le tiers du fruit.

Il est parfois plus facile d’identifier les chênes par l’observation des fruits. Encore faut-il que les écureuils nous en laissent un peu! Photos: Q. rubra: Hladac; Q. bicolor: Douglas Goldman; Q. alba: Steve Hurst; Q. macrocarpa: Gilles Ayotte sur Wikimedia Commons.

Les chênes d’Amérique

Même si le nombre d’espèces croissant au Québec est assez limité, ce qui rend l’identification très facile, il n’en va pas de même à peine à quelques kilomètres de la frontière américaine. Nos voisins du Sud comptent entre 75 et 90 espèces. Très souvent, l’observation des feuilles et des fruits ne suffit pas pour établir l’identification d’un chêne avec certitude! Il faut se rabattre sur la pilosité du dessous des feuilles, observable avec une petite loupe grossissante!

Alors, oui, les espèces de chênes sont nombreuses en Amérique et l’aventure est loin d’être terminée! En effet, de nombreuses espèces se croisent entre elles. Cela crée, en milieu naturel, des colonies aux origines incertaines. Ainsi, le chêne blanc (Q. alba) se croise avec le chêne bicolore (Q. bicolor), ce qui a créé l’hybride Q. X jackiana. Le chêne pédonculé (Q. robur), originaire d’Europe, se croise avec le chêne blanc pour donner Q. X bimundorum. Enfin, en croisant artificiellement le chêne pédonculé et le chêne bicolore, on obtient les hybrides de Q. X warei. Et ainsi de suite!

Les chênes fleurissent au printemps. Ces chatons retombants sont les fleurs mâles. Les fleurs femelles sont minuscules et disposées le long des rameaux. Ces dernières formeront les glands. Photo: Bracehko sur Wikimedia Commons.

Et dans le monde

L’invasion des chênes ne s’arrête pas aux frontières des océans. Les continents européens, asiatiques et africains accueillent aussi une quantité impressionnante d’espèces. Cela fait culminer le nombre d’espèces dans le monde à plus de 450! Fait intéressant, tout se passe dans l’hémisphère nord! On dit des chênes que c’est le plus important genre ligneux de l’hémisphère Nord. On est loin de cette impression quand on revient à nos quatre glorieuses espèces indigènes du Québec!

Choix de variétés pour les jardins du Québec

Les pépiniéristes proposent une étonnante sélection de cultivars de chênes, qui rend les options intéressantes. De ce lot, deux options: des arbres de très grandes dimensions ou des arbres plus petits et épousant une forme colonnaire. Plusieurs cultivars sont issus d’espèces indigènes du nord-est et du centre des États-Unis.

Dans la majorité des cas, la coloration d’automne est d’un rouge flamboyant, mais certaines espèces optent pour le brun cuivré. Ensuite, on peut porter une attention particulière aux besoins de culture: certains chênes ont une nette préférence pour les sols secs et sablonneux, alors que d’autres vivent bien dans les zones inondables.

  • Quercus bicolor (Chêne bicolore) H.: 20 m:  L.: 18 m Zone 4. Croissance moyenne. Tolère le sel, la pollution et les inondations temporaires.
  • Quercus alba (Chêne blanc) H.: 25 m L.: 25 m Zone 4. Croissance lente. Développe une racine pivotante. N’aime pas la compaction et ne tolère pas les sols mal drainés.
  • Quercus ‘Chimney Fire’ (Chêne ‘Chimney Fire’) H.: 12 m L.: 6 m Zone 5. Port colonnaire.
  • Quercus coccinea (Chêne écarlate) H.: 20 m L.: 15 m Zone 5. Croissance moyenne. Tolère le sel. Coloration rouge à l’automne.
  • Quercus ‘Crimson Spire’ (Chêne ‘Crimson Spire’) H.: 14 m L.: 3 m Zone 5. Port colonnaire. Coloration rouge à l’automne. Synonyme: Q. ‘Crimschmidt’.
  • Quercus ellipsoidalis (Chêne ellipsoïdal) H.: 20 m L.: 14 m Zone 4. Préfère les sols sablonneux. Ne tolère pas les inondations.
  • Quercus ellipsoidalis ‘Majestic Skies’ (Chêne ‘Majestic Skies’) H.: 18 m L.: 14 m Zone 3. Coloration rouge à l’automne. Synonyme: Q. ‘Bailskies’
  • Quercus ellipsoidalis ‘Shooting Star’ (Chêne ‘Shooting Star’) H.: 12 m L.: 6 m Zone 3. Coloration rouge à l’automne.
  • Quercus ‘Heritage’ (Chêne ‘Heritage’) H.: 15 m L.: 12 m Zone 4. Port colonnaire. Synonyme: ‘Clemens’.
  • Quercus imbricaria (Chêne à lattes) H.: 15 m L.: 13 m Zone 4. Aime les sols acides. Le seul chêne à feuilles non lobées de cette liste!
  • Quercus macrocarpa (Chêne à gros fruits) H.: 20 m L.: 20 m Zone 2. Pousse bien au bord de l’eau. Aime les sols riches.
  • Quercus palustris (Chêne des marais) H.: 20 m L.: 12 m Zone 4. Croissance moyenne. Coloration rouge à l’automne. Sensible aux carences en fer. Ne tolère pas les sols alcalins.
  • Quercus palustris ‘Green Pillar’ (Chêne ‘Green Pillar’) H.: 15 m L.: 5 m Zone 5. Port colonnaire. Aime les sols humides. Synonyme: Q. ‘Pringreen’.
  • Quercus robur (Chêne pédonculé) H.: 20 m L.: 18 m Zone 5.
  • Quercus robur ‘Fastigiata’ (Chêne pédonculé fastigié) H.: 15 m L.: 5 m Zone 4. Port colonnaire. Un grand classique.
  • Quercus robur ‘Menhir’ (Chêne pédonculé ‘Menhir’) H.: 12 m L.: 4 m Zone 5. Port colonnaire. Ce serait une version miniature du chêne anglais fastigié. Coloration rouge à l’automne
  • Quercus rubra (Chêne rouge) H.: 24 m L.: 24 m Zone 3. Tolère les sols humides. Coloration rouge à l’automne
  • Quercus ‘Skinny Genes’ (Chêne ‘Skinny Genes’) H.: 13 m L.: 3 m Zone 4. Port colonnaire.
  • Quercus ‘Streetspire’ (Chêne ‘Streetspire’) H.: 13 m L.: 4 m Zone 4. Port colonnaire. Coloration orange à l’automne.
  • Quercus X warei ‘Kindred Spirit’ (Chêne ‘Kindred Spirit’) H.: 10 m L.: 2 m Zone 4. Port colonnaire. Synonyme: Q. ‘Nadler’
  • Quercus X warei ‘Regal Prince’ (Chêne ‘Regal Prince’) H.: 16 m L.: 5 m Zone 4. Port colonnaire. Synonyme: Q. ‘Long’
  • Quercus X jackiana ‘Admiration’ (Chêne ‘Admiration’) H. : 12 m L.: 9 m Zone 2.
Chêne à gros fruits. Photo: Heath Cajandig sur Wikimedia Commons.

Étiquettes + Chêne


  1. Article intéressant. Il faut noter que les Chênes à feuillage persistant peuvent être utilisés comme haies de bordures de jardins, ou brise vent.

  2. Article très intéressant et instructif.
    Merci beaucoup.

  3. Merci pour cet article très instructif. Je vois peu de chênes dans les parcs et espaces libres à Montréal. J’imagine que c’est leur croissance (relativement) lente qui incite nos horticulteurs à délaisser cette espèce. Dommage … c’est un si bel arbre!

  4. Merci beaucoup. Voici un beau condensé explicatif de reconnaissance des chênes. Je note pour mes marches en forêt.

  5. Très intéressant – merci !

  6. Bravo et Merci pour un article très intéressant et à conserver.

  7. Le chêne, c’est un peu mon enfance. Parce qu’on en avait plein la cours. Ils faisaient un peu rager mon père à cause des milliers de glands que ça produisaient, sans parler des effets secondaires pour une pseudo belle pelouse (déjà limitée par l’ombrage omniprésent de ces gros arbres). Mais pour nous, les jeunes garçons (surtout), les glands étaient une mine d’or en munitions pour jouer à la guerre. Je vous rassure… ces guerres prennent fins rapidement car un ado devient nécessairement rébarbatif à l’idéee de parler de guerre de gland à sa future copine…

    • Est-il nécessaire de donner un engrais à son chêne
      pour stimuler la production de glands?

      • Il n’est pas nécessaire d’appliquer de l’engrais spécifiquement pour stimuler la production de glands chez les chênes. Pour favoriser la santé générale de l’arbre, qui peut indirectement influencer la production de glands, il est important de maintenir le chêne bien hydraté, surtout durant les périodes de sécheresse, et de protéger l’arbre contre les maladies et les parasites. Un test de sol peut être utile pour identifier les carences en nutriments et ajuster l’apport en engrais ou du compost si nécessaire.

  8. Merci Julie. Oui c´est un bel arbre mais ses feuilles épaisses préfèrent voler au vent de ´a tondeuse plutôt qu´être aisément déchiquetées. Marcher sur ses glands cachés dans la pelouse est extrêmement désagréable avec des souliers à semelles minces comme des sandales. Par contre on peut les récupérer. Inutile de dire qu´ils sont un apport alimentaire non négligeable aux écureuils qui ont une dentition formidable. Pour ceux qui l´ignorent les « glands » des noyers (je sais ici on parle de chêne), donc ceux des noyers dont les amandes sont également comestibles représentent tout un défi pour briser la noix. Un étau est recommandé. En passant le noyer est majestueux avec un bois très recherché. Il est cependant toxique et tue tous les arbres concurrents. Si vous faites joujoux avec les écureuils, n´oubliez pas leur puissante dentition.

  9. J’ai un chêne blanc sur mon terrain, qui serait âgé, me dit-on, d’environ 300-400 ans !! Comment bien calculer l’âge de cet arbre majestueux ? Je suis au bord du lac Champlain, côté caanadien.

  10. Bonjour, Le chêne ( spécialement zoné 3) peut-il endommagé les fondations d’une maison? Merci!

    • La plupart des arbres n’endommageront pas les fondations d’une maison à moins qu’il y ait déjà des fissures. Ceci étant dit, les chênes ont un vaste système racinaire qui peut étendre sous les structures et potentiellement causer des dommages. Les racines cherchant l’humidité peuvent empirer des fissures. Il est recommandé de planter les chênes à une distance au moins égale à leur hauteur adulte maximale des bâtiments pour minimiser les risques.

  11. Excellent article,. J’adore ces arbres majestueux, ici en Eurpope aussi!

  12. Je suis tellement surprise que les scarabées japonais puissent manger les feuilles des chênes. La feuille est pourtant si coriace. Ils s’attaquent aussi au parthénocisse qui jusqu’à tout récemment était invincible.

  13. J’apprécie vraiment cet article très fouillé et je trouve éclairantes les images qui l’accompagnent . Merci.

  14. Quelle bonne idée de parler de cet arbre que beaucoup affectionnent. Merci, informations três intéressantes et à conserver.

  15. Je contemple cet arbre, nombreux dans mon quartier Centre Nord de Sherbrooke. C’est un bonheur d’entendre le bruissement de ses feuilles brunâtres par un vent d’hiver. Émerveillée de cette solidité qui m’inspire une prière.

  16. Super.merci à vous et à nos amis les Chênes

  17. Merci de nous présenter les différents chênes du Québec, et même les pédonculés! Depuis une vingtaine d’années nous avons planté plusieurs variétés dans la baie-des-Chaleurs, le boisé au sud, à l’abri des grands vents d’est et d’ouest, le terrain en pente, le pH d’environ 6,6 partout.. Afin de préserver la diversité, de grands et de conifères (épinette blanche, baumier, etc.. ont été conservés). Plus de 300 plants (environ 200 chênes, dont aussi des chênes des marais et des chênes jaunes), des érables à sucre, des tilleuls, des séquoias, des sapins de Douglas, des châtaigniers, .., ce qui en fait un petit arboretum qui me permet de profiter de l’air de la mer, à 300 m, là où est passé jacques Cartier! L’environnement est magnifique mais la présence de cervidés (Cerf d Virginie surtout) étant anticipée dès le début, tous les arbres ont été plantés avec une section de clôture à cheval et d’un poteau en T qui sont progressivement enlevés! Beaucoup de travail, mais quel plaisir de partager l’endroit avec plusieurs espèces d’oiseaux qui viennent dans mes nichoirs placés en des endroits distincts, Merles bleus vers des amélanchiers, Pic flamboyant, etc. ! Pour terminer, mêmes des hôtels à insectes ont été faits plus placés près de plates-bandes avec des vivaces pour attirer les abeilles! Ayant vécu près de grandes forêts dans le Centre de la France, c’est un peu de mon enfance que j’ai voulu, avec mon épouse, reproduire, le climat et le sol.la proximité de la mer favorisant ce projet! Bientôt à 83 ans, j’ai hâte de me remettre à une activité passionnante! B. LEIFFET