La vie veut vivre, mais pas mes semis
Je ne sais pas comment sera la météo au moment de publier cet article, mais sachez qu’au moment où je l’écris, soit le 5 mars, il fait 15 °C, gros soleil, et je suis installée dehors pour la première fois de l’année! Ma casquette, ma chaise longue, ma crème solaire… tout ce dont j’ai besoin pour être inspirée! Je suis un peu une plante moi aussi, vous voyez, j’ai besoin de soleil et de chaleur!
Bref, c’est le cœur en fête que je vais vous parler d’un sujet qui me fâche profondément: les fichus semis.
Pourquoi ça me fâche? Eh bien j’ai pour philosophie que la vie veut vivre, que les plantes sont autonomes et résilientes, que si elles ont trop besoin de soins et qu’elles ne sont jamais heureuses, c’est qu’elles ne sont pas bien chez moi et qu’elles n’ont qu’à mourir. L’équilibre, la force de la nature et tout ça, c’est la loi chez moi. Si une plante peut se faire pleuvoir dessus en nature, elle va supporter quelques gouttes sur ses feuilles: c’est pas vrai que je vais me mettre à éponger chaque petite éclaboussure pour faire plaisir à madame!
Mais arrivent les semis… Et si je veux des tomates, je n’ai pas vraiment le choix de les traiter aux petits oignons.
Un bébé plante fragile?
Oui… et non! En fait, il y a plusieurs raisons qui rendent les semis capricieux, les jardiniers un peu zélés, et les biologistes exaspérés. Laissez-moi donc vous initier aux bébés plantes en nature versus ceux qu’on cherche (désespérément) à faire pousser chez nous…
1. Le nombre et la sélection naturelle: les plus forts l’emportent
Lorsqu’un fruit, ou plus généralement une plante, produit des graines, il en faut généralement plusieurs. Pensez au nombre de graines sur une seule framboise, puis au nombre de framboises sur le plant: il y a de quoi faire beaucoup, beaucoup de petits framboisiers.
Parmi toutes les graines qui se retrouveront au sol, seules les plus vigoureuses germeront. Difficile de savoir d’avance lesquelles ce sera. Et parmi celles qui germent, il y aura aussi des échecs. Je ne parle même pas de conditions d’ensoleillement ou d’eau ici, mais seulement de la composition de la graine: certaines n’ont tout simplement pas assez d’énergie pour produire tous les organes de base nécessaires pour commencer à puiser les ressources dans la nature. Seules les meilleures graines arriveront à donner un bébé plant et c’est pourquoi plusieurs types de plantes produisent un grand nombre de graines.
Dans la nature, une sélection s’opère ainsi pour donner des plants de plus en plus forts et produisant des graines également de plus en plus robustes et adaptées à l’environnement.
Par exemple, certaines plantes dispersent leurs semences par les oiseaux qui mangent leurs fruits. Ce sont les beaux gros fruits colorés qui seront les plus mangés, les plus dispersés et les plus enclins à produire de nouveaux plants. Ceux-ci auront donc une tendance à faire des fruits plus gros et colorés: c’est ce qu’on appelle la sélection naturelle. Une sélection s’opère également au niveau des graines et de leur composition: celles qui donneront de nouveaux plants seront les meilleures.
Évidemment, ça se produit sur plusieurs générations. Mais c’est ce qui renforce les espèces sauvages.
Arrive maintenant le jardinier paresseux avec son petit sachet de graines. Oui, le semencier a normalement trié les semences un minimum pour ne pas vendre de graines endommagées. Mais cela dit, celles qui sont en apparence parfaites sont peut-être quand même des avortons! Et pour ce qui est de la sélection naturelle, on repassera… En fait, on sélectionne les graines qui avantagent ce que nous voulons: le bon goût, la productivité, la rapidité de production… C’est la sélection artificielle. Et franchement, même si ça donne naissance à des millions de cultivars, ça reste «non naturel» comme sélection et des «effets secondaires» à ces fruits parfaits peuvent se manifester… comme un faible taux de germination par exemple!
Bref, le jardinier sème cinq ou six semences et croise les doigts. Deux seulement vont germer et il sera déçu, se demandant ce qu’il a fait de mal, alors que c’est tout à fait normal.
Le problème, c’est pas moi, ok? C’est la graine! Et je n’aborde même pas le sujet des dates d’expiration!
2. Les conditions idéales sont beaucoup plus violentes qu’on l’imagine
Dans la terrible jungle, en pleine tempête tropicale, pousse un jeune plant.
Dans mon salon, arrosé, vaporisé et exposé à un ventilateur, meurt un jeune plant.
La vie est injuste.
La sélection naturelle n’est pas que pour les fruits et graines, elle s’applique à tous les niveaux. Ainsi, une plante pourrait mourir à deux ou trois mois sans raison apparente; c’est peut-être tout simplement une plante avec une mauvaise génétique.
Peut-être qu’elle fait moins de racines que la moyenne, peut-être que sa photosynthèse est moins efficace, peut-être qu’elle a une cheville pas assez souple qui lui causera des maux de dos à l’âge adulte… (merci maman!)
Bref, vous comprenez. Encore une fois, dans nos jardins, la sélection naturelle ne peut s’opérer et le plant plus «faible» pourrait arriver à produire quand même une descendance. Mais une descendance fragile. Le genre qui n’arrivera peut-être pas à maturité. Les conditions extrêmes en nature, la lutte pour faufiler ses racines dans le sol, les vents violents et les inondations ou sécheresses sont des conditions extrêmes qui éliminent ces «faibles». Je sais: la sélection n’est pas tendre!
Dans nos maisons, il se peut aussi que la serre «aseptisée» avec un taux d’humidité contrôlé et un petit ventilateur puisse aussi être tout simplement trop, ou pas assez. En nature, la météo n’est pas la même tous les jours, et un vent plus violent est parfois nécessaire pour sécher la jeune pousse et l’empêcher de pourrir, tout comme quelques journées de soleil brûlant peuvent être bénéfiques. Un peu de violence avec ces jeunes semis!
Le jardinier paresseux, sorti de sa paresse par l’entretien de ses semis, a de temps en temps une réaction de panique quand l’humidité baisse de 5 %. On vaporise, on met dans un sac, vite, vite, ça a besoin d’humidité! Mais en même temps, peut-être pas aujourd’hui? Comment le savoir? Vous me le direz si jamais vous arrivez à communiquer avec vos bébés plantes…
3. Ça meurt vite un bébé plante
Ma plante a soif: je l’arrose. J’ai trop arrosé? Ben coudonc! Elle va s’en remettre d’ici trois ou quatre semaines.
Mon semi a soif: je l’arrose. Trois gouttes de trop? Il meurt.
Mon semi n’a pas soif: je n’arrose pas. Il meurt quand même!
J’exagère, je sais, mais mon point ici, c’est que les petites plantules fragiles n’ont pas une très grande tolérance au stress. Brûler quelques feuilles d’un pothos au printemps, c’est loin d’être dramatique. Mais si on brûle les seules quatre petites feuilles fragiles de notre jeune plant de tomates, ce sera plus difficile pour lui de s’en remettre.
Ben là, Audrey, ça fait ben pas de sens ce que tu dis! Au point 2, tu dis qu’on les dorlote peut-être trop, et au point 3, qu’on ne doit absolument pas les stresser!
Et voilà, vous avez compris pourquoi les semis me fâchent! Dites-moi… Vous aussi vous regardez vos semis en leur demandant «mais pourquoi? Qu’est-ce que tu veux?», avec des larmes de rage dans les yeux devant leur déclin? C’est mon quotidien du printemps!
Désolée, je ne vous apporte pas de solution miracle aujourd’hui, mais plutôt un peu d’humour. D’ailleurs, je tiens à vous avoir comme témoins parce que…
Maman! Oui, toi, maman: pas de stress, mais est-ce que tu pourras t’occuper de mes semis en avril quand je serai en voyage? Je te préviens, je les veux tous en vie à mon retour! Hihi!
Sur ce, je n’ai pas vérifié la température de ma serre depuis 30 minutes, alors je dois y aller! Mes bébés aubergines ont sûrement besoin que je replace leur ventilateur! Bonne chance avec vos bébés!
Merci Audrey de nous transmettre votre savoir, lequel est toujours apprécié. Votre article d’aujourd’hui me confirme qu’il est inutile de vouloir continuer l’acharnement envers mes plantules condamnées à mourir, ce, malgré mes bons soins. Grâce à vous, je comprends maintenant que je ne peux pas faire de miracle!
Très amusant votre article aujourd’hui! J’ai bien ri, entre autres quand vous appelez maman pour qu’elle garde vos semis! Ceci dit je ne me laisse pas décourager. Car quel plaisir de voir ces graines germer et pousser! Tant pis pour les échecs. Les quelques succès en valent la peine!
?? Je pensais comme vous encore il y a pas longtemps mais je suis tombée sur un livre extraordinaire; les semis du jardinier paresseux ecrit par Larry Hodgson! C’est magique ! Il donne dans ce livre TOUT ce qu’on doit savoir sur à peu près tout ce qui se plante. Par exemple ; la graine de l’agastache fenouil doit être exposée à la lumière et non enfouie pour germer! Plein de trucs comme ça. J’ai réussi l’an dernier à faire de beaux semis de plusieurs vivaces, même que j’en ai eu trop , j’en ai donné.. J’espère que cette année sera aussi bonne. Merci Larry Hodgson!
Encore moi, juste pour vous dire que j’avais mis au début de mon texte 2 fois l’émoji qui rit aux éclats, mais lors de l’envoi de mon message c’est deux?? Qui sont apparus. Alors tout ça pour dire que vous m’avez bien fait rire Audrey.
Tu me rassures tellement Audrey! Tu me fais un bien fou! Moi qui réussis pourtant avec les orchidées, fines herbes et bégonias à l’ombre, j’en étais venue à penser que c’étaient des coups de chance. Et là, je comprends que je ne suis pas seule. Je dirai maintenant que j’ai abandonné les semis avec fierté car je suis trop paresseuse. Bonne journée!
Hi hi hi je dois avoir un pouce vert tout les amis me demande s’il me reste des petits plants j’en ai toujours trop. C’est vrai que je reste dans le facile légumes fines herbes. Merci de ce blog c’est un plaisir de vous lire chaque matin
J’ai bien aimé votre article de ce matin. C’est dont vrai! Moi aussi je prends des petites vacances en avril, et mes voisins vont s’occuper de mes semis durant mon absence. Doigts croisés qu’il soient tous en vie à mon retour.
Quel plaisir de vous lire ce matin, merci ! ;-))
Audrey,
Votre article me confirme que je ne dois jamais me risquer à faire des semis de quoi que ce soit! Je ne supporterais pas la frustration de ne pas savoir, et encore moins de ne pas comprendre, ce qui se passe avec les graines que j’ai plantées. Et je stresserais à mort avec les plantules qui lèveraient de terre.
Déjà, saisir les besoins exacts en terreau, lumière, eau, humidité et engrais de mes plantes d’intérieur m’occupe entièrement, non sans angoisse d’ailleurs.
Alors, adieu savoureuses aubergines, tendres haricots verts, laitues fondantes, radis croquants maison! Je continuerai de vous acheter en magasin… avec un petit pincement au coeur quand même!
Adieu les Aubergines? Pas besoin d’en arriver à de telles extrémités non plus vous savez! On peut acheter des plants déjà prêts à planter au jardin aussi haha
Est-ce que les aubergines poussent bien en pot sur un balcon ? Devrais-je me limiter aux fines herbes?
Merci Audrey.
On pourrait comparer la culture des aubergines en pot à celle des tomates, car elles sont exigeantes en nutriments et en lumière. Le mieux est d’utiliser un contenant d’au moins 10 gallons (38 litres) avec un terreau de qualité et un ajout de compost et d’un engrais biologique à dégagement lent. Les aubergines ont aussi besoin d’au moins 6 heures de soleil par jour. Surveillez l’arrosage car les pots ont tendance à sécher plus rapidement qu’en pleine terre.
Ah! Merci! Remède pour mon égo. Je vois que je ne suis pas seule! Ouf! Ça fait du bien.
Avec les années, je me suis ”calmée” à propos des semis. Je suis même unpeu rude avec eux. Plus de vaporisateur par exemple; j’arrose directement et si un semis est pas content, tant pis. Il ne survivrait probablement pas plus sous unepluie diluvienne une fois dehors. En tout cas, j’ai beaucoup ri en vous lisant, ça m’a rappelé mes débuts angoissés ! ahah !
Tellement vrai tout ça. Moi ça me force à démarrer beaucoup de plants (plus ou moins) inutilement. Je n’ai pas un immense potager, alors je veux m’assurer de réussir pour le peu de plants que je peux planter. Il y a des années où ça marche trop bien alors j’en donne à gauche et à droit mais ça finit par être pas mal de travail pour moi. Mais c’est la vie et je ne le ferais pas si globalement cela ne m’apportait pas autant de plaisir.
Anecdote sur le thème de la sélection naturelle… L’an passé, j’ai récolté des graines de Cosmos orange. J’oublie le nom de l’espèce. Initialement (même sachet de semences et même terre), certains plants ont atteint une taille imposante (+- 1 m) tandis que d’autres sont demeurés petits (<30 cm). J'ai pris soin de distinguer ces graines et je suis bien curieux de voir si je pourrai cet été reproduire l'affaire (qu'une graine d'un petit plant générera un petit plant, et… vous avez saisi j'en suis sûr). A suivre…
*** BUG *** Bonjour, je ne trouve pas de liens pour signaler les bug techniques.
Dans les courriels que vous envoyez, quand je clique sur “Lire la suite” la page ne se charge pas. J’ai essayé avec Firefox et Chrome. Par contre, si je clique sur “Commentaire”, j’arrive au bas de la page voulu.
Cordialement
Christian
J’ai l’impression qu’on peut aussi appliquer ça, en partie, à l’éducation des enfants.