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Si je suis paresseux, pourquoi n’ai-je pas plus de temps?

Cela fait 10 ans maintenant que j’ai enfin osé admettre ce qui était évident depuis déjà fort longtemps: je suis un jardinier paresseux. Dix ans que non seulement je vis ma paresse au vu et au su de tout le monde, mais que je fais même exprès de m’y enfoncer le plus possible, question d’expérimenter pleinement cette nouvelle technique de jardinage. Il y a juste un hic: pourquoi, malgré tous ces efforts pour en faire le moins possible, ai-je si peu de temps libre?

Ce n’est pas logique! Je n’arrose jamais mes plates-bandes. Je ne me souviens même pas de la dernière fois où j’ai sarclé. La plupart de mes plantes, fleurs comme légumes, se ressèment spontanément ou s’étendent toutes seules sans que j’aie à intervenir. Tout ce que je fais pour mon gazon, c’est de le tondre… et pas trop souvent à part ça. Je devrais donc avoir des heures et des heures pour dormir tranquillement dans mon hamac (remisé depuis quatre ans dans la garde-robe en cèdre) et ne rien faire que paresser. Moi qui adore regarder les films à la télé (mais pas au cinéma: chercher un stationnement est trop épuisant), je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai eu le temps d’en voir un.

Qu’est-ce qui se passe?

Il y a quelque chose de très sournois à être un jardinier paresseux. Je me dis : «Tiens, à partir de maintenant, je laisse la nature s’occuper de tout ça!» Il s’ensuit alors le concept bizarre que, puisque cela me laisse plus de temps, je pourrais enfin faire telle autre chose. Puis, tout d’un coup, je me retrouve pleinement occupé à faire des travaux que je n’aurais jamais entrepris si je n’étais pas un jardinier paresseux.

Prenez, par exemple, la cour arrière de ma maison. Quand je suis arrivé ici, j’ai découvert, après que la neige eut complètement fondu, qu’elle était asphaltée à plus de la moitié. Il me semble que, en tant que jardinier paresseux, j’aurais pu dire: «Parfait, pas de pelouse à tondre… où donc vais-je installer mon hamac!» Mais j’ai plutôt eu l’idée «d’installer» des plates-bandes «sans entretien» et de laisser une petite rondelle de pelouse au milieu. C’était tout à fait louable comme idée, mais il fallait bien les faire, ces plates-bandes et cette pelouse de paresseux.

Aussi, je me suis embarqué dans de gros travaux épuisants afin d’en finir le plus rapidement, travaux que j’ai mis deux ans à achever… et cela pour seulement une partie de la cour (vous seriez surpris de voir la quantité d’asphalte qui reste encore!).

Des projets paresseux…

Une autre année, je me suis dit que c’était le bon moment pour faire le sentier qui entourerait la rondelle de gazon de façon à ce que je puisse le tondre sans avoir à sortir le coupe-bordure. Une autre excellente idée pour un jardinier paresseux, du moins à première vue, surtout que le sentier serait sans entretien… mais j’ai encore passé un été à trimballer des sacs de sable et de poussière de roche de 23 kilos et des pierres parfois encore plus lourdes. J’ai commencé au printemps et j’ai fini juste à temps à l’automne… non pas que le gel qui approchait m’inquiétait, mais plutôt que, plus l’été avançait, moins mon dos voulait collaborer. Le lendemain de la dernière pelletée de poussière de roche, je me suis retrouvé recourbé en deux, incapable de me déplier. Deux semaines de repos forcé… dans la douleur: c’est ça, être paresseux?

Une pente plus facile d’entretien

Et l’an dernier, las d’avoir à tondre la pelouse en pente devant la maison, pelouse qui demandait nettement trop d’efforts de la part d’un jardinier paresseux, j’ai décidé d’en convertir une section en plate-bande de paresseux. Pas toute la pente, mais seulement le pire coin, là où la tondeuse avait tendance à se renverser, et qui se terminait contre un mur de béton où elle ne passait pas du tout.

Après avoir monté sur la butte, une brouette à la fois, un voyage de terre et un voyage de paillis, après des heures de plantation (et encore une petite section d’asphalte enlevée au marteau piqueur — je commence à bien le manier, cet outil-là!), j’ai fini par terminer la nouvelle plate-bande… en novembre, quand le sol était déjà gelé en surface. J’ai donc dû briser la croûte glacée pour planter les 5 000 bulbes que j’avais commandés. Évidemment, j’aurai toute une section de moins de gazon en pente à tondre à l’avenir… mais vous devriez voir le gazon en pente qui me reste!

… Et toujours plus de projets paresseux

Évidemment, j’ai plein de plans pour des années à venir pour rendre mon terrain d’entretien plus facile: «plate-bandiser» encore d’autres sections de gazon, planter une haie libre et donc «sans entretien» pour séparer mon terrain de celui du voisin (un nouveau projet urgent depuis que mon voisin a coupé l’ancienne haie d’épinettes qui nous séparait), faire de vrais escaliers entre la rue et la maison, la pente en asphalte (oui, encore!) étant dangereusement glissante en hiver, etc., etc. Juste à y penser, mon dos fait des spasmes!

C’est donc bien fatigant d’être un jardinier paresseux! Il me semble que je prendrais bien quelques semaines de repos pour récupérer, si seulement j’en avais le temps!


Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans le magazine Fleurs, plantes et jardins en mai 1999.


  1. Bonjour de Chambord, tu viens de me clouer à mon siège devant l’ordinateur, je pensai bricoler au jardin en ce temps humide. Voila que le paresseux jardinier m’incite à ne rien faire .Brave homme . Alléluia ! Enfin un humain qui comprend que paresser est une activité bienfaisante .En ce jour venteux , humide ,frais ….Oui je sait je devrait y aller dehors me secouer les arpions et les nougats ,jouer du sécateur .rien que d’y penser cela me fatigue. Grand merci pour tes conseils pour ne pas bouger ,coincer la bulle, glander, fainéanter. Tu auras une place sur mon calendrier ,pour st jardinier paresseux ce saint qui fait des heureux .

  2. Meme de votre nuage vous inspiré tjrs un retraité de 64ans a continuer M Hodgson. Et merci a vos successeur de continuer a publier vos article tjrs pertinent.

  3. C’est vrai que, même en se donnant des objectifs simples et dénués de la moindre ambition, on se retrouve rapidement pris dans une spirale de complications, d’imprévus, et autres impondérables, qui rendent la tache plus fatigante que prévu.

    • Il fait vraiment humide dans le jardin en ce moment, y a t il pas risque décontaminer tous le parcelles et rendre la terre plus dure , n’est ils pas judicieux d attendre qu’il face beau un beau temps, lire votre article ameliore nos compétences en matière de mieux faire, car il ne serait jamais trop tard pour mieux faire dans le jardin.

  4. Cher jardinier paresseux j’ai bien ri en lisant votre article envoyé depuis votre petit nuage car
    car, comme vous, avec le temps dégagé je ne ne cesse de « bricoler » et de plus par tous les temps, car il y a urgence ! Pour améliorer le jardin en vue de l’été prochain : construction de tonnelles pour ombrager le potager .Eh oui j’habite dans le sud de la France,en Provence et nous avons connu 2 étés de canicule où tous les légumes ont grillé sous le soleil sans se développer …
    Je vous souhaite un bon repos . Envoyez moi un sourire .
    J’adore votre concept , même si bien souvent vos articles ne sont pas approprié à ma région
    Grosses bises Christiane

  5. Marie-andrée Bernier

    Très contente de lire ce texte ; j’imagine facilement le lot de travail et l’acharnement pour rêver bientôt au moment de se reposer dans le hamac. Sacré jardinier paresseux !

  6. J’ai eu l’impression que vous parliez de moi et j’ai bien ri. Que d’années passées à faire des efforts pour que les choses se fassent sans efforts. Et maintenant à 69 ans, j’ai des depuis ans une nouvelle maison avec un terrain plus grand et des projets pour …. seul le corps me ralentit et mon conjoint qui y met parfois des freins.

  7. Mouarf!!! Moi tout craché!! C’est très bon de rire ainsi. Merci le(s) Paresseux!

  8. Aujourd’hui il est tombé 32 cm de neige à Montréal. Croyez le ou non,je me suis demandé si je pourrais encore planter mes bulbes de narcisses,j’ai retardé en jardinière paresseuse pour faire plein d’autres choses afin d’améliorer pour le printemps prochain…. Merci Larry,paresse là-haut, un sapin à couper peut-être ?