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Un grand hybrideur… dans mes rêves seulement

Je ne suis pas, je dois le confesser, un grand hybrideur. Et je n’ai rien d’un Tony Huber, ce célèbre hybrideur québécois, à qui l’on doit de nombreuses vivaces comme le Dianthus ‘Frosty Fire’ et même l’espèce intergénétique Iris versata. Je n’ai rien non plus d’un Georg Arends, un Allemand qui développa presque à lui tout seul l’astilbe tel qu’on le connaît aujourdhui. Encore moins d’une Félicitas Svejda, qui fut la force motrice derrière les rosiers Explorateur (‘John Cabot’, ça vous dit quelque chose). La liste des hybrides «Hodgsonii» est très courte… et la plupart sont disparus dans la brume.

Non pas que je ne trouve pas l’idée fascinante, bien au contraire. Que l’on puisse prendre le pollen des étamines d’une plante et le déposer sur le stigmate d’une autre et obtenir une troisième plante totalement différente des deux premières, quelle perspective passionnante! Je manque plutôt d’enthousiasme en ce qui concerne le suivi.

Dianthus ‘Frosty Fire’. Photo: PerennialRessources.

H pour Hybrideur

Je me souviens très bien de la première fois où j’ai vu comment faire de I’hybridation. C’était dans une de ces encyclopédies illustrées vendues un volume à la fois dans les épiceries. C’était très à la mode dans les années 1960! Pour seulement 1,99 $ par mois (et le premier volume était, bien sûr, gratuit), on assurait aux parents de la classe ouvrière qu’il leur était possible de se procurer tout le savoir du monde pour leurs enfants et même garantir qu’ils puissent aller à l’université (le grand rêve de tout parent qui se sentait coupable de ne pas avoir fait de grandes études lui-même).

Ma mère savait que j’étais un lecteur invétéré, qui lisait n’importe quoi, et a donc décidé de m’instruire par le moyen de cette encyclopédie haute en couleurs. Comme de raison, j’ai lu avidement chaque volume de fond en comble. J’avais toujours hâte au prochain. Puis est arrivé le volume H. On y expliquait, entre autres, comment faire des hybrides de rosiers en émasculant une fleur pour éviter qu’elle se croise accidentellement avec sa voisine, en le recouvrant avec un sac pour empêcher qu’une abeille n’ap- porte du pollen d’ailleurs, en apportant soi-même du pollen d’un autre rosier sur un pinceau, etc. Quelle idée fascinante!

Rosa ‘John Cabot’. Photo: Nadiatalent.

L’aventure du pétunia

Tout feu, tout flamme, me voyant déjà, à 10 ans, le plus grand hybrideur du monde, j’ai sauté sur l’occasion pour croiser… deux pétunias. D’abord, il n’était pas question que je croise deux rosiers. Non seulement je les craignais à cause de leurs épines méchantes, mais avez-vous vu la quantité d’étamines qu’il aurait fallu supprimer lors de l’émasculation? Le pétunia, cependant, est une fleur très simple, assez grosse pour de petites mains peu habiles et ayant seulement deux étamines. Du gâteau, quoi!

J’ai choisi comme sujets les deux seuls pétunias de la plate-bande paternelle: un blanc et un rouge. Pendant une grosse semaine, j’ai transporté du pollen de gauche à droite et de droite à gauche comme une vraie abeille. Bientôt la bordure fut pleine de petits sacs bruns, que l’encyclopédie suggérait de placer sur les fleurs fécondées pour prévenir toute pollinisation secondaire involontaire.

Durant tout l’été, j’ai attendu avec impatience le fruit de mes labeurs… et je fus comblé. Des dizaines de capsules mûres remplies chacune de graines dorées apparurent. Que j’avais hâte à l’hiver! Car je savais que je devrais les semer en février pour avoir des fleurs au début de l’été.

Petunia « Wave Rose ». Photo: James St. John.

L pour Lune

Cependant, entre septembre et février, ma tête a dû être détournée par d’autres tâches (peut-être le volume L où on parlait de la Lune), car j’ai complètement oublié de faire mes semis (je vous l’avais dit que je manquais de suite dans les idées!). Ce ne fut qu’en mai, avec l’arrivée du volume P (comme dans pétunia) que je me suis rappelé avec horreur les précieux sachets et leur contenu doré.

J’ai donc semé mes pétunias à la hâte, directement sur place. La germination a été bonne, même trop. Que faire avec les centaines de semis qui ont levé, tous tassés les uns contre les autres? L’un de ces semis était peut-être la perle rare, celui qui aurait une fleur jaune vif (pourquoi pensais-je qu’un croisement entre un pétunia rouge et un autre blanc donnerait des fleurs jaunes, je ne sais pas, mais j’avais lu, dans le volume P, que les pétunias jaunes n’existaient pas et c’est donc ce que je voulais créer).

Je les ai donc tous laissés pousser… erreur que je reconnais aujourd’hui, car la trop grande densité leur a nui. La floraison s’est fait attendre. Juillet, rien, août, rien… mais septembre enfin, les premières fleurs… roses se sont montré du nez. Puis d’autres fleurs roses. Et, grâce à un gel anormalement tardif, encore des fleurs roses. Eh oui, moi qui m’imaginais avoir une variété incroyable de coloris parmi lesquels, bien sûr, quelques plantes si originales que je gagnerais, à coup sûr, tous les concours, je n’avais que des dizaines de plantes toutes résolument identiques. Des pétunias à fleurs roses simples, il en pleuvait sur le marché! Quelle déception! Ce fut fini de mes expériences avec les pétunias (c’est quelqu’un d’autre qui créa le premier pétunia jaune, plusieurs années plus tard).

Des hybrides… pas vraiment au point

De temps à autre, le goût de l’hybridation me reprend. J’ai déjà fait des croisements de violettes africaines, de gloxinias et de sinningias miniatures. Il existe même, croyez-le ou non, un petit gloxinia nain aux feuilles nervurées d’argent et aux fleurs tubulaires pourpres, appelé ‘Québec’, qui fut offert commercialement, à une échelle très limitée, aux États-Unis!

hybridation, hybrideur
Hosta Shadowland ‘Diamond Lake’. Photo, gracieuseté de Proven Winners. Découvrez-en plus sur l’hybridation dans cette entrevue avec l’hybrideur de vivaces Hans Hansen.

En fait, je l’admets maintenant, mes hybrides n’étaient pas vraiment au point. Comme toujours, j’avais manqué de constance dans le travail. Il aurait fallu que je prenne mes hybrides de première génération et que je croise les meilleurs pour peaufiner leurs traits… ce que je n’ai jamais fait. Je suis arrivé à la conclusion que je suis… trop paresseux pour être un bon hybrideur. Vous deviez bien vous y attendre!


Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans la revue Fleurs, plantes et jardins en octobre 1999.


  1. En lisant cela, je revois Larry, qui, avec son accent charmant raconte avec toute la bonhommie qu’on lui connaissait sa petite histoire où, mine de rien, il nous enseignait plein de choses.

    • Bonjour, j’ai un saule salix dont j’aimerais savoir si je dois le couper sévèrement cette année. Comment puis-je vous envoyer une photo? Merci

  2. Larry continue d’être un mentor pour moi .

  3. Certainement l’hybridation est faite pour les gens minutieux et passionnés mais sans se prendre au sérieux avec des espèces comme l’hémérocalle qui n’est pas fidèle au type (aux parents) on peut récolter des choses surprenantes.

  4. La plume de Larry est reconnaissable entre toutes. Aujourd’hui comme hier, j’aime toujours autant le lire sur n’importe quel sujet. Il est bien informé et drôle et il aime bien se moquer de lui-même. Unique !

  5. Je m’ennuie de Larry Hodgson ! Il était toujours de bon conseil et je le considère encore aujourd’hui comme mon gourou de l’horticulture ! Mais ce dont je m’ennuie le plus je crois c’est de son humour qui dédramatisait toutes mes petites erreurs de jardinage et m’encourageait à continuer mes efforts pour un jour réussir à avoir une belle cour arrière ! J’ai pris ça tellement au sérieux que je pourrais dire en toute humilité que je me demande souvent si Larry serait fier de moi ! Et voilà c’est dit et ça fait longtemps que je voulais lui rendre cet hommage pour le remercier !

  6. Pour mon plaisir,je fais environ 1,ooo plants de pétunias en plus de celles dans des jardinières suspendues.Les insectes,papillons et colibris s’occupent de butiner,et j’ai de plus en plus de variétés chaque années.