La bataille des Titans
Plusieurs vivaces que j’aime beaucoup sont juste un peu trop envahissantes à mon goût. En effet, on les plante dans un petit coin de la plate-bande et la première chose que l’on découvre, c’est que toute la plate-bande y a passé, avec, en plus, la pelouse, le potager, le sentier et tout le terrain du voisin. Qu’une vivace grossisse en diamètre chaque année, c’est de bonne guerre. Après tout, c’est leur nature même que de prendre un peu d’expansion avec le temps et, de plus, le jardinier a tout son temps pour réduire la masse, pour contrôler son étalement. Cependant, produire des rhizomes et des stolons qui courent partout et qui s’enracinent dès qu’ils touchent le sol, c’est de l’agression pure et simple!
Les plantes envahissantes…
À quel point ces plantes peuvent-elles être envahissantes? J’ai déjà planté une lysimaque ponctuée dans une plate-bande une année pour retrouver une tige de cette même plante à quatre mètres de distance, soit complètement à l’autre extrémité, la saison suivante. Présumant que c’était un semis qui s’était établi, j’ai tiré sur le plant pour l’enlever… pour découvrir un long rhizome qui courait jusqu’à la plante d’origine! C’est, évidemment, une exception, mais il n’est pas rare de voir une vivace envahissante accaparer jusqu’à un mètre carré de nouvelle surface de plate-bande après seulement 12 mois. Ce n’est pas seulement un mètre carré par année, car ces plantes détalent de façon exponentielle. C’en est fait de votre plate-bande après quelques années seulement si vous n’agissez pas assez vite!

Régler le cas de ces plantes facilement
Aussi, je règle le cas des pires de ces «plantes pieuvres» facilement. Je n’en plante pas! L’herbe au goutteux, le macleaya et la renouée japonaise ne sont bons, quant à moi, que pour la poubelle. Je n’en planterai jamais. Je tiens trop à mon petit lopin de terrain pour vouloir le voir se faire bouffer par ces agresseurs sans scrupules. D’ailleurs, si vous trouvez l’une de ces plantes sur votre terrain, j’ai une bonne solution pour vous: déménagez!
Par contre, certaines de ces vivaces envahissantes sont moins voraces en espace et sont si jolies que je ne peux m’empêcher de les cultiver. Monardes, achillées, physostégies, lysimaques ponctuées, lysimaques de Chine, etc., toutes me ravissent. Elles nous rendent de trop bons services pour les éliminer complètement de la plate-bande. Mais je ne peux tolérer qu’elles envahissent, puis expulsent les vivaces ordinaires peu capables de se défendre contre l’assaut. Alors, je les contrôle dès le départ en les plantant à l’intérieur d’une barrière anti-racines enfoncée profondément dans le sol, soit habituellement un seau de plastique recyclé dont le fond a été supprimé. L’expansion de leurs rhizomes est limitée par une telle barrière, il n’y a aucun danger que la plante s’échappe et la paix revient dans la plate-bande.
La bataille des Titans, un essai révélateur
Je me suis cependant demandé ce qui se passerait si je plantais des vivaces envahissantes dans une plate-bande commune, sans barrière pour les empêcher de s’échapper pas. Chaque plante ayant environ le même comportement agressif, se pourrait-il que j’arrive à une plate-bande tellement bien en équilibre qu’elle n’exige aucun, mais vraiment aucun entretien? Une plate-bande parfaite, quoi! J’ai donc tenté l’expérience il y a plusieurs années dans un espace de terre qui ne m’appartenait pas, un bout de cimetière désaffecté (je n’étais quand même pas assez fou pour réaliser l’expérience dans mes propres plates-bandes!).
J’ai baptisé l’essai «la bataille des Titans» et je l’ai conçu un peu à la manière d’une joute de lutte professionnelle. Chaque plante avait, à l’origine, son coin bien à elle, avec suffisamment d’espace pour son expansion future (il fallait bien donner la chance au coureur, n’est-ce pas?). Le but était de voir si l’une ou l’autre prendrait le dessus avec le temps ou si les végétaux arriveraient à s’équilibrer harmonieusement.
Je savais déjà à l’origine que la bataille n’était pas parfaitement juste. Si chaque plante était, à mon avis, à peu près aussi solide que l’autre, les conditions de culture dans la plate-bande choisie, notamment un sol glaiseux et lourd, très sec en été, et au plein soleil, favorisaient nettement les végétaux, comme l’achillée. Cela aurait été différent dans une plate-bande plus humide, au sol plus riche, ou moins ensoleillée.

Des résultats impressionnants
Le résultat fut assez extraordinaire. Après cinq ans sans le moindre entretien, même pas un arrosage, les six plantes d’origine — monarde, achillée millefeuille, achillée sternutatoire, physostégie, lysimaque ponctuée et lysimaque de Chine — étaient encore en vie et présentes en abondance. L’achillée sternutatoire était nettement bonne gagnante, ayant réussi à infiltrer la plate-bande d’un bord à l’autre, et l’achillée millefeuille bonne deuxième, mais toutes les deux avaient généralement poussé entre deux autres plantations, tout en ne nuisant à aucune. Par contre, l’achillée sternutatoire et la monarde se sont complètement entremêlées pour un effet des plus extraordinaires: un tapis de fleurs blanches (l’achillée) et rouge vif (la monarde) alors que la plupart des autres plantes ont formé des talles bien délimitées, chaque territoire s’arrêtant net, ou presque, avec seulement un peu de mélange sur le bord, au contact de la suivante.

Le plus merveilleux, c’est que s’il y avait beaucoup de mauvaises herbes au début (la plate-bande n’était qu’un bout de champ dont j’avais retourné le sol, sans plus), au bout de cinq ans, toutes, sauf la jolie verge d’or (si magnifique qu’on peut difficilement la traiter de mauvaise herbe) qui produisait une touffe de fleurs jaunes çà et là à travers l’ensemble, avaient disparu, chassées de la plate-bande par des plantes plus vigoureuses qu’elles.
La plate-bande a depuis longtemps disparu (le défaut de jardiner sur les espaces qui ne vous appartiennent pas est que le véritable propriétaire finit toujours par les réclamer un jour), mais, à bien y penser, je crois que je n’en avais jamais réussi aucune aussi belle ni qui exigeait aussi si peu d’entretien!
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine en septembre 1999 dans le magazine Fleurs, Plantes et jardins.
Ça devait vraiment être très beau. Dommage qu’il n’y ait pas de photos des résultats que votre père a obtenus de son expérimentation..
Très intéressant de vivre cette expérience par procuration. Merci du partage, Mathieu!
très intéressant comme expérience! S’il y en a de disponible, j’aimerais bien voir une photo du résultat qui avait été obtenu!
Bonjour
Samedi, je vous ai envoyé un courriel a votre adresse email qui apparaît sur Facebook et j’ai reçu un message comme quoi vous ne l’avez pas reçue. Est-ce que je peux vous écrire a partir de la section commentaire des courriels que je reçois a chaque jour?
Merci
J’ai beaucoup aimé cet article! Il y a tout de même une chose qui m’a toujours étonnée au sujet de la renouée. J’en ai une magnifique sur mon terrain et elle ne s’est jamais Et propagée ailleurs. Elle est très grande et magnifique et reste toujours de la même taille, malgré les années! Et que dire des Pétasites…
M. Hodgson n’a pas parlé de la fameuse co dose don’t mon terrain est envahi… je pleure, c’est la pire des plantes je crois…
Même lui en a déjà eu à son ancienne demeure
J’ai une grande terrasse de 20 pi x 12 pi entourée d’une plate bande de 6 pi de large, Il y a 20 ans, j’ai planté diverses variétés de fleurs dont des rudbekies et des monardes Scarlet. Certaines ont totalement disparues au profit des monardes et des rudbekies qui ne fleurissent pas en même temps. Alors en juin- juillet, ma plate-bande est entièrement rouge et en août, entièrement jaune. Évidemment les tulipes ont survécu. Le tout dans aucun entretien, sinon qu’un rare arrosage par grande canicule.
Merci pour cette suggestion très intéressante.
J’ai créé ce type de platebande chez moi que j’appelle ma platebande “au plus fort la poche”. Après 4 ans, c’est un succès.
J’ai bouturé de la renouée du Japon, que je laisse tranquille dans un pot bien séparé. C’est une plante annuelle, j’aime voir sa croissance à chaque printemps, aussi rapide que celle du bambou. En été, bien située, elle fait un bon pare-soleil, qui protège les plantes plus délicates.