Pelouse et bon voisinage
Chaque fois qu’on publie ici un texte sur la pelouse, ça soulève un tollé.
D’un côté, nous retrouvons les tenants de la pelouse traditionnelle, celle composée de graminées, toujours verte, tondue courte chaque semaine et irriguée régulièrement, qui croient que son entretien relève du bon voisinage, du respect pour autrui, puisque c’est plus esthétique et qu’en éliminant les mauvaises herbes on les empêche d’envahir nos voisins.
De l’autre, il y a les partisans de la pelouse écologique, celle qui est composée de gazon, mais aussi de toute une variété de plantes incluant celles qui sont considérées indésirables. Ils croient qu’elle est plus saine pour l’environnement puisqu’on évite l’usage de pesticides et qu’elle augmente la biodiversité en offrant un milieu de vie pour une plus grande variété d’êtres vivants, en plus de libérer du temps dans nos vies déjà bien remplies.
Il y a bien sûr, ce qui est probablement la majorité, ceux qui se situent quelque part entre les deux.
Je ne sais pas si on résoudra un jour ce débat. Et je ne sais même pas si on devrait. Est-ce qu’on devrait vraiment imposer notre vision des choses à nos voisins?
La «pelouse parfaite»
Je le mets entre guillemets, parce qu’à mon avis une pelouse composée uniquement de graminée, quoiqu’étant belle, n’est pas parfaite, mais je pense qu’on se comprend.
Cette pelouse traditionnelle composée de fétuque, d’ivraie, de pâturin du Kentucky et d’autres graminées n’est pas sans avoir ses avantages. C’est certainement mieux que d’avoir des surfaces pavées! Une pelouse, comme toute autre plante, transforme le gaz carbonique en oxygène et purifie l’air, elle absorbe et filtre l’eau, réduit le ruissellement ainsi que l’érosion. Aussi, rien ne résiste au piétinement comme du bon vieux gazon! Quand on a des enfants, ça devient un espace récréatif essentiel. Et, ayant installé plusieurs pelouses moi-même, je peux vous dire que c’est moins cher que d’installer des plates-bandes de vivaces et d’arbustes.
Mais on conviendra que c’est beaucoup de travail. On doit éliminer les plantes et insectes indésirables, tondre régulièrement et, si on ne fait pas d’herbicyclage, ajouter engrais ou compost et réensemencer de temps en temps. Ajoutez à cela le déchaumage et l’aération, ça devient toute une corvée. Il y a aussi l’usage des pesticides qui posent problème. Nous connaissons tous quelqu’un qui a une pelouse un peu trop parfaite et nous savons que c’est presque impossible à réussir sans herbicide ou insecticide nuisible à l’environnement. Ceux-ci peuvent tuer les plantes de leurs voisins et même, à long terme, des arbres. N’oublions pas non plus la quantité d’eau potable nécessaire pour garder une pelouse verte, surtout en temps de sécheresse. Et que dire du bruit d’une tondeuse un dimanche matin? Grrrr!
La «pelouse écologique»
Je mets celle-ci entre guillemets aussi, car, bien que ce soit mon option préférée, si on n’est pas vigilants, une pelouse laissée aller peut devenir problématique.
Qu’est-ce qu’une «pelouse écologique»? Contrairement à la pelouse parfaite, cette option n’est pas aussi bien définie, car on ne parle pas de végétaux spécifiques. Elle peut contenir des graminées indigènes, du trèfle, du thym, mais aussi toute une panoplie de plantes cultivées ou traditionnellement indésirables (comme le pissenlit tant honni et aimé).
L’important est de venir adresser certains des problèmes de la pelouse traditionnelle: l’usage de pesticides, le gaspillage d’eau potable et le manque de biodiversité. En utilisant une variété de plantes plutôt qu’une monoculture, en cas d’invasion de parasites, il y aura toujours une espèce qui résistera et prendra le relais. Donc, nul besoin de pesticides! On réduit aussi la consommation en eau puisque dans une pelouse diversifiée, il y a toujours des plantes qui demeurent vertes, comme le trèfle, même en temps de sécheresse. Et, avec toute cette variété de plantes, il y aura certainement des fleurs pour nos pollinisateurs et, lorsqu’on tond moins, des habitats pour la faune.
Moins de travail, mais…
Ce type de pelouse demande, bien sûr, moins de travail. On peut espacer les tontes, même faucher seulement une ou deux fois par année. Mais, il se faut se garder d’abandonner ce type de pelouse à son sort. Si on ne fait qu’arrêter de tondre le gazon existant, qu’est-ce qui y poussera? Les graminées qui s’y trouvaient déjà, mais aussi toute sorte de plantes, parfois nuisibles et indésirables, qui poussent dans les environs. Il y a un certain travail à faire pour convertir une pelouse traditionnelle pour qu’elle soit plus écologique. On doit soit retirer celle qui s’y trouve déjà avant de la remplacer ou d’ajouter des plantes ou des semences qu’on aura sélectionnées à une pelouse existante, de préférence des végétaux indigènes.
Un des problèmes soulevés par les traditionalistes de la pelouse au sujet de la pelouse écologique est que les mauvaises herbes (dans certains cas des plantes envahissantes nuisibles) qui s’y trouvent se ramassent chez eux, causant parfois de réels dommages à leur propriété et bien du travail pour les éliminer.
Le «bon voisinage»
Bon décidément, je mets tout entre guillemets aujourd’hui!
Comme je disais, on parle souvent de bon voisinage lorsqu’on discute de l’entretien de pelouse. Bien entretenir sa pelouse améliore l’apparence d’une propriété, mais aussi celles de ses voisins, tandis qu’une pelouse abandonnée peut faire mal paraître un pâté de maisons.
Alors, comment concilier ces deux visions opposées? Avec un peu de créativité, je crois qu’on peut y arriver. Voici quelques idées:
Créer une barrière
Si vous avez un style de pelouse différente de vos voisins, vous pourriez mettre en place une bordure de plastique, d’aluminium ou de béton pour empêcher vos végétaux d’aller chez le voisin. Ou pourquoi pas une belle plate-bande bien paillée pour délimiter les limites des terrains, ce serait joli, non? Je dis ceci autant aux amateurs de pelouse traditionnelle qu’aux écologistes. Les graminées qui y trouvent se rependent agressivement, comme les mauvaises herbes. Le pâturin du Kentucky est même considéré comme une espèce exotique envahissante nuisible à certains endroits.
Tondre après la floraison
J’aime les pissenlits autant que n’importe qui, mais ce n’est pas pour tout le monde. Après la floraison, plusieurs plantes produisent des semences qui voyageront chez vos voisins. En coupant votre pelouse après la floraison, les pollinisateurs pourront en profiter, mais les @#$%?& de pissenlits resteront chez vous!
Délimitez votre herbe haute
Ceux qui aiment laisser leur «pelouse» pousser plus haut et former un pré peuvent tondre plus régulièrement autour des aires de circulation, ou le long des propriétés voisines. Une herbe haute bien délimitée paraît intentionnelle plutôt que désordonnée. Il est important de couper votre herbe haute environ une fois par année pour empêcher arbres et arbustes de s’y installer, mais attendez plus tard à l’automne pour vous assurer que les animaux qui y font leurs nids aient quitté les lieux pour l’hiver. Voir mon texte sur la tonte différenciée.
Pour ceux qui s’inquiètent de la présence de tiques, créez une bordure de paillis ou de gravier faisant un mètre de large, entre votre propriété et les zones boisées qui les entourent. Certains suggèrent une bordure de trois mètres ou plus, lorsque c’est possible. Plus d’information ici.
Évitez l’usage de pesticides
Je parle bien sûr de produits nocifs pour l’environnement, pas de ceux, tels les nématodes pour les scarabées par exemple, qui n’affecteront pas vos voisins. Je me souviens de la plate-bande de mon père qui faisait face au voisin à la pelouse verdoyante et dont les plantes mourraient mystérieusement chaque année. Non seulement ce n’est pas esthétique, mais ça cause de réels dommages associés à des pertes financières. N’oubliez pas de vous conformer aux lois en vigueur sur l’utilisation des pesticides où vous habitez ou utilisez les services d’un professionnel certifié dans le cas de problèmes avec des espèces envahissantes nuisibles.
Combinez le traditionnel à l’écologique
Comme beaucoup de gens le font déjà, il est tout à fait possible d’avoir une pelouse hybride, composée à majorité de graminées, mais à travers desquels on trouve d’autres espèces, comme du trèfle. En laissant les rognures de gazon au sol lors de la tonte ou en y laissant des feuilles déchiquetées, on réduit l’apport nécessaire en engrais. Tondre plus haut permet de réduire l’arrosage, car les rayons de soleil ne se rendent pas au sol et sachez que si vous laissez votre pelouse jaunir lors de sécheresse, elle redeviendra verte lors du retour de la pluie.
Le bon voisinage ce n’est pas d’obliger tous nos voisins à faire la même chose, mais ça n’est pas non plus de les laisser faire tout ce qu’ils veulent au détriment de ceux qui les entourent. En tant que paysagiste, j’ai été témoin de nombreuses chicanes de clôture. La plupart se seraient réglées avec une discussion franche et respectueuse. Prenez le temps d’écouter vos voisins, même si vous n’êtes pas d’accord et essayez de trouver des solutions qui conviennent à tous, quitte à faire des compromis. Ce ne serait pas plutôt ça le bon voisinage?
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Bonjour Mathieu et lecteurs
Nous sommes tous à la recherche d’un équilibre, de beauté, de gagner du temps et meilleur qualité de vie.
Simple ! Easy to say! Mais demande une réflexion pour chaque décision prise.
Pour moi, la pelouse, zone où l’on marche pour accéder au jardin, au cabanon… me demande plus de travail que mes plates-bandes. Pourquoi ? J’ai bien dit “travail” car je n’ai aucun plaisir à tondre, faire le contour de mes bordures à la cisaille (ou le weed eater… bruyant qui dérange tout le voisinage), mettre granules, terreau, recensement à chaque printemps. Travail.
2020 – été Covid! – j’ai semé du trèfle blanc. Essai. Résultat : la zone verte grouille de vie !
Moins de zones bouffées par les vers blancs (système racinaire un peu dur pour eux, yes!). On laisse pousser plus et donc moins d’entretien à faire!
J’en ai encore trop !
Notre zone ombragée sera aménagée printemps 2024. Une fois installée, moins de travail plus de plaisir et plus de biodiversité dans notre cour.
Vous savez quoi ? On a aperçu un crapeau cette année, des mouches à feu, colibris, bruants arrivent car davantage de plantes arbustives et endroits ou trouver logis et nourriture.
Gazon ? Une vieille mode.
Ayons du plaisir à essayer autre chose, à revenir sur nos choix, plus de temps, de bon temps.
Et bon jardinage !
Très bon article !!!
J’ai adoré l’article parce que, lorsque je suis déménagée dans ma maison actuelle c’était ma première question.
Je déteste entretenir une pelouse. Je ne vais pas faire attention à ce que ce soit toujours beau pour le voisinage. Alors, pour moi, la solution était de transformer l’avant de ma maison en plate bande.
À l’époque j’avais trois très jeunes enfants et deux gros chiens énergiques. Ma cours arrière devait donc être aussi clôturée qu’une prison américaine. Je me suis assurée que nos voisins ne puissent pas voir dans notre cours facilement. Plus besoin de m’occuper du peu de gazon qui survivait!
Il ne restait qu’à déplacer les plates bandes de la cours arrière en avant et ainsi, autre que le travail, mon devant de maison est encore un des meilleurs choix que j’ai fait.
10 ans plus tard, ma devanture me demande très peu d’entretien, ma pelouse arrière est maintenant très naturelle (je n’ai jamais semé de graminées dans les trous faits par les chiens) et nous sommes rendus à une autre période de notre vie vie dans notre aménagement (maintenant ce n’est plus un espace de jeu mais de relaxation que nous voulons).
Mes voisins, qui étaient sceptiques au début, viennent me voir pour me demander des conseils d’aménagement et je suis reconnue comme une des “madame à fleurs” de mon quartier urbain.
Ma plate-bande avant sert même de décoration d’Halloween avec toutes les tiges mortes et les feuilles lorsque notre maison devient une maison de sorcière chaque mois d’octobre.
N’ayez pas peur de briser les conventions, les voisins qui critiques ont peut-être juste peur du changement et vous voir profiter de votre cours plutôt que de travailler à entretenir une pelouse peut les convaincre de changer!
la tendance est d’être “plus naturel” pour la pelouse mais on lit par ailleurs qu’une pelouse moins dense est un milieu propice à l’herbe à puces. Il y a herbe à poux chez ma fille. Pouvez-vous traiter du sujet de l’éradication efficace de l’herbe à puce Svp
L’enlever serait un bon départ !
Attention de ne pas confondre “herbe à puce” et “herbe à poux”. Mathieu pourra confirmer, mais je serais bien étonnée que l’herbe à puce (la plante qui cause des dermatites aiguës) s’installe parmi la pelouse, car ce n’est pas son habitat naturel. Elle aime les bordure de fossés et de boisés. Donc peu de soucis de ce côté.
Pour l’herbe à poux (celle qui cause des allergies saisonnières), il peut y avoir un plan de temps en temps, mais facile à arracher à main nues. C’est important de les arracher, et c’est facile et rapide.
Je vous suggère de vous informer sur ces deux plantes pour bien les distinguer.
Notre pelouse est un peu… sauvage et on arrache 3 ou 4 plants d’herbes à poux par année, rien d’énervant!
Je parierais plutôt sur l’ortie dioïque. Déterrez les plants au printemps, quand ils sont encore petits. Contrairement à l’herbe à puce, l’ortie ne contamine pas les objets avec lesquels elle est en contact, alors une bonne paire de gants devrait vous protéger sans soucis. Pour les plants plus grands, coupez les fleurs avant qu’elles ne produisent des semences…
Merci pour cet article rassembleur… Le bon voisinage fait aussi partie du plaisir de vivre son jardin!
Je dois vous dire que nous avons un
terrain 100×200 avec des arbres fruitiers.Pommiers,poiriers cerisiers et au printemps cela est merveilleux à voir à la floraison.De plus ,il y a un tilleul,deux érables,un chêne deux sapins énormes. Je crois qu’on peut être écoresponsable à sa façon.Tous les arbres sur le terrain sont des capteurs de gaz à effet de serrés.De plus un étant permet d’y voir des grenouilles,dans le sapin il y a un couple de geai bleu.Tous les matins je déjeunes et des écureuils viennent eux aussi déjeuner avec les noisettes du chêne.Dans tout cela,je crois que la règle d’or est de vivre en harmonie avec la nature et ce qui la compose…..
Merci pour ces belles informations. Que pensez-vous du “Mélange B”?
Bonjour,
Si mon voisin avait la même petite peluche aux yeux doux dans sa pelouse (voir photo), il pourrait bien avoir autant de “mauvaises herbes” qu’il voudrait (du moment que son chiot aurait la permission de venir me faire coucou 🙂
J’aimerais également savoir ce que vous pensez du mélange B ? C’est ce qu’on me conseille de semer autour de mon chalet. Merci !