Par Julie Boudreau
26 août 2023

Enlevez vos tuteurs!

Par Julie Boudreau

«Plantez des arbres»! Si j’écrivais un livre sur mes 365 pensées horticoles du jour, celle-ci serait présente en 12 variantes! Et, pas très loin derrière, il y aurait «Enlevez vos tuteurs!».

C’est qu’il y a une grande ironie dans l’art de planter des arbres. On plante des arbres pour faire du bien à la planète. On utilise les meilleures techniques, les meilleurs amendements et fertilisants. On installe même un tuteur. Pourtant, c’est trop souvent à mon goût ce même tuteur qui blesse l’arbre et qui cause des dommages. On le fait pour son bien. Mais le résultat est mal!

Petit rappel sur l’utilité du tuteur

À la base, la seule et unique fonction du tuteur est d’empêcher un arbre fraîchement planté d’être déraciné par temps de grands vents. Cela a bien du sens, car l’arbre non enraciné n’a aucun moyen de rester en place par lui-même. Malheureusement, l’installation du tuteur est devenue une sorte de pratique automatique. On plante un arbre, on installe un tuteur.

Or, ce n’est pas obligatoire! Pourquoi installer un tuteur sur un petit arbre trapu ou un petit fouet, comme j’aime les appeler, qui ne risquent pas de basculer au vent? Pourquoi installer un tuteur sur un arbre qui est à l’abri des vents? Ainsi, il y a une foule d’occasions où le tuteurage s’avère inutile.

Y’a pas de bien à faire du mal

Les dommages causés par les tuteurs sont nombreux et créatifs! Il y a d’abord toutes les blessures causées par un tuteur mal installé. Par temps de grands vents, le tronc de l’arbre qui tangue vient se cogner sur le tuteur. Même chose pour les branches basses qui frottent sur le métal rude et froid. Ces blessures-là sont évitables. Il suffit d’installer correctement le tuteur et de bien positionner l’attache et l’affaire est réglée.

Mais, il y a aussi ces blessures causées par ces tuteurs que l’on oublie complètement d’enlever. Avec les années, le tronc élargit et le tuteur finit par se fusionner avec le tronc. Dans le jargon, on dit parfois que l’arbre a mangé le tuteur! Et là, on a un problème!

Ce tuteur englouti bloque en partie la circulation de la sève dans la zone de la blessure. Étonnamment, plusieurs arbres vivent de nombreuses années avec vigueur, même avec un tuteur planté dans le cœur. Mais il faut aussi songer à la fin de vie de l’arbre et à la surprise qu’aura la scie mécanique à entrer en contact avec un bout de fer dissimulé…

Il y a aussi les dommages causés par ces attaches que l’on oublie de détacher. Bien vissé, l’anneau de la sangle, immuable, finit par se faire rattraper par le tronc qui agrandit son diamètre d’année en année. Il se forme alors un étranglement, qui, lui, peut bloquer la circulation de sève. Dans des cas extrêmes, on pourra observer une cime qui dépérit et l’apparition de nombreux rejets à la base de l’arbre.

Mais le pire du pire, et une des raisons pourquoi je vous invite à ne pas attendre un siècle avant de retirer vos tuteurs, c’est que plus on attend, plus le tuteur est difficile à enlever! Le «jeune» tuteur s’enlève simplement en le faisant balancer de gauche à droite (loin du tronc, on s’entend) et en le soulevant à la verticale. Mais le vieux tuteur, un peu rouillé dans le sol, est pratiquement inextricable.

Dans le métier, pour ces situations, nous avons un glorieux outil, souvent patenté par le mécano du garage municipal ou par oncle Gilles, ex-débrouillard 50. Il s’agit généralement d’un vieux cric pour lever des voitures sur lequel on soude une sorte de boucle de ceinture (ou un crochet ou une grosse chaîne avec un boulon). Cette dernière vient s’appuyer sur le tuteur et on actionne le cric! J’ai aussi vu des installations faites avec une pince-étau (bien connue sous le nom de vise-grip). Bref, les variantes sont nombreuses. Je n’ai malheureusement pas de photo sous la main, mais quel outil digne d’un musée!

Enlever le tuteur, oui, mais quand?

Normalement, la présence du tuteur sur un jeune arbre ne devrait pas dépasser deux années de croissance. Si on plante au printemps 2023, on enlève le tuteur à l’automne 2024. Si on plante à l’automne 2023, on enlève le tuteur à l’automne 2025. Parfois, on peut même enlever le tuteur après une seule saison de croissance. Pourquoi? Simplement parce que l’arbre a eu amplement le temps de développer ses propres racines: son propre système d’ancrage dans le sol. Le tuteur ne sert plus à rien.

C’est un peu différent pour les arbres de gros calibre, souvent fixés avec trois attaches. Dans ces cas, les attaches peuvent rester en place plusieurs années. C’est le développement des nouvelles pousses vigoureuses au printemps qui sera notre indicateur sur le bon enracinement de la plante en question.

Bref, qu’aujourd’hui devienne la journée nationale de l’enlevage de tuteurs! Vos arbres vous remercieront par leur vie prolongée.

Julie Boudreau

Julie Boudreau est horticultrice, diplômée de l’ITA de Saint-Hyacinthe. Elle œuvre dans le domaine l’horticulture depuis plus de 25 ans. Elle a publié une dizaine de livres et participé à de nombreuses émissions de télévision et de radio. Elle est enseignante au Centre de formation horticole de Laval. Passionnée de son métier, Julie Boudreau se consacre à promouvoir le jardinage, le design de jardin, la botanique et l'écologie, sous toutes ses formes. Un peu grano, écolo depuis toujours, gourmande et essayeuse, Julie est une épicurieuse avec un fort penchant pour tout ce qui se prononce en latin.

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