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Pourquoi cultiver des plantes dans des auges?

Par Julie Boudreau

Lorsqu’on s’intéresse le moindrement aux plantes alpines, on fait immanquablement la découverte des auges. Ces contenants en béton épais sont devenus, pour des raisons encore inexpliquées à ce jour, les contenants de prédilection pour parfaire l’art de la culture des plantes alpines. Mais, je vois dans ces merveilleux pots un potentiel inexploité pour le jardinage sur balcon.

Un brin d’histoire

D’où peut bien être sortie cette idée de cultiver les petites et délicates plantes alpines dans ces contenants massifs que sont les auges? Car, il n’y a rien de raffiné dans l’auge en soi. L’auge est un pot plus ou moins profond, entièrement fabriqué en béton (une sorte de béton spécial, comme nous verrons plus tard). Les parois sont épaisses et, on va se le dire, une auge, ça pèse une tonne!

Comme bien des passions horticoles, l’intérêt pour les plantes alpines a pris naissance en Angleterre. Dès 1760, de riches et nobles Britanniques ont expérimenté avec l’idée de cultiver des plantes alpines dans leurs jardins. Avec plus ou moins de succès! C’est presque 100 ans plus tard que les jardiniers avides de plantes des montagnes vont développer toute une expertise, tant dans la construction des «arrangements de roches» que dans la composition de substrats convenables.

Les origines bien précises de l’utilisation des auges demeurent inconnues, mais on peut attribuer leur engouement à un certain Clarence Elliott, en 1923. L’année précédente, ce chroniqueur horticole et propriétaire de la pépinière Six Hills Nursery avait visité le jardin de Mme Saunders à Wennington Hall dans le Lancashire. Elle y cultivait certaines plantes rares dans ces fameuses auges. L’année suivante, au célèbre Chelsea Flower Show, Elliott présentait un jardin alpin composé de monticules rocheux et d’auges diverses. La mode était lancée!

Le pépiniériste Clarence Elliott en train de contempler une collection de plantes alpines dans une serre, dans les années 1960. Photo: Valerie Finnis / RHS Lindley Library

À l’origine, les auges étaient des abreuvoirs pour le bétail. D’abord creusées dans la pierre naturelle, les auges ont ensuite été fabriquées en béton. Elles étaient grandes et imposantes (et très lourdes). On peut avancer que la modernisation des fermes les a rendues désuètes. Ainsi, dans les années 1920, on les dénichait derrière les granges et on libérait les agriculteurs de ces fardeaux, à moindre coût! Leur popularité fut instantanée et, dès 1925, les vraies auges étaient devenues rares et coûteuses.

C’est alors que l’on s’est intéressé à leur fabrication. En effet, le béton avec lequel est fabriquée l’auge n’est pas un béton standard. Il est composé de mousse de tourbe. En général, la recette est de mélanger une part de ciment, une part de sable grossier et une ou deux parts de mousse de tourbe. Un jour, lors d’une conférence que je donnais dans une société d’horticulture, un homme dans la salle était venu m’expliquer toute la chimie du béton! C’était un ingénieur à la retraite. C’est là que j’ai appris que la mousse de tourbe donnait de l’élasticité au béton!

Les avantages de la culture en auge

Effectivement, c’est la grande beauté de l’auge: elle peut rester dehors sans protection pendant des années sans jamais fendre au gel. On ne peut pas en dire autant des contenants de terre cuite ou de céramique. Le béton des auges, que l’on appelle couramment l’hypertuf, est résistant… et élastique!

Maintenant, la plupart des passionnés de plantes alpines fabriquent leurs propres auges en hypertuf. Les formats sont plus petits, ce qui facilite la manipulation, et on prévoit les trous de drainage. Car, dans le cas des auges originales, il fallait espérer qu’elles soient percées ou on devait façonner manuellement des trous de drainage pour évacuer tout surplus d’eau.

Ces grandes auges, fabriquées de toute part, accueillent une collection de plantes alpines, comme des penstémons, des saxifrages, des saules miniatures et quelques sédums. Photo: Julie Boudreau

Étant un contenant d’espace limité, l’auge permet de cultiver les plantes en collections, de manière à adapter le substrat de culture à certaines exigences. Par exemple, on peut créer un substrat plus calcaire pour convenir aux plantes qui aiment les pH élevés.

Mais la beauté des auges, c’est que les plantes que l’on y cultive peuvent y passer l’hiver. Même dans le nord de l’Amérique du Nord!

Bien sûr il faut bien choisir ses plantes, mais l’hivernation des auges est assez simple: à l’arrivée de l’automne, les auges sont simplement déposées au sol (si elles sont surélevées) et placées à un endroit où la neige s’accumule. Pas de toile, pas question de transplanter les végétaux en pleine terre. On laisse tout ça, tel quel.

L’auge, pour le jardinier urbain?

Et c’est ici que l’auge devient un créneau potentiellement intéressant pour le jardinier urbain. C’est donc plus qu’envisageable de cultiver une collection de plantes alpines dans des auges, sur un balcon! Mieux encore, l’auge peut simplement devenir un contenant décoratif dans lequel on cultive n’importe quelle plante vivace. Pourquoi par un jardin comestible, composé de ciboulette, de rhubarbe, de cassis et d’oseille! Toutes ces plantes réussissent bien en bacs surélevés. Pourquoi pas dans une auge?

On peut cultiver plusieurs plantes vivaces dans des auges, même des hostas! Photo Julie Boudreau

Étiquettes + Auge, Jardin alpin


commentaire sur "Pourquoi cultiver des plantes dans des auges?"

  1. Pouvez-vous me dire quelle sorte de mousse de tourbe est utilisé pour faire ces auges ?
    Je suis dans le sud-ouest de la France.
    Bonne journée

  2. Très intéressant ; merci!

  3. Étonnant pour moi ce terme d’auge. On utilise rarement le mot autrement que pour désigner le récipient dans lequel on servait la nourriture aux cochons(Suus scrofa domesticus, en vous respectant !).
    Dans le Centre Ouest, quand on évoque le cochon, le goret, la truie, animaux adulés par leurs éleveurs à qui ils fournissaient de substantielles nourritures, mais qui a gardé quand même un caractère un peu satanique ‘(pas tant qu’en Extrême Orient, on ne va pas jusqu’à interdire sa consommation) , il faut faire suivre son évocation d’une formule de politesse pour s’excuser de parler de la “bête”.

  4. Très intéressant Julie!
    Merci aussi à J.J. pour le complément d’information sur la « bête », hi!hi!

    • Bonjour
      toujours intéressant de vous lire
      avez vous des instructions pour faire des auges
      j’ai déjà essayé mais ils se brise l’hiver
      je sais pas comment utiliser la mousse
      merci

  5. Très intéressant que cette utilisation pour les balcons.
    Merci de faire la promotion de ce type de contenant.

    Pierre

  6. Bonjour Julie,
    auriez vous une recette d’hypertuf pour nous??

  7. Ici au Québec, nous avons un groupe des passionnés des plantes alpines, Les Alpinégistes. Avec plusieurs experts dans la matière, nous avons des ateliers et conférences, des échanges des plantes, des visites de jardins, de quoi pour tous. Visitez leur site pour plus de détails: https://alpinegiste.com/