La protection du paysage
J’ai grandi dans la ville de Québec, aux abords du cap avec vue sur le fleuve Saint-Laurent, la ville de Lévis et les ponts de Québec et Pierre-Laporte. Étant jeune, on jouait dans des parcs, des cimetières ou des lieux abandonnés avec vue sur le fleuve. Je ne réalisais pas, à l’époque, l’impact inconscient de ce paysage que je voyais tous les jours. Je sais maintenant qu’il fait partie intégrale de moi. Lorsque je le vois, je suis à tout coup rempli de ce sentiment doux-amer de nostalgie et je sais que je suis chez moi. Vous avez probablement, vous aussi, de ces paysages qui vous touchent particulièrement.
Virée à Austin
On m’a invité à présenter le 27 mai dernier une conférence sur mon père, Larry Hodgson, le Jardinier paresseux, dans le cadre de l’événement Passion Jardin dans la petite municipalité d’Austin, aux abords du lac Memphrémagog. J’ai été si bien accueilli par les organisateurs de l’événement, dont Judith Grenon qui m’a fait visiter les Serres Magog et m’a reçu à sa maison. On m’avait invité à passer la fin de semaine au chaleureux gîte l’Échappée Belle. Outre l’excellent café et de belles conversations avec Robert et Odette, ma conjointe et moi avons admiré la lune et le ciel étoilé, tel qu’on ne peut les voir chez nous, à Montréal.
J’ai aussi eu l’honneur de rencontrer la mairesse d’Austin, Lisette Maillé, qui m’a accueilli chez elle. Celle qui est en poste depuis 2009 et dont la famille a défriché et cultivé la terre non loin d’où elle habite en ce moment m’a parlé d’un sujet qui lui tient à cœur: la protection des paysages culturels.
Paysages culturels
La notion de paysage culturel est assez vague. J’aime bien la définition du gouvernement du Québec qui la définit comme «un territoire [qui) possède des caractéristiques paysagères remarquables qui méritent d’être préservées et mises en valeur». Je trouve qu’elle englobe les paysages naturels et ceux créés par l’humain. Au cours de centaines et parfois de milliers d’années, l’activité humaine a modifié le paysage naturel. L’agriculture en est partie responsable d’ouvrir le paysage à nos regards, mais l’architecture l’est également. C’est ce mélange de nature et humain qui définit le paysage culturel.
Dégradation…
Assis sur la terrasse à l’arrière de la maison de madame Maillé, on aperçoit l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, un bâtiment aux airs de château, avec en arrière-plan, le lac Memphrémagog et le mont Owl’s Head: l’un des paysages emblématiques du Québec. «Le paysage se resserre un peu plus chaque année», dit celle qui en a vu l’évolution sur plus de 50 ans. «La nature reprend ses droits sur d’anciennes terres où la friche gagne du terrain, faute de bras, faute de projets.» Ailleurs, un nouveau propriétaire a planté une haie de cèdres qu’il n’a jamais taillée et qui fait maintenant un écran de 30 mètres de haut. Ailleurs encore, la construction de nouveaux bâtiments bloque la vue des voisins déjà installés depuis… un bon moment. La dégradation de paysages culturels est un problème complexe avec de multiples causes, mais c’est encore une fois l’activité humaine qui en est responsable.
… Et solutions
Comment empêcher la perte de ces paysages? À l’échelle municipale, on pourrait réglementer la construction de nouveaux bâtiments et d’autres éléments du paysage, comme les haies ou les clôtures. Mais vous savez tous comment seront reçues ces réglementations de plus en plus restrictives! On pourrait aussi demander aux propriétaires de terrains s’ouvrant sur des paysages d’en vendre des parties aux municipalités qui pourraient les entretenir pour garder les vues «imprenables». Une solution dispendieuse, qui mettra du temps à faire l’unanimité. Ajoutons que les paysages chevauchent souvent plusieurs municipalités, alors imaginez la complexité de coordonner la réglementation.
On pourrait aussi encourager la reprise de l’activité agricole pour empêcher l’abandon des terres que nos ancêtres ont défrichées à la sueur de leur front. J’ai suggéré d’utiliser les jardiniers maraîchers, de petites fermes à échelle humaine et peu mécanisées, pour occuper le territoire. Plus facile à dire qu’à faire. La difficulté étant qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter ces terres qui valent des millions et qu’il est difficile de s’entendre avec les détenteurs de ces propriétés pour la location à long terme nécessaire à l’implantation d’une ferme. Une chose est sûre, un cadre législatif est nécessaire, sinon les embûches seront insurmontables pour des petites municipalités comme Austin.
Protection du paysage à travers le monde
Au Québec, le ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCC) peut donner à un endroit le statut de «Paysage culturel patrimonial». Cela demande un travail colossal à la municipalité qui souhaite le faire. À ce jour, il n’y a qu’un endroit qui a été désigné: le paysage culturel patrimonial des Pointes-aux-Iroquois-et-aux-Orignaux. Situé à Rivière-Ouelle, aux abords du fleuve Saint-Laurent, ce territoire de 1,16 km2 inclut deux pointes de terre au relief rocheux et le littoral entre les deux. Le lieu a été choisi pour le panorama et la vue sur les montagnes de Charlevoix, la culture de la pêche à l’anguille, l’histoire d’occupation saisonnière par les Autochtones et les activités de tourisme.
En Suisse
En Suisse, depuis 1966 déjà, la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, permet de «ménager et de protéger l’aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments du pays, et de promouvoir leur conservation et leur entretien». L’article 5 de la loi inclut un inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale.
J’ai moi-même travaillé, pendant un été, sur un alpage de chèvres près de Menzonio dans la région suisse du Tessin. Notre mandat était de soigner un troupeau de chèvres et de produire du fromage, mais en réalité, l’important était d’occuper le territoire en pratiquant une activité traditionnelle. Le financement provenait plus de subventions que de la vente du fromage.
L’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) inclut les paysages culturels dans sa liste du patrimoine mondial. On y trouve entre autres le Palais et parc de Versailles en France et le Parc national de Yellowstone aux États-Unis. Le Parc national de Tongariro est le premier paysage culturel reconnu par l’UNESCO, pour son paysage montagneux avec des volcans actifs et pour son importance culturelle et religieuse pour le peuple maori.
Comment protéger un paysage culturel?
Peut-être y a-t-il par chez vous un endroit digne d’être désigné comme paysage culturel. Comme vous le voyez, ce n’est pas une mince affaire de faire protéger un paysage qui vous est cher. Commencez par communiquer avec votre municipalité pour savoir si des démarches ont déjà été entreprises dans ce sens. Si vous connaissez des gens qui ont le même projet à cœur, créez une association citoyenne pour vous aider. Et surtout, ne vous découragez pas! La route promet d’être longue et tortueuse, ponctuée de petites victoires, comme d’autres l’ont démontré ailleurs, mais elle mérite d’être entreprise dans l’intérêt collectif.
Même chose au tour du lac Massawippi. Aucune vue possible sur les terrains privés. Tout est cloîtré avec d’immenses clôtures et haies diverses. Sauf le petit parc central de North Hatley.
Merci Mathieu, Le jardinier Paresseux, on a été très heureux de vous accueillir a Austin et que cela vous a inspiré pour mettre en valeur et protéger notre magnifique patrimoine naturel et culturel québécois.
Judith Grenon
Vous avez raison ! Ici à Repentigny, pour densifier on construit tout le long du fleuve des grate-ciel afin que les résidents n’aient plus accès à notre magestueux fleuve.
Tout à fait d’accord avec vous!
Cela s’appelle la privatisation de la rive. De temps en temps, je m’aventure sur le gros tuyau d’évacuation des eaux de pluie de la ville. C’est mieux que rien. Mais j’ai aussi entendu dire que certains se sont aussi appropriés les accès au fleuve? En attendant peut-être de vendre à de quelconques promoteurs, lesquels avaient le droit de faire à peu prés n’importe quoi ces dernières années. La rue Notre-Dame est un vrai boulevard Taschereau!
Ici à Terrebonne, la ville ne respecte aucunement le paysage naturel et elle octroie des permis de construction sans tenir compte de l’environnement. Lorsque nous sommes arrivés ici il y a 15 ans, il y avait beaucoup de petits boisés, de terres agricole et de champ. Maintenant, ce ne sont que de multiples constructions de maisons de ville et d’immenses maisons avec double et triple garage avec minuscule cour. Depuis quelques années, la région est constamment dans le vent, plus d’arbres pour empêcher ce phénomène. ?
Je connais bien la pointe aux orignaux de Rivière Ouelle Moi et ma famille maternelle venant de ce village Pour moi la pointe du quai comme nous la nomions signifie odeur du varech pêche à l éperlans sur le quai messe le dimanche à la chapelle etc etc Je suis très fière de cette nomination Paysage culturel patrimonial. Merci de partager l.info.
Merci pour cet article.
Merci pour cet article qui en dit long….
Merci pour cet article, intéressant et qui fait réfléchir! J’avais vu une émission sur la chaîne TV5 A ce sujet, en Europe la protection du paysage est importante. J’habite à Saint Sauveur des Monts et en face de ma maison et tout autour il y a des montagnes où il y a déjà pas mal de maisons. J’aimerais que la municipalité porte une attention particulière à restreindre la construction de maisons pour protéger le paysage, l’environnement et garder l’identité de Saint Sauveur.
Le Bic est un bel exemple de paysage patrimonial. Mais la ville de Rimouski a cédé le terrain du club de golf à la compagnie qui contrôle les magasins Tanguay? Que va-t-il arriver au chemin qui mène à la Baie des Anglais?
Au île st martin pour ne pas cacher le paysage les plans de construction sont soumis aux voisins donc si une hauteur de bâtiment cache la vue les plans doivent être modifiés c’est un règlement municipale clôture et haie.
Merci. Très bel article qui me parle et m’interpelle beaucoup.
Je pense que les rôles des paysagistes, urbanistes et autres faiseurs du paysage doivent être mis en avant et mieux valorisé (pourquoi pas obligatoire) dans l’accompagnement des promoteurs immobiliers.