Le quatre-temps, bijou des sous-bois et couvre-sol extraordinaire
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine le 13 juin 1988 dans le journal Le soleil.
Il est dans la nature des jardiniers de chercher des plantes exotiques venant des quatre coins du monde. Ainsi, les plates-bandes et jardins québécois sont remplis de plantes originaires d’Asie, d’Europe, d’Amérique du Sud, voire d’Afrique et d’Australie.
Mais, parfois, nos recherches nous font tourner en rond. Car, si on se demande quelle plante serait idéale pour former un beau tapis de verdure à l’ombre… La liste des prétendants d’origine étrangère est longue. Aucun, hélas, ne remporte la palme.
En effet, la petite pervenche (Vinca minor) et le pachysandre japonais (Pachysandra terminalis) sont très beaux, mais ils manquent un peu de rusticité pour bien pousser dans les sites exposés à nos vents hivernaux. Le lierre anglais (Hedera helix) est encore moins rustique et, même son cultivar le plus résistant au froid, ‘Baltica’, ne réussit bien que là où il y a une excellente couverture de neige l’hiver.
Trop envahissant, ou pas assez
D’autres plantes couvre-sol font de beaux tapis, d’accord. Mais elles sont beaucoup trop envahissantes. C’est le cas des lamiers (Lamium et Galeobdolon), du muguet (Convallaria majalis), de l’aspérule odorante (Galium odoratum) et de l’herbe-aux-écus (Lysimachia nummularia), tous d’origine étrangère.
À l’inverse, l’asaret d’Europe (Asarum europaeum) et l’épimède (Epimedium) ne sont peut-être pas assez envahissants: il faut les planter très densément pour obtenir une couverture complète… et, même là, il faut plusieurs années avant que toute la surface soit couverte.
Idéal
Pourtant, nous avons parmi nos plantes indigènes une espèce qui est peut-être le couvre-sol idéal pour les sous-bois et autres endroits où le soleil se fait rare: il s’agit du quatre-temps (Cornus canadensis). On le trouve en abondance partout au Québec dans les forêts de conifères et les forêts mixtes, même là où l’ombre est la plus dense. Et il s’acclimate aussi dans les sous-bois de bois durs, ainsi que partout où le soleil brille par son absence.
«Small is beautiful»
Le quatre-temps est un véritable couvre-sol dans tous les sens. Loin de lui l’idée de pousser en hauteur comme la plupart des plantes. Il se contente de raser le sol à 10 ou 15 cm de hauteur. Chaque plant ne porte que quatre à six feuilles luisantes, vert sombre, aux nervures proéminentes et, avec leur petite taille, est peu visible lorsque cultivé isolément.
Heureusement, il produit une abondance de tiges souterraines rampantes qui courent, lentement mais sûrement, dans tous les sens, et une colonie se développe rapidement à partir d’une ou deux potées. Les feuilles rougissent joliment à l’automne et ce serait donc une plante très attrayante même si elle ne fleurissait pas… mais le quatre-temps fleurit joliment, pendant presque un mois au printemps.
Chaque «fleur» est en réalité une inflorescence composée de petites fleurs verdâtres sans intérêt, mais entourées de quatre (parfois cinq ou six) belles bractées blanches. Quand les bractées tombent, elles sont remplacées par de petits fruits rouge vif qui durent jusqu’à l’automne, moment où le feuillage commence à rougir. Ainsi, la plante a toujours quelque chose d’intéressant à montrer, du début du printemps jusqu’à la chute des neiges. Les fruits sont comestibles et, sans être particulièrement bons au goût, se mangent facilement. Personnellement, je préfère les laisser sur place pour profiter du bel effet qu’ils donnent.
Culture facile
Tout ce que le quatre-temps demande pour bien croître, c’est un peu de négligence. En effet, ce n’est pas une de ces plantes qui aiment à être chouchoutées. Plantez-le dans un sol riche ou pauvre, de préférence sous un épais paillis de feuilles mortes, arrosez-le un peu la première année, désherbez à la main s’il le faut: voilà, c’est tout.
Pour une couverture rapide, plantez 12 plants par mètre carré: ils auront vite fait de remplir tout l’espace. Ou alors, achetez quatre ou cinq plants et divisez-les tous les automnes. Cette plante apprécie au plus haut point les feuilles mortes qui lui tombent dessus, car leur accumulation produit une litière forestière riche et humide dans laquelle elle prolifère. Vous n’aurez donc même pas besoin de ramasser les feuilles à l’automne dans votre sous-bois rempli de quatre-temps.
Au soleil aussi
Si le quatre-temps pousse à l’ombre dans la nature, on peut aussi le cultiver au soleil, mais il faut alors s’assurer qu’il ne manque jamais d’eau, sinon il peut brûler. Aussi il ne faut pas craindre que le froid ait raison de cette plante: dans la nature, on la retrouve jusqu’à la limite septentrionale des arbres et est donc parfaitement résistante jusqu’en zone 1. On trouve d’ailleurs le quatre-temps dans tous les provinces et territoires canadiens ainsi que dans le nord des États-Unis. Les seules régions où on ne le trouve pas, c’est là où le climat est aride ou trop chaud.
En plus de la division, on peut multiplier le quatre-temps par semences: soit à l’automne directement dans la litière forestière. Certaines graines germeront au printemps, mais la plupart exigent deux périodes successives de froid pour germer, et apparaîtront donc au printemps de la deuxième année. Les semis arriveront à maturité et commenceront à fleurir au bout de trois ans environ.
Où l’admirer?
Vous voulez voir l’effet du quatre-temps de vos propres yeux? Allez dans pratiquement n’importe quelle forêt québécoise et découvrez-le dans toute sa beauté, à la fin de mai et en juin dans le Sud; à la fin de juin et jusqu’en août dans les régions froides.
Le quatre-temps: un bijou de plante indigène qui convient parfaitement à tous les jardins et sous-bois ombragés.
En savoir plus sur Jardinier paresseux
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Cette plante fait partie de mes plus beaux souvenirs d’enfance! J’ai appris à les reconnaître et à la cueillir avec ma mère… Il faut que j’en trouve rapidement pour en planter chez moi…
Merci pour les bons conseils
Je ne connaissais absolument pas cette plante qui a première vue me faisait penser à une cornacée. Gagné ! Ce que Je ne savais pas non plus, c’est qu’il existe des cornacées herbacées.
Sur la première photo des “quatre temps” on aperçoit également il semble quelques tiges de Sceau de Salomon.
On apprend à tout âge avec les articles de notre regretté Larry.
Bonjour, peut on s’en procurer en pépinière ou seulement en forêt ?
Merci
J’ai acheté les miens en pépinière après beaucoup de recherche.
Merci Mathieu de nous transmettre les articles de votre père, toujours d’actualités. Je vais en planter dans mon sous- bois.
Super ! J’ai un espace ou je cherchais des plantes à y mettre. J’ai justement des quatre-temps dans une autre partie de mon terrain. Je vais en transplanter.
Merci beaucoup !
Où peut-trouver ces plantes pour les mettre dans notre jardin? Dans les bois? Peut-on en prélever quelques unes directement de la forêt et les transplanter dans notre parterre?
Vous pourrez facilement vous procurer des plants soit chez Pépinière Rustique, Indigo, ou autres producteurs de plantes indigènes. Si vous faites une recherche en inscrivant Cornus Canadensis, vous trouverez des noms de producteurs.
Où trouver une réponse à nos questions? Je comprend aussi que vous ne puissiez pas répondre à toutes les ?. Merci et continue ton beau travail Mathieu.
Et on peut aussi fumer les feuilles comme du tabac, si ça intéresse encore quelqu’un…
https://espacepourlavie.ca/flore-biodome/quatre-temps-cornouiller-du-canada
Pensez-vous qu’elle peut gagner contre de l’herbe au gouteux (à fleurs jaunes) qui pousse abondamment de l’autre côté de ma clôture (sous-bois municipal) et qui a commencé à envahir mon sol ?
J’ai un petit couvre-sol d’aspérules odorantes dans un sous-bois et depuis deux ans elles sont envahies par les quatre-temps malheureusement. J’ai essayé de les retirer mais difficile.
J,adore votre site!
Petite question!j,ai un hydrangé petiolaris depuis 3 ans il n,a jamais fleuri??trop bien traité peut-être??j,aimertais savoir pourquoi? merci
Je suis heureux que l’œuvre de votre père (M.Hodgson) soit accessible sur internet . Vous pouvez être fier de lui , c’était un maître . Merci !