Un brise-vent aux multiples vertus
Au Québec, comme ailleurs, les haies naturelles ont été arrachées il y a quelques décennies pour permettre d’agrandir les surfaces agricoles et faciliter la circulation de la grosse machinerie. Malheureusement, cette pratique a entraîné toutes sortes de conséquences indirectes: l’érosion éolienne, bien sûr, mais aussi une propagation des odeurs de ferme et des pesticides et une perte d’habitat pour les oiseaux et les pollinisateurs.
Heureusement, depuis plus de 30 ans, quelques pionniers au sein même du MAPAQ (ministère de l’Agriculture des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec) se sont battus pour démontrer les bienfaits des haies brise-vent en agriculture: conservation des sols et de l’eau, meilleurs rendements, protection des animaux, des bâtiments et des serres, meilleur équilibre écologique et rendements secondaires comme la production de fruits ou de bois.
C’est donc grâce aux conseils d’un agronome du MAPAQ (Yvon Pesant, aujourd’hui à la retraite) que j’ai planté un brise-vent sur le terrain de 3,5 acres que je venais d’acquérir dans les Cantons-de-l’Est au début des années 2000.
Le choix des plants
J’ai appris ainsi que pour obtenir un brise-vent optimal, il est fortement recommandé de planter plusieurs rangées d’arbres et d’arbustes. De plus, le fait de planter une diversité d’espèces crée un aspect plus naturel que d’aligner des thuyas (communément appelés «cèdres» au Québec) ou d’autres conifères. Je voulais un résultat rapide, mais, en même temps, il fallait préserver notre vue magnifique sur les Appalaches!
Avec l’aide de mon conjoint, j’ai donc planté deux rangées d’arbres à croissance rapide (érables argentés, mélèzes, épinettes et pins) et une rangée d’arbustes (amélanchiers, viornes et sureaux) qui n’atteindront pas plus de 3 à 5 m de hauteur à maturité. Ces arbustes produisent de petits fruits qui attirent différentes espèces d’oiseaux tout au long de l’année. Si c’était à refaire, je planterais 2 rangées d’arbustes et une seule rangée d’arbres car, après 20 ans, nous avons coupé presque tous les arbres qui poussent vraiment très vite. Mais ils nous ont donné du bois de chauffage ou de menuiserie et des sapins de Noël.
Préparation du sol et plantation
Avant de commencer la plantation, nous avons fait labourer la prairie existante sur trois mètres de largeur avant de mettre en terre nos 350 petits plants. Plutôt que d’aller dans une jardinerie, il est possible d’en trouver à très bon prix chez un producteur forestier. Mais comme les pousses mesuraient à peine une dizaine de centimètres, il fallait les protéger au cours des trois à cinq premières années afin d’éviter la concurrence de la végétation herbacée.
Sur une petite surface, on peut utiliser du paillis naturel, mais vu la grande superficie et suivant les recommandations de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ), situé à La Pocatière, nous avons planté nos plants à travers une toile de plastique noir épais. Sans cela, les verges d’or auraient tôt fait de réduire nos efforts à néant. Nous avons également essayé une toile géotextile sur une petite étendue, mais celle-ci s’est avérée plus coûteuse, moins efficace et extrêmement difficile à enlever après cinq ans tellement les radicelles des plantes adventices étaient imbriquées dans la trame.
Donc, après le labour, nous avons déroulé la pellicule de plastique pour la fixer avec des pierres et des ancrages de métal. Ensuite, nous avons percé des trous au travers de la pellicule, juste assez pour recevoir la carotte de terre des petits plants. Ceux-ci doivent être plus rapprochés dans un brise-vent que lorsqu’on plante des spécimens décoratifs. Il faut espacer les arbres à environ deux mètres d’intervalle si on plante une seule rangée, mais on peut les espacer de trois mètres si on plante deux ou trois rangées.
Pendant la première année, il fallait veiller à ce que les jeunes arbres ne manquent pas d’eau. Par la suite, ils se sont débrouillés tout seuls. Nous avons eu très peu de pertes. Les cerfs ne s’approchaient pas grâce au chien de la ferme voisine. Même les mulots ne nous ont pas causé de soucis. Certains de nos amis ont cependant dû installer un grillage protecteur autour de leurs jeunes pousses d’arbres feuillus.
Croissance et effet protecteur
Après trois ans, nous avons commencé à enlever le paillis de plastique à certains endroits en pente où se créait de l’érosion sous la toile. Après 5 ans, nous l’avons retiré partout. Profitant de l’entretien des lignes hydro-électriques près de chez nous, nous avons pu récupérer sans frais du BRF (bois raméal fragmenté) que nous avons ensuite étendu autour des plants une fois le plastique retiré. Son effet a été fort bénéfique.
C’est fascinant de voir l’évolution du brise-vent chaque année et de constater les bénéfices pour contrer notre problème éolien. Notre potager était complètement à l’abri du vent après 5-10 ans. Par ailleurs, notre terrain est devenu beaucoup plus privé et nous sommes mieux protégés de la poussière et du bruit de la route. Notre brise-vent produit plus d’oxygène que la prairie existante et absorbe des gaz à effets de serre. D’après l’ITAQ de La Pocatière, une haie brise-vent peut absorber jusqu’à 300 tonnes de CO2 en 40 ans par km de haie.
Les fruits de nos arbustes sont un vrai régal pour les oiseaux et pour nous. Et finalement, les arbres plantés le long de notre entrée (perpendiculaire aux vents dominants) réduisent l’accumulation de neige sur le chemin.
Bien sûr, après 10-15 ans, nous avons commencé à couper des érables et des mélèzes, dont la croissance peut atteindre deux mètres par année, pour laisser la place aux arbustes devenus matures. Mais quelle belle provision de bois raméal!
Cet article est adapté du livre de l’auteure: Guide du jardinage écologique, Éditions Broquet, 2013.
Quel merveilleux article! Jlai appris
Beaucoup de choses… merci à cette femme qui a fait et fait encore une différence dans notre monde 🙂
Le paillis de plastique épais utilisé est-il la toile de plastique imperméable, noire, et étanche à la lumière tissée que l’on reconnaît à ses lignes vertes?
Le plastique noir que j’avais utilisé est un plastique épais de qualité agricole que j’avais acheté au Centre agricole Bienvenue de rougement: https://www.agricbienvenue.com
Les toiles tissées sont beaucoup plus coûteuses et les racines de adventices se tricotent un chemin au travers.
Est-ce que vous avez une application jardinier paresseux? Merci ?
Pourquoi est-ce que la verge d’or est à éviter?
Google, verge d’or et Hydro Québec
Empêche les autres espèces de se reproduire
Très intéressant. Merci de nous avoir communiqué le résultat de votre démarche.
Article très intéressant: les anciennes façons de faire avaient du bon, comme on dit. Merci pour les photos qui nous permettent de voir le résultat de vos efforts sur plusieurs années: bravo !
Pour Madeleine R.: les racines des verges d’or peuvent être envahissantes (réf. prise dans le livre “Les vivaces” de Larry H.)
Bonjour,
Merci pour cet article, qui plaira à tous les jardiniers, et pas seulement aux plus écologistes d’entre eux. Je me permets un petit commentaire : pour faire une haie, on peut utiliser des arbustes comme l’églantier, ou bien le prunellier, qui présentent deux avantages : ils produisent des fruits appréciés des oiseaux et des jardiniers, et ils ont des épines qui les protégent des prédateurs.
J ai une haie de prunellier sur 13 m attention aux épines quand vous taillez les merles raffolent des fruits. Il y a de l animation.
Intéressant de voir l’effet du brise vent sur la qualité de vie que cela apporte et aussi la description avec laquelle vous nous présentez les bons et moins bons coups! Lorsque l’on travaille avec des professionnels les résultats sont meilleurs, rapides et connus.
Mme Smeeiters , je vous ai connu lorsque vous étiez à Nature-Action alors que vous donniez de la formation sur le compostage! J’avais bien appréciée la formation aux maîtres composteurs donné dans ma MRC!
Merci encore de votre contribution vous restez un modèle!