Le gars qui n’aime pas le gazon
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans le magazine Fleurs, plantes, jardins en mai 1998.
Dans l’industrie horticole, je passe pour le gars qui n’aime pas le gazon. Je l’ai entendu de mes propres oreilles, de la bouche même de l’un des chefs de l’industrie de l’entretien du gazon. J’avais le dos tourné, mais les oreilles bien ouvertes! Ce que je me demande: où est-il allé pêcher cette idée-là?
J’adore le gazon… mais chez les autres. Je trouve les vastes surfaces vertes parfaitement tondues et s’étendant à l’infini magnifiques. Je voudrais bien avoir quelque chose de semblable chez moi, mais je n’ai ni le temps, ni l’espace, ni l’argent. Si un jour je deviens châtelain, je me promets bien d’avoir une vaste pelouse verdoyante à l’avant du château, pour le mettre en valeur… et pour épater la galerie.
Pour l’instant, j’ai beau regarder ma demeure sous tous les angles, même couché à plat ventre pour quelle paraisse plus imposante, elle ressemble toujours beaucoup plus à un bungalow de banlieue qu’au château de Versailles. Pensez-vous qu’une tourelle ou deux y changeraient quelque chose?
Entretenir sa pelouse le moins possible
Je dois admettre que j’ai beaucoup de gazon autour de ma demeure. Même énormément. Car le gazon est comparativement peu coûteux à installer et d’entretien moindre, du moins au début, qu’une plate-bande. Cependant, après quelques années de culture, il continue à demander autant d’efforts qu’au début alors qu’une plate-bande (surtout celle d’un paresseux, jonchée de tant de plantes décoratives que les mauvaises herbes n’ont pas le moindre espace pour pousser) en exige de moins en moins.
Aussi, quand je serai rendu à la fin de mon plan d’aménagement réparti sur 47 ans (j’en suis à l’an 4), il ne restera de ma vaste pelouse qu’une petite rondelle. Après tout, ce n’est pas juste mon jardin qui aura 47 ans, moi aussi j’aurai vieilli: je serai alors octogénaire et, je le crains, n’aurai plus assez de vitalité pour tondre une vaste surface aussi fréquemment que requis. Toutefois, j’espère avoir encore assez d’énergie pour m’asseoir dans ma chaise longue et regarder fleurir mes plates-bandes. Je ne compte pas finir mes jours dans une résidence pour personnes âgées juste parce que je ne suis plus capable de tondre ma pelouse!
En attendant, j’essaie d’entretenir ma pelouse le moins possible. De la tondre seulement, sans plus. C’est déjà bien assez, ne pensez-vous pas?
J’ai d’ailleurs déjà fait la gaffe de fertiliser une partie de mon gazon. Bien que j’aie utilisé un engrais biologique à action lente, la réaction fut encore trop vive à mon goût. Le gazon s’est mis à pousser presque deux fois plus rapidement qu’à l’habitude. Tondre une pelouse tous les quatre jours plutôt qu’une fois par semaine, qu’est-ce que cela me donne? Cette pelouse a cependant fini par retrouver sa «vitesse de croisière».
Heureusement, sinon il aurait fallu que je l’arrache.
Fertiliser sa pelouse? Pourquoi?
Curieusement, quand je dis aux gens que je ne fertilise jamais mon gazon, ils ne me croient pas. Après tout, il faut fertiliser, n’est-ce pas, sinon il va mourir? Mais pas du tout! Il ne fait que pousser moins rapidement, c’est tout.
De plus, ce n’est pas parce que je n’applique pas d’engrais commercial que je n’engraisse pas ma pelouse. En effet, je ne ramasse jamais les brins d’herbe tondus. Ils fondent littéralement dans le gazon, se décomposant à une vitesse incroyable. En fait, qui dit matière décomposée, dit engrais. De plus, à l’automne, je ne ramasse pas les feuilles mortes avec un râteau, mais au moyen de la tondeuse. Même si les feuilles déchiquetées sont lancées dans les plates-bandes, il n’en demeure pas moins que de petits morceaux finissent aussi par atteindre les racines des graminées du gazon et par les nourrir. Ainsi, mon gazon continue à bien pousser, mais à une vitesse raisonnable.
Enfin, je ne mets jamais d’herbicide sur mon gazon. Si je mettais de l’herbicide, je serais dans l’obligation de ramasser les brins d’herbe provenant de la tonte, car ils seraient alors toxiques et empoisonneraient les micro-organismes bénéfiques qui, autrement, les auraient rapidement décomposés. Si je ramassais les brins d’herbe, je n’aurais pas d’autre choix que de fertiliser, ce qui m’obligerait à tondre plus souvent, ce qui fait que je finirais ma vie dans une résidence pour personnes âgées.
Tapis de verdure avec un minimum d’effort
Le plus curieux, dans toute cette affaire, c’est que, malgré le fait que je ne fertilise pas ma pelouse, que je n’y applique jamais d’herbicide, que je la tonde le moins souvent possible, elle demeure étonnamment verte… du moins autant que celle d’un voisin qui, lui, fertilise la sienne. Mon gazon continue donc de remplir admirablement bien son rôle de «tapis de verdure» tout en exigeant un minimum d’efforts.
Si c’est cela «ne pas aimer le gazon», clouez-moi au pilori du culte québécois de la pelouse parfaite. Sinon, laissez-moi finir tranquillement ma vie dans mon jardin… avec ma petite rondelle de gazon que j’aime tant, à défaut du château que, soyons réalistes, je n’aurai jamais…
Bon matin,
Il me semble entendre rire votre père…Avec toute cette pluie qui nous tombe dessus, on peut être certain que notre gazon saura verdir son brin d’herbe sans notre aide!
Que son humour me fait du bien ce matin! N’empêche qu’il a tellement raison! On fait de même avec notre pelouse et en prime, j’ai le plaisir d’y admirer la grande diversité de fleurs qui l’agrémente et qui font le bonheur des pollinisateurs: fraisiers sauvages, trèfle, violettes…
Larry Hodgson avait l’art d’instruire par l’humour. Ainsi, les leçons s’apprennent vite et plus durablement. J’ai bien ri en ce matin pluvieux. Merci beaucoup !
Je suis désolée que nous n’avez pas pu terminer votre plan d’aménagement…?
Mon Dieu quel plaisir ,quel douceur en ce matin de pluie bonne pour un carré de gazon?
IL A BIEN RAISON!!!
Larry
Tu es mon «plus meilleur» jardinier !
J’ai un talus à l’avant de la maison qui était gazonné pendant 40 ans.
TANNÉ de tondre en pente, de payer pour l’engraisser, etc… j’ai décidé l’an passé de passer à l’action et de le recouvrir d’un couvre-sol. J’ai alors recouvert le tout de grands cartons récupérés chez les marchands de vélo pour arrêter la pousse du gazon, d’une membrane géo textile pour couper les mauvaises herbes qui veulent toujours s’immiscer, déposé du paillis par-dessous (paillis provenant des jardins vivaces de M.Hébert à Charlesbourg. Et pour l’hiver d’une membrane géotextile remplie de gravier au printemps. Une fois nettoyée et enlevée la membrane géotextile, j’ajouterai peut-être une autre couche de paillis et planterai en juin les plantes couvre sol. Et s’en en sera terminé pour l’entretien du talus! D’ailleurs je compte mettre en vente ma tondeuse et mon coupe bordure électrique très bientôt. Je suis maintenant équipé d’un coupe bordure à gaz et sans fil (j’ai un terrain accidenté à 2-3 niveaux) pour l’entretien du terrain avant et arrière. Moins y a d’gazon à entretenir mieux je me porte !
Et à l’été 2020 et 2021 j’ai remplacé d’autres surfaces gazonnés par des bacs à légumes et une serre . La vie est belle !
Roger C.
Merci pour ce texte qui me réconforte dans ma vision écolo de la nature !
Voici donc le dernier ingrédient d’un beau gazon: autant que l’humus…l’humour. Merci M. Hodgson!
Cher Larry : Quoi dire sur le gazon … à part le plaisir de se faire chatouiller les orteils quand on va nu pieds et de contenter les amateurs de couleur bleu + jaune, moi, je n’y trouve rien d’intéressant. Pour mon malheur, j’ai bien essayé l’arrachage hardi, le carton épais, la toile partout, le paillis à qui mieux-mieux, je n’arrive pas à avoir un espace dénudé pour me servir de toile. Pour mon double malheur, c’est maintenant très difficile de faire des travaux sur mon terrain et triple malheur, je ne trouve personne qui accepte de m’accompagner dans autre chose que la multiplication de petits brins verts. Pourtant, Larry, si vous m’avez appris quelque chose c’est bien d’oser, et de relire cet article ce matin me donne un regain d’énergie. Je découvre qu’il faut que j’opère un “shift mental” et je sens déjà fourmiller des idées nouvelles. Vous resterez toujours aussi inspirant. Merci, Cher Larry.
Je lis cet article et je reconnais mon conjoint à 100% (et moi aussi par le fait même).
Merci pour ce billet plein d’humour.
Pouvez-vous me dire le nom du compost que vous recommandez (celui qui contient tout ce qu il faut et le plus biologique possible merci
Les jardins vivaces de M.Hébert à Charlesbourg produit de l’excellent compost.
vendu en poche ou à la remorque
@ Lucille Thompson
Je crois que vous parler du compost Bionik : https://jardinierparesseux.com/2023/04/17/quand-on-cherche-du-vrai-compost/
Pour ma part, je le dis haut et fort : J’HAÏS LE GAZON! Ça demande trop d’eau, de fertilisation, d’aération, de “resemage” et de la tonte (qui épuise mon mari : On a un énorme terrain dont un côté (celui qui appartient à la Ville, évidemment, est en forte pente…)
Nous avons acquis une maison il y a 3 ans ? . Quand on est arrivés, le gazon était jaune de n’avoir pas été arrosé ?. Nous avons bien essayé de le rescaper, mais malgré les soins que nous lui avons donnés, rien n’y fit ?. Et, pendant ce temps, les graines d’adventices se semaient lentement, mais sûrement ?.
Si bien qu’à l’an 2, notre gazon laid était parsemé (je dirais plus envahit) d’une belle flore diversifiée, n’ayant rien à voir avec le gazon et poussant bien plus haut que ce dernier ? !
Pour vrai, je voudrais CHANGER le gazon pour autre chose ? . Et bien que je trouve plein de listes de végétaux qui peuvent remplacer le gazon, on n’indique jamais les étapes pour procéder à ce changement ? ! J’aimerais beaucoup que vous en fassiez une chronique ?
Désolée, j’avais mis plein d’émojis dans mon texte, mais ils se sont transformés en point d’interrogation 🙁
Les ? Ajoutent humour à votre texte (nous avions devinés atant eu la même problématique dans le passé).
Alors, la simplicité : semer du trèfle blanc (adoré des polinisateurs et 5 cm de haut. N’est-ce pas magnifique !) Ou…
Incorporer d’autres végétaux. Ils se ressèmeront et vous aurez un espace plus vivant tant en insectes indigènes que oiseaux qui auront plaisir à s’y nourrir !
Chez moi, ne reste qu’un corridor pour circuler (ou j’ai semé du tefle, ou poussent fraisiers et violettes indigènes). Les plates-bandes couvrent 65% de notre terrain (je soustrait maison – cabanon – terrasse – entrée auto). Tellement plus simple, moins de travail. Tellement plus agréable tant il y a de vie maintenant dans la cour.
C’est exactement ce qu’on a fait.Du trèfle,du thym,les petites fraises y poussent, et les violettes sauvages.C’est toujours beau chez nous,et jamais sec.
Éloïse
Voici les étapes que j’ai accompli l’an passé pour faire disparaitre mon gazon à long terme.
Idéalement débuter ces étapes au printemps et terminer le printemps suivant ceci afin de maximiser toutes les chances que le gazon soit mort, mort, mort et ne repousse plus jamais.
Ayant pris connaissance de cette méthode en août 2022, j’ai opéré dès ce moment-là et terminerai cette année en mai/juin. Présentement, mon talus est recouvert encore de géo textile de l’hiver que j’enlèverai bientôt pour terminer l’opération: «Mort au gazon» .
les étapes
1. Recouvrir le gazon de cartons. Pour ma part, j’ai pris des boites de cartons provenant des marchands de vélos et dans lesquels sont enveloppés des vélos neufs. Ces boites de carton m’ont été remises par des employés et/ou les ai trouvés moi-même dans les «containers» à l’arrière du magasin. Éviter si possible les cartons avec de l’encre.
2. Par-dessus le carton, j’ai déposé une membrane noire laissant passer l’eau (dont j’oublie nom) pour arrêter davantage la pousse des mauvaises herbes. Avec le temps, le carton se désagrège et les mauvaises herbes peuvent refaire surface.
3. J’ai recouvert de paillis de 4-5- cm d”épaisseur. Peut-être en remettrai-je une couche cette année.
4. En mai-juin, je tasserai légèrement le paillis, couperai légèrement en croix la membrane noire et le carton si encore présent, ferai un trou et planterai ma plante couvre-sol.
5. Dépendemment de la sorte de couvre sol choisi, je répèterai l’étape 4 autant de fois que nécessaire.
6. À l’automne, recouvrir le tout de membranes géotextile pour protéger de la neige et des «cochonneries» envoyées par la souffleuse pendant l’hiver.
Je vous reviens ultérieurement pour vous faire part de l’évolution des choses !
L’anonyme c’est moi
C’est exactement ce qu’on a fait.Du trèfle,du thym,les petites fraises y poussent, et les violettes sauvages.C’est toujours beau chez nous,et jamais sec.
Hâte de connaître ou voir les résultats anonyme! Quelles sont les plantes couve-sol que vous avez utilisé?