Par Mathieu Hodgson
30 avril 2023

Rien ne sert de courir au jardin

Comme le disait si bien Jean de La Fontaine dans Le lièvre et la tortue: «Rien ne sert de courir; il faut partir à point.» Avec le début des journées chaudes et ensoleillées du printemps et la disparition de la neige, nous avons tous envie de sauter dans notre jardin. Je vous propose plutôt de profiter d’un bain de soleil en prenant une tisane ou une bière. Et ce n’est pas parce que je suis paresseux que je vous dis ça!

Lorsque je travaillais comme paysagiste, je préférais toujours attendre la fin mai avant de débuter les gros travaux d’aménagement et pas parce que je ne voulais pas travailler (même si j’adorais la saison morte). On se concentrait plutôt sur de petits travaux de réparation ou de finition en début de saison. C’était en partie parce que lorsque les gros travaux de construction commencent, c’est difficile d’arrêter! Mais c’est aussi parce que l’utilisation de machinerie lourde en début de saison peut causer des dommages irrémédiables aux sols. Et le sol, c’est la base de votre jardin!

Période de dégel

Les camionneurs et utilisateurs de véhicules lourds, ainsi que leurs partenaires, dont les paysagistes, savent qu’au Québec on doit respecter la période de dégel. Nos sols peuvent geler à une profondeur de 1 à 3 mètres durant l’hiver. Au printemps, la terre entre dans un cycle de gel et de dégel qui la fragilise. Pour cette raison, le ministère des Transports et de la Mobilité durable demande aux véhicules lourds de réduire leur charge pour protéger notre réseau routier. Cette période de dégel s’étend du mois de mars ou avril jusqu’en mai ou juin selon la région, la météo et la profondeur du gel de l’année.

En outre, la terre est très humide à cette période de l’année ce qui peut aussi affecter nos sols. On entend souvent dire que les agriculteurs doivent attendre que leurs champs soient secs avant de pouvoir les travailler. Un sol compacté réduit la circulation de l’eau et le drainage, contient moins d’oxygène et rend plus difficile la croissance des racines.

Je ne suis pas un tracteur

Je sais bien que vous ne pesez pas autant qu’un tracteur ou un 12 roues, mais vos pieds peuvent tout de même endommager votre terrain lorsque celui-ci est gorgé d’eau comme au printemps, tout comme de la machinerie lourde. L’effet est similaire, mais moins en profondeur: dégradation de la structure du sol, ce qui rend la vie plus difficile pour vos végétaux, mais aussi pour la vie microbienne qui se trouve sous la terre.

Cela va aussi pour votre pelouse. Attendez que celle-ci soit bien sèche avant d’y circuler. Sinon, vous pourriez endommager le sol de façon permanente. D’ailleurs, vous n’avez pas besoin de râteler le gazon au printemps pour y enlever les débris organiques, à moins qu’ils ne se soient accumulés et forment un tapis impénétrable. Normalement, tout résidu de tonte ou de feuilles se décomposera et nourrira le sol et les graminées qui s’y trouvent.

Arbre et compaction

Si vous devez effectuer des travaux lourds chez vous, peu importe la saison, assurez-vous de ne pas compacter le sol autour des arbres. Lorsque la machinerie lourde circule sur votre terrain, elle peut compacter le sol en profondeur, ce qui aura un impact négatif sur vos arbres. L’effet ne se fera peut-être pas sentir immédiatement, mais 5 ou 10 ans plus tard, ayant de la difficulté à produire de nouvelles racines ou à s’approvisionner en eau, un arbre peut commencer à perdre des feuilles et des branches ou même en mourir.

Il existe des mesures d’atténuation pour contrer la compaction du sol autour des arbres, la première étant de ne pas y circuler à moins d’en être obligé. Une enceinte composée d’une clôture temporaire devrait être érigée autour de tout arbre qui est dans une zone de travaux. Si vous n’avez pas le choix, on peut étendre un géotextile ou du contreplaqué et ajouter une couche de 30 cm de paillis organique ou de pierres concassées, ce qui absorbera l’impact de la circulation.

Plusieurs municipalités ont des règlements qui encadrent les travaux autour des arbres. Assurez-vous que tout entrepreneur qui travaille chez vous les respecte. Selon la taille de l’arbre, évitez de circuler à moins de 2 et 3 mètres du tronc, ou sous leur cime.

Comment éviter la compaction?

Dans vos plates-bandes ou votre potager, il y a deux solutions faciles pour réduire la compaction des sols. La première est d’utiliser un paillis organique ou de laisser les feuilles mortes dans votre jardin. Le paillis absorbera l’impact de vos pas, comme il le fait avec la machinerie. D’ailleurs, les sols avec une haute teneur en matière organiques ont moins tendance à se compacter. Pensez à la terre bondissante d’une forêt!

L’autre option est de placer des pierres plates pour créer des pas japonais dans votre jardin. Ceci concentrera les pas aux mêmes endroits. Je suggère de placer ces pierres un peu partout dans votre jardin pour donner accès à chaque partie. Vous pouvez même en mettre dans votre pelouse pour éviter le piétinement dans des zones de forte circulation.

Je n’encourage pas la paresse pour le plaisir de la paresse, bien qu’elle m’apporte une grande jouissance, mais parce que, bien souvent, il vaut mieux attendre le bon moment. À quoi vous sert votre vitesse si elle empêche votre jardin de s’épanouir?

Mathieu Hodgson

Mathieu est gestionnaire des sites web jardinierparesseux.com et laidbackgardener.blog, pour lesquels il aime bien écrire. Il est aussi concepteur de jardins à Montréal, au Canada. Dans ses temps libres, on peut le retrouver à jardiner sur sa terrasse ou à la pêche sur le bord d'une rivière.

---

Nos partenaires locaux