Abeilles sauvages à la rescousse
C’est bien connu, les pollinisateurs à travers le monde se meurent bien que de nombreux efforts soient déployés pour les sauver. Au Québec, la tendance est à la symbiose entre agriculture et apiculture par l’introduction de ruches d’abeilles domestiques, Apis mellifera, à proximité des cultures maraîchères. Quoique d’une efficacité incontestée à polliniser les plantes à fleurs, elles ne sont pas les seules à l’ouvrage! Il existe en effet environ 350 espèces d’abeilles sauvages au Québec qui contribuent elles aussi à la pollinisation non seulement des végétaux d’ornement et des cultures maraîchères, mais aussi des plantes indigènes.
Impressionnantes, ces abeilles d’ici
Moins connues que les abeilles domestiques, les abeilles sauvages n’en sont pas pour autant moins importantes. Comparativement à leurs cousines domestiques qui résident dans des ruches, près de 70% des espèces sauvages vivent dans des terriers sous le sol tandis que 30% vivent dans des rameaux de branches, des trous creusés dans des arbres ou encore des galeries abandonnées par d’autres insectes ou de petits animaux. De plus, elles ne produisent pas de miel. Certaines espèces d’abeilles sauvages sont très sélectives et ne butinent qu’une variété restreinte de fleurs, dont des plantes à fleurs indigènes. D’autres espèces sauvages, tout comme les abeilles domestiques, ne sont pas aussi capricieuses et butinent pratiquement n’importe quelles fleurs leur fournissant nectar et pollen.
Il a été démontré que les abeilles et bourdons sauvages sont des pollinisateurs plus efficaces sur le plan individuel. En produisant des vibrations lors du butinage, ces derniers arrivent à libérer, récolter et transporter des quantités plus importantes de pollen. Certaines plantes cultivées, comme les tomates et les bleuets, sont d’ailleurs plus efficacement pollinisées par les abeilles sauvages grâce à ces vibrations. Pourquoi alors introduire des abeilles domestiques à proximité des terres agricoles?
Au secours!
C’est avec les monocultures qu’est né un intérêt pour les ruches commerciales puisque les pollinisateurs sauvages ne suffisent pas à la tâche. Ces derniers se voient privés de diversité d’espèces de plantes à fleurs à butiner lorsque s’étendent à perte de vue des champs de végétaux non variés. De plus, les abeilles sauvages d’ici parcourent des distances substantiellement moins importantes que les abeilles domestiques. Ces dernières peuvent parcourir un rayon de 3 à 5 kilomètres en quête de nectar et de pollen, comparativement aux espèces sauvages qui ne quittent que rarement un rayon de plus de 400 mètres. Le défi des abeilles sauvages face aux étendues des monocultures s’avère insurmontable pour ces dernières, peu aventurières.
Les abeilles domestiques offrent également un avantage d’une importance capitale à la pollinisation et, par conséquent, à l’industrie agroalimentaire: la force du nombre! Effectivement, ces dernières vivent en nombreuses colonies pouvant varier de 40 000 à 80 000 individus comparativement aux abeilles sauvages, majoritairement solitaires.
L’introduction de ruches commerciales offre aux producteurs maraîchers des alliés sans qui nos habitudes alimentaires seraient aujourd’hui bien différentes. Pour l’instant, l’abeille domestique se retrouve ainsi championne de la pollinisation de nos terres agricoles. Toutefois, un fléau dévastateur affecte actuellement les ruches d’abeilles domestiques qui subissent massivement des chutes de population, appelé syndrome d’effondrement des ruches, causé par la présence de néonicotinoïdes dans les pesticides épandus sur les cultures. Question de complexifier la problématique, ajoutez à la liste des menaces: dégradation des habitats naturels, diminution de biodiversité, contamination des points d’eau, infections parasitaires, et j’en passe!
Abeilles sauvages en renfort
Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour favoriser la présence d’abeilles sauvages à proximité des champs. Certains producteurs maraîchers collaborent actuellement à des études visant à trouver des alternatives à l’introduction de ruches commerciales. Valérie Fournier, professeure d’entomologie agricole à l’Université Laval, s’intéresse à l’utilisation d’Osmia tersula, une abeille sauvage, pour la pollinisation de cultures fruitières et serricoles sur la Côte-Nord. En pollinisant nos cultures à l’aide de telles abeilles sauvages, on limite l’introduction d’abeilles domestiques.
Une autre étude menée par Mathilde Tissier, chercheuse postdoctorale sous la supervision de Valérie Fournier, se penche sur l’implantation de bandes fleuries en milieux de culture. Pour les pollinisateurs indigènes, intégrer ainsi des plantes à fleurs dans les champs pourrait offrir un milieu largement plus invitant et adapté que les monocultures. Choisir l’espèce sauvage la plus appropriée à chaque culture n’est pas tâche facile, les pollinisateurs indigènes ayant des besoins spécifiques. Ceux-ci devront entre autres trouver à proximité des cultures des milieux propices à la nidification, dans un climat adéquat, offrant suffisamment de nourriture, en plus de donner un coup de main (ou d’aile!) aux producteurs.
De plus, la période de butinage des abeilles sauvages est parfois très courte et spécifiquement synchronisée à la floraison de plantes indigènes. Par exemple, les genres Andrena et Lasioglossum, deux genres d’abeilles printanières, butinent les fleurs de végétaux indigènes comme les saules (Salix), les cerisiers (Prunus) et les framboisiers et muriers (Rubus). Leur période d’activité s’avère plus précoce que celles des abeilles domestiques, toutefois elle est largement moins étendue tout au long de la période estivale. Le match-making entre pollinisateur sauvage et culture maraîchère, c’est un défi de taille!
À plus petite échelle
Que ce soit en milieu urbain ou rural, il existe plusieurs façons plus simples et accessibles pour tous les avides de jardinage d’attirer les pollinisateurs chez soi. L’ajout de plantes à fleurs variées, particulièrement les plantes à fleurs indigènes, est une solution facile au déclin des populations. De plus, implanter plusieurs espèces de végétaux dont les périodes de floraisons diffèrent offre des ressources alimentaires du printemps à l’automne, procurant ainsi un environnement riche et propice à nos précieux alliés.
Réduisez autant que possible vos interventions au jardin. Les insectes nichent dans les végétaux qui meurent à l’automne et dans les débris organiques comme des branches mortes, ainsi que dans le sol. Abstenez-vous donc de faire un nettoyage d’automne et laissez les feuilles mortes au sol. Si ce n’est pas nécessaire, ne remuez pas le sol pour ne pas tuer les insectes qui s’y trouvent. Au printemps, même son de cloche. Attendez quelques semaines après la fin des risques de gel avant de faire le ménage de vos plates-bandes, ou n’en faites pas du tout. Il faut laisser le temps aux insectes pollinisateurs de sortir de leur torpeur hivernale. L’accessibilité à un point d’eau est également un facteur important à la survie de nos petits amis.
Et à long terme?
L’origine réelle du problème réside dans notre manière de cultiver la terre. Pour Nicolas Derome, professeur au Département de biologie de l’Université Laval, réinventer les stratégies de culture permettrait d’annihiler bien des embûches quant à la pollinisation des végétaux dont nous dépendons tant pour nous alimenter. Éliminer les monocultures et favoriser la diversité de plantes comestibles sur une superficie donnée s’avère fort possiblement une solution plus pérenne et écologique à la production alimentaire. Quoique complexe à implanter à court terme, cette solution est porteuse d’espoir pour une relation plus harmonieuse et équilibrée avec nos terres nourricières. Rome ne s’est pas construite en un jour, mais elle est toujours bien vivante!
Quel belle surprise! Hier j’ai reçu LE Livre du Jardinier Paresseux Les 500 trucs ! Tellement bien fait, la disposition des articles ,photos et tout l’ensemble du livre est parfait. Je prend ma retraite en mai ! Des heures de plaisir en vue avec mon précieux livre ? Merci d’en avoir annoncer la venue !!
Tellement vrai. Vivement l’abeille sauvage
Mieux on les connaît, mieux on peut aider à les protéger.
Merci pour cet article fort intéressant!
Merci beaucoup, c’est très intéressant!
Nous aurons une chance de sauver la planète lorsque nous aurons remplacé les beaux gazon vert pur en jardins de fleurs aussi variées que folichonnes. Est-ce possible?
Très bon article, instructif.
Merci très instructif et intéressante.
J’ai installé, il y a 2 ou 3 ans, une (traduction libre) «maison pour abeilles Mason». De constater qu’une abeille est capable de découvrir ce petit logis, de s’y installer et de voir comment cela se passe (suspense!), c’est incroyable. Enfin, vous ne serez pas épaté tant que ça si ça vous prend un billet pour assister au SuperBowl pour vous émouvoir, mais je crois que ce n’est pas votre cas si vous flirtez ici 😉 … Il faut savoir que cette espèce n’est aucunement agressive. Cherchez «mason bee house» pour plus d’infos.
Excellent article. J’ai bien aimé les suggestions sur les gestes paresseux à faire au printemps et à l’automne dans nos jardins!
Très intéressant! J’ai aimé et appris beaucoup.??
Merci Mario. J´ai été voir. Intéressant. J´ai eu des petits nids de guêpes, environ 10 individus avec des nids de papier. Au moins toujours une pour surveiller le nid. Elles font leurs affaires. Si je m´approche, environ 2 m, elles s´immobiliser toutes instantanément (phénomènes ?). À 1 m, elles lèvent toutes leur postérieure où est le dard. J´imagine que plus près c´est l´attaque ! Comprenant leur langage, elles ne m´ont jamais piquées ou dérangées. Il y a juste une distance limite à ne pas franchir.
Article très intéressant et beaux partages …( je vais aller voir la maison pour les abeilles ?)
En effet Régent, les guêpes ont un peu plus de caractère et, comme vous l’exprimé parfaitement, ça prend un peu de tact pour les côtoyer sans souci. Ça se complique toutefois quand on a un cas d’allergie dans l’entourage.
Merci Cassandra!
J’ignorais tout de ces abeilles ? polinisateurs indigènes. Nouvelle planif du centre du jardin !
Ya tellement à dire… Je conseille à tous/toutes de lire :
“Découvrir et protéger nos abeilles sauvages”
Il y a 3 ans j’ai installé un nichoir pour les abeilles sauvages. Quelle ne fut pas ma surprise au printemps suivant de constater la venue de centaines d’abeilles qui se régalaient de mes crocus et autres fleurs printanières sur mon terrain. Quelle merveille!. J’ai donc installé un 2e nichoir pour les remercier… ou l’inverse! 😉 (Nichoir acheté chez Costco).
Je lis en ce moment un livre écrit écrit par une femme qui habite à La Baie, au Saguenay. Il s’agit du livre ”Le jardin vivrier, Autosuffisance et non-travail du sol”. Vous connaissez? C’est génial comme approche.
L’implantation de bandes fleuries en milieux de culture pour attirer les pollinisateurs indigènes ne peut-il pas les mettre en contact plus direct avec les néonicotinoïdes et ainsi accélérer leur disparition ?
Daniel Lessard
Excellent article. J’y ai appris plein de choses sur les abeilles. Andrée à toutes les raisons d’être fière de toi.
Chronique très intéressante! Merci à Cassandra! J’ai lu récemment beaucoup d’informations sur les abeilles sauvages dans une autre infolettre (rédigée en Suisse traitant de permaculture à laquelle je suis abonnée depuis quelques années): « Saine Abondance ». C’est une autre mine d’or. Florence, son instigatrice, prône aussi la non intervention au sol. Grâce à elle, mes connaissances sur ce que la nature offre avec générosité se sont développées (les plantes indigènes, les insectes et leurs rôles respectifs) et m’ont amenée à m’intéresser à la biodiversité qui m’entoure… Je vais d’ailleurs tenter d’obtenir cette année la certification de « Jardin pour la biodiversité » à « Espace pour la vie » du Jardin botanique. J’essaie aussi de sensibiliser mes voisins à devenir le moins interventionniste possible… une jasette à la fois, à travers la clôture…