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Gâter sa belle-mère avec…de la laitue!

Lors d’un récent souper avec ma belle-famille, j’ai mis le paquet pour épater la galerie : hors-d’œuvre, fromages du terroir et vin bio. Sauf que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Alors que je sortais les coupes à vin, ma belle-mère me lance à distance : Ouin tu nous gâtes à soir Francis! 

J’étais ravi, mais à ma grande surprise, elle ne parlait pas du tout des entrées que j’avais achetées pour l’apéro, mais bien du bol de salade qui trônait au bout de la table. 

Ça vient de ton jardin? me demande-t-elle. 

Récolte d’un soir : Laitues variées, persil, roquette, bette à carde et
 kale (rouge et vert) sont au menu. Photo: Francis C. Cardinal.

Le bol était rempli de salade, elle venait directement de mon jardin, et ce alors que nous étions en plein mois de novembre alors qu’une pénurie de laitue frappait une bonne partie de l’Amérique du Nord. Mes efforts pour faire pousser mes propres légumes venaient soudainement de prendre de la valeur. 

Si vous avez suivi un peu l’actualité à l’automne 2022, vous avez probablement entendu parler des prix exorbitants qu’ont atteints les laitues à ce moment. 

Je ne raconte pas de salades 

Sans entrer dans les détails qui expliquent les prix faramineux de ce légume chouchou, laissez-moi tout de même faire un survol. Il est pertinent de mentionner quelques facteurs pour faire une mise en contexte. 

D’abord, on parle surtout de la laitue importée de Californie et en particulier des variétés romaine et iceberg. Il faut dire que beaucoup (trop?) de nos fruits et légumes proviennent de cet état américain. Si bien que des problèmes agroalimentaires californiens ont le potentiel d’affecter le prix du panier d’épicerie de nombreux Nord-Américains. 

Affiche dans une épicerie limitant l'achat de laitue à deux par client
Jamais je n’aurais cru, dans ma vie, vivre un moment où l’on impose une limite à la quantité de laitue qu’une personne peut acheter. Photo: Francis C. Cardinal.

Dans ce cas-ci, ce sont les conditions de sécheresse et la baisse du dollar canadien qui auraient lourdement contribué à ces hausses de prix. Certains parlent aussi de maladies qui auraient fait des ravages sans oublier tout ce qui cause l’inflation… 

En résumé, l’offre baisse, car il y a moins de laitue sur le marché, mais la demande, elle,  demeure. Et voilà, vous avez le cocktail parfait pour une salade César hors de prix. 

Revenons à ma salade

Maintenant, vous imaginez pourquoi ma belle-mère était si ravie de manger de la laitue fraîche! En fait, elle s’en privait probablement depuis quelque temps. Vous comprenez également que cette verdure provenait du potager alors que l’automne était bien installé. Mon truc? Une couche froide.

C’est d’ailleurs le jardinier paresseux qui m’avait donné envie d’essayer à l’époque après la lecture de l’article une serre faite de vieux châssis. En fait, la science derrière ce concept est assez simple. L’idée est de créer un espace où la température demeure tolérable pour des variétés de plantes résistantes au froid afin de les garder en vie dans le sol. En suivant le principe des pelures d’oignon, on crée des couches d’air pour conserver la chaleur. Un peu comme quand on s’habille pour une journée froide et quand on a chaud, on enlève une pelure. Dans le cas de notre jardin, on vise à conserver la chaleur du sol en plus de capter celle du soleil. 

Voici à quoi ça ressemble par chez moi : 

couche froide fermée
Voici à quoi ressemble ma couche froide une fois fermée. C’est étonnant tout ce qu’on peut y faire pousser…  
couche froide ouverte
Lorsque la météo est clémente, on ouvre le tunnel pour permettre aux plantes d’obtenir un maximum d’ensoleillement et d’éviter un effet de serre trop chaud. 
Enfin, une couverture flottante s’ajoute à l’intérieur afin de maximiser l’isolation et de conserver la chaleur lorsque les temps froids s’amènent. 

J’ai décidé de m’équiper et d’apprendre

J’ai essayé le truc avec des vieilles fenêtres récupérées. Ça fonctionne, mais plusieurs fois, j’ai dû ramasser du verre brisé dans mon jardin. Aussi, j’avais du mal à entreposer les lourdes structures de bois munies de châssis pendant la saison chaude. Maintenant, j’utilise un tunnel qui se compose d’arceaux, de piquets et d’une toile transparente et le tout est facile à ranger. 

Mais le processus d’apprentissage continue et le jeune padawan que je suis garde en tête les enseignements du jardinier paresseux. Après quelques essais et erreurs, j’ai aussi déterminé les variétés de légumes-feuilles qui sont, pour nous, à la fois rentables, faciles à cultiver et appréciées autour de la table. C’est beau faire pousser des légumes…mais encore faut-il aimer les manger.

En conclusion, voici mon analyse sommaire en trois points 

  1. Le timing : Je démarre mes semis vers la fin de l’été en vue de les planter en terre au début septembre. Il faut comprendre qu’à l’automne, la photopériode diminue de jour en jour. L’ensoleillement baisse et les plantes disposent de moins en moins de lumière tout en composant avec des températures fraîches. Il faut donc planter ses légumes avant que l’automne s’installe afin de leur laisser le temps de pousser. 
  1. Le bon candidat est le légume qui tolère le froid : en plus d’avoir poussé suffisamment, un légume cultivé dans des conditions automnales doit survivre aux aléas de la saison froide. Pour ce faire, un jardinier paresseux doit privilégier des légumes tolérant les températures froides comme les membres de la famille des choux (brassicacées) et plusieurs légumes-feuilles. Rappelez-vous que la protection (couche froide) n’offre aucunement les conditions de croissance nécessaires à une plante tropicale telle que la tomate. 
  1. Produire localement et hors saison pourrait valoir la peine (de plus en plus) : ironiquement, cette histoire de laitue m’a profondément marqué. Entre la pandémie, les changements climatiques, l’inflation et l’instabilité économique mondiale, produire des légumes par moi-même à bas prix m’apparaît de plus en plus comme une solution économique. Qui sait ce que l’avenir nous réserve? 

Dans tous les cas, ma famille et moi y trouvons déjà notre plaisir et nous comptons continuer à manger de la salade du jardin avec ou sans inflation. 

Enfin, voici un aperçu de ce qui reste de notre jardin en date du 18 décembre 2022. On mangera de la salade (extra) locale et bio durant la période des fêtes. C’était un peu surréel.

Étiquettes + Couche froide, Laitue, salade


commentaire sur "Gâter sa belle-mère avec…de la laitue!"

  1. Dominique dit :

    Fantastique !!! Un 18 décembre sous la neige et la verdure toujours vivante !!! Nous avons aussi essayé… avons semé le 24 juillet au jardin, puis au début du temps froid avons couvert par un tunnel, et dégusté nos dernières laitues il y a deux semaines !!! Fantastique et bravo !!! Nous récidivons l’an prochain et allongerons la saison !!! ???

  2. Didier Fooy dit :

    Bravo ?
    Pour aller plus loin sur le sujet et découvrir des dizaines de légumes résistant au froid, je recommande vivement la lecture du livre de Wolfgang Palme : Le potager au cœur de l’hiver, aux éditions Tana (disponible en France et en Belgique, mais peut-être pas au Canada).

  3. Anonyme dit :

    Je l’ai aussi essayé mais je n’ai pas eu le courage d’attendre jusqu’en décembre, j’avais peur qu’elles gèlent, je les ai mangées en novembre.

  4. Martin Vincent dit :

    On essaie la technique en 2023

  5. Martine dit :

    Merci pour le partage; nous tenterons l’expérience en 2023. Bonne année!

  6. Lalou dit :

    J’ai récolté mes dernières salades en novembre sous 4 pouces de neige. Elles étaient parfaites. L’an prochain, j’essaierai le tunnel et la toile pour essayer d’allonger la saison. Mais je ne comprends pas qu’on achète de la laitue de la californie, il y a plein de producteurs locaux jusque tard dans la saison.

  7. Richard dit :

    Est-ce possible d’avoir le nom des cultivars que vous utilisez, cela évitera de mauvais choix…

  8. Agnes dit :

    Je recommande vivement le livre
    Potager à l’année d’Albert Mondor
    Adapté pour le Québec
    Construit une couche froide et cultive quelques légumes…
    Merci de partager votre expérience

  9. Fabienne Hubert dit :

    Je comprends seulement aujourd’hui pourquoi mon père appelait ses installations des “coûches” (accent circonflexe pour prononcer à sa façon ). Mmh… souvenirs, souvenirs : ma grand-mère, emportée par son propre poids, en se baissant pour cueillir la salade, est tombée dedans (une fois). C ‘est beaucoup de boulot tout ça pour un jardinier paresseux.

  10. Pierre Jutras dit :

    Bonjour Didier. Merci pour cette suggestion. Ce livre est disponible au Canada: https://www.renaud-bray.com/Livre_Numerique_Produit.aspx?
    id=3464473&def=Le+potager+au+c%c5%93ur+de+l%27hiver+-+Autonomie+sans+chauffage+avec+70+l%c3%a9gumes+frais%2c+r%c3%a9sistants+au+gel+%c3%a0+cultiver+en+pot%2c+terrasse+ou+jardin%2cPALME%2c+WOLFGANG%2c9791030104080

  11. Jérôme Poirier dit :

    couche froide ou couche chaude?

  12. Suzanne Fortin dit :

    Moi aussi je le ferai

  13. J.J. dit :

    J’ai pratiqué” longtemps la couche froide, surtout au printemps pour récolter des PDT de primeur. Mais j’ai renoncé. Moi j’aimais bien mais mon dos ne supporte plus. Il faut beaucoup se baisser !

    En France nous avons aussi pas mal de problèmes avec les approvisionnements, mais pour la salades, heureusement c’est encore abordable : 1,30 € une belle” feuille de chêne” pourpre, dont les feuilles les moins tendres vont finir braisées avec des lardons.

  14. mlegroulx dit :

    Bonjour M. Cardinal, Je ne suis pas jardinière pour deux sous même si je lis le jardinier paresseux avec plaisir. Votre article m’a rappelé un passage du roman “Ombre sur le rocher” de l’auteure américaine Willa Cather. L’intrigue de ce roman historique très bien documenté, publié en 1931, se passe à Québec pendant l’hiver 1697. Le narrateur raconte que, sur la place du marché extérieur de Québec, en décembre, on vendait de la laitue! La croissance de légumes en automne ne date donc pas d’hier. Nos ancêtres étaient débrouillards!
    Voici l’extrait: On many of the wagons there were boxes full of earth, with rooted lettuce plants growing in them. These the townpeople put away in their cellars. And by tending them carefuly, and covering them at night, they keep green salad growing until Christmas or after. Auclair’s neighbour, Pigeon the baker, had a very warm cellar, and he grew little carrots and spinach down there, long after winter had set in. The great vaulted cellars of the Jesuits and the Récollet friars looked like kitchen gardens when the world above ground was frozen stark. (Shadows on the Rock-Ombre sur le rocher)

  15. Valerie dit :

    Très intéressant. Je vais essayer l’année prochaine. J’ai l’espace parfait. MAIS! Où avez-vous acheté votre matériel? Votre toile plastique est aérée et vos arceaux ainsi que leurs compléments d’élastiques ont l’air très solides! Merci du partage!!

  16. Grober dit :

    Voici livre très intéressant pour cultiver ses légumes en hiver. Il répondra à beaucoup de vos questions sur ce sujet. Depuis des années, son auteur produit commercialement ses légumes, toute l’année sous un climat très similaire à celui du Québec (sa ferme est située dans le Maine) quand aux températures et à la quantité de neige. On peut s’en inspirer même si on jardine derrière la maison : c’est un écono-écologico-biojardinier ;0)

    -Des légumes en hiver : produire en abondance, même sous la neige / Eliot Coleman

    Un autre livre livre intéressant mais un peu plus technique mais dont on peut retenir beaucoup de choses pour réussir son jardin d’hivers au Québec.

    -Le maraîchage nordique : découvrir la culture hivernale des légumes / Jean-Martin Fortier et
    Catherine Sylvestre

  17. Jacinthe dit :

    Merci! J’embarque moi aussi en 2023!

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