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Les plantes se reposent l’hiver; les jardiniers aussi

L’été dernier, je voulais ajouter des plantes d’intérieur à ma (petite) collection. Mais comme c’est souvent le cas, j’ai manqué de temps. Travail, responsabilités familiales, jardinage! Toutes de bonnes raisons de ne pas réaliser nos projets. De plus, je suis paysagiste, donc je travaille beaucoup depuis le printemps jusqu’au début de l’hiver.

Ce n’est pas grave, vous dites, l’hiver arrive, les jardins seront fermés bientôt. Tu vas avoir le temps de magasiner de nouvelles plantes d’intérieur. Le hic c’est que l’hiver, c’est le pire moment pour le faire.

«?Booooooo!?» Je vous entends tous huer!

Oui, je sais que vous êtes déçus, tout comme moi. Maintenant que je vous ai gâché la vie, je vous explique pourquoi. Ça se résume à trois facteurs : faible luminosité, sécheresse de l’air et froid.

Il n’y a pas autant de lumière chez nous que dans cette serre. Photo: Eva Bronzini.

La grande noirceur

Lors du solstice d’été, au Québec, on reçoit environ 15 heures et 30 minutes d’ensoleillement. J’imagine que la situation est similaire en Europe, où vivent plusieurs de nos lecteurs. Au solstice d’hiver, il n’en reste que 8 heures et demie ! C’est une différence énorme! C’est presque la moitié de moins.  Vos plantes d’intérieur trouvent ça très difficile de s’adapter mais, au moins, elles peuvent s’habituer à la situation de façon graduelle. Ce qui n’est pas le cas des plantes adoptées en hiver, qui ne peuvent faire autrement que d’être traumatisées par le contraste.  

Si vous achetez une plante qui a grandi dans une serre, avec un éclairage artificiel qui fonctionne de 12 à 18 heures par jour pour accélérer sa croissance, et qu’elle se retrouve subitement près d’une fenêtre faisant face au nord avec 8 heures d’ensoleillement, c’est la  décrépitude certaine! C’est un peu comme de passer de vacances sur les plages d’un pays tropical à un demi-sous-sol montréalais en plein mois de janvier : c’est déprimant!

J’exagère juste un brin pour l’effet dramatique. Bien sûr, on peut ajouter de l’éclairage artificiel et mettre ses plantes devant la fenêtre la plus ensoleillée. Et vous devriez faire toutes ces choses… mais pour les plantes que vous possédez déjà. Pour ce qui est de vos plantes adoptées en hiver, dans le meilleur des cas, elles quitteraient l’environnement idéal d’une serre pour se retrouver dans l’environnement adéquat de votre maison. Elles trouveront quand même la vie dure.

Ce croton a été déménagé à un endroit plus ensoleillé pour l’hiver. Photo: Mathieu Hodgson.

Désert nordique

Selon sa température, l’air peut contenir plus ou moins d’humidité. L’air froid en contient moins, l’air chaud, plus. Quand de l’air froid entre dans votre demeure et se réchauffe, l’humidité relative descend. Disons qu’on commence avec une bouteille de 1 litre remplie de 500 ml d’eau, elle est remplie à 50%. Lorsque l’air se réchauffe, il augmente sa capacité à contenir de la vapeur d’eau. Dans ce cas, on se retrouve avec une bouteille de 2 litres, mais on a toujours 500 ml d’eau. L’humidité relative de 50% est maintenant de 25%. Je sais bien que c’est une explication simplifiée, mais ça illustre vite fait pourquoi l’humidité dans nos maisons est si basse en hiver. Plus l’écart entre les températures extérieure et intérieure est grand, plus le taux d’humidité baisse.

Plus l’air est chaud, plus il peut contenir d’eau. Photo: F. Lamiot.

Il va sans dire que, quand une plante quitte une serre aux allures de forêt pluviale et se retrouve dans nos demeures désertiques, elle a le gorgoton sec! Vous pouvez utiliser un humidificateur, mais est-ce assez? Chez moi, il y a trois humidificateurs pour tenter de garder le taux d’humidité à 50%. Au milieu de l’hiver, durant les grands froids, je dois parfois les remplir tous les jours. Inévitablement, j’oublie à l’occasion de remplir mes humidificateurs, ou bien je pars pour quelques jours et ils se vident.

Je me contente d’un taux d’humidité d’entre 30 et 50%, ce qui, soit dit en passant, est très confortable pour l’humain aussi. C’est également bien tolérable, en général, pour vos plantes d’intérieur. Le problème est, encore une fois, le changement subit. Si vous achetez une plante d’intérieur en été, quand l’humidité est plus élevée dans nos maisons, et que l’humidité diminue, elle aura la possibilité de s’adapter graduellement.

Sceller une plante dans une boîte de carton offre déjà une bonne protection contre le froid. Photo: www.toppr.com & uline.ca

Vague de froid

Non, nos plantes d’intérieur qui sont habituées à leur environnement ne souffrent pas du froid dans nos maisons; en général, elles aiment les mêmes températures que nous. C’est le transport le problème. Aussitôt que les températures descendent en dessous de 10°C, il y a des risques qu’une plante tropicale prenne un coup de froid. C’est pour cette raison qu’il est préférable de rentrer vos plantes d’intérieur avant qu’il commence à faire froid, fin d’été ou début d’automne, selon l’endroit où vous vivez.

Mais que se passe-t-il quand il fait -20°C? Après tout, vous sortez de la jardinerie, marchez quelques pas pour vous retrouver dans une voiture chauffée, ce n’est pas si mal. Pas si mal pour vous, mais ça peut tuer votre plante, espèce de sans-cœur! Si vous achetez des plantes en hiver, assurez-vous donc de très bien envelopper vos dernières venues. Les magasins spécialisés sauront comment faire. Mais si vous les achetez dans un magasin à grande surface, ils n’auront probablement pas ce qu’il faut pour bien protéger vos plantes. Les commerces de vente de plantes en ligne, quant à eux, se sont beaucoup améliorés au fil des années et offrent des emballages conçus pour le transport en hiver, allant même jusqu’à utiliser des packs chauffants.

Je pourrais peut-être quand même commencer une collection de succulentes cet hiver… Photo:

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Imaginez maintenant l’effet combiné d’air sec, de faible humidité et de choc thermique. Ça peut très bien sonner le glas de votre plante. Ma suggestion est donc de remettre l’achat de plantes d’intérieur au printemps, à l’été ou au début de l’automne.

Je dois quand même être honnête avec vous : je vais probablement acheter quelques plantes d’intérieur cet hiver, qui contribueront à ma santé mentale. Ce n’est pas idéal, je sais, mais je prendrai toutes les précautions, je vous le jure! Pas de jungle tropicale, juste quelques petites nouvelles pour embellir la vie cet hiver, peut-être même dans des pots de grès!

J’avais songé à commencer une collection de succulentes et de cactus. Ce sont des plantes qui vivent très bien dans des milieux arides pourvu qu’ils aient un très bon éclairage. Elles ne sont pas malheureuses non plus dans un climat tempéré.

L’hiver les plantes, autant intérieures qu’extérieures, se reposent. Laissez-les faire! Elles réduisent leur croissance en réaction à leur environnement. C’est tout à fait normal. Peut-être que les jardiniers (surtout les paresseux!) devraient suivre leur exemple et prendre une pause bien méritée pendant l’hiver.

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