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Fêter l’hiver sans trop d’efforts

Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans le magazine Fleurs, plantes et jardins en décembre 1997.

Momie dans un jardin
Le Festival de l’Égypte ancienne ancienne est commencé! Sortez vos momies! Photo: Paul-W.

Voilà encore cette période de l’année. Non, je ne parle pas des Fêtes, mais du Festival de l’Égypte ancienne, à l’occasion duquel tout bon propriétaire québécois transforme ses arbres et ses arbustes en momies ou en pyramides en les couvrant de tissu ou de petites structures de bois. C’est, de loin, la fête la plus importante de l’année, car c’est à peine si on allume nos arbres de Noël pendant trois semaines, alors que nos momies, nous les montrons fièrement pendant presque six mois.

Les origines de ce festival sont obscures. Il me semble qu’il n’existait pas il y a 30 ans, puis, subitement, on a commencé à voir quelques momies et une occasionnelle pyramide devant les maisons. Aujourd’hui, pratiquement une maison sur deux participe à ce Festival. N’ayant pas pu trouver le moindre lien entre les principes chrétiens et le fait d’habiller les arbustes en momies, je dois conclure que cette fête est d’origine païenne. Elle semble toutefois bien tolérée et même encouragée par l’Église, car, dans ma paroisse, du moins, le curé aussi momifie ses arbustes tous les hivers.

protection hivernale japonaise
Protection hivernale japonaise. Photo: TANAKA Juuyoh

Une fête, deux peuples

Il est intéressant de constater que cette fête n’est célébrée que dans deux régions du globe très éloignées l’une de l’autre: le Québec et le Japon. Dans ce dernier pays, la momification des arbres est une pratique très ancienne. Peut-on en conclure que la tradition fut apportée ici autrefois par des explorateurs japonais égarés cherchant le Passage du Nord-Ouest? Nul ne le sait. Cependant, je dois admettre que, avec leur façon de momifier les arbres en utilisant des papiers fins colorés ou de la paille, je trouve que les Japonais montrent plus de raffinement dans leurs emballages que nous avec nos simples recouvrements de toile de jute, d’agrotextile et de clôture à neige.

Par contre, je commence à voir des gens qui déguisent leurs momies en bonshommes de neige: est-ce le début d’une nouvelle tradition de momies artistiquement décorées? Pablo Picasso aurait sûrement eu un plaisir fou à rendre nos hivers moins monotones avec des emballages de fantaisie! Le problème, c’est que, avec la neige que nous avons, il faudrait déblayer nos momies colorées durant tout l’hiver pour les mettre en valeur. Personnellement, je trouve que je déblaye déjà bien assez sans avoir à le faire en plus pour mes arbustes.

Protection hivernale de jute
Est-ce que la momification annuelle des arbustes et des arbres serait une technique pour les protéger? Photo: pxhere.com.

Une bizarre de théorie

J’ai entendu une curieuse théorie l’autre jour, la momification annuelle des arbustes et des arbres serait une technique pour les protéger contre les méfaits de l’hiver. D’abord, nos arbustes se couvrent de neige et l’on sait qu’une bonne couverture de neige constitue une bien meilleure protection qu’une mince couche de tissu. De plus, nous n’emballions pas nos arbustes auparavant et ils passaient facilement l’hiver. Pourquoi le faire maintenant?

Que penser de cette autre théorie disant qu’emballer les arbustes, c’est pour les protéger des jets de la souffleuse? Voyons! Jamais un bon jardinier paresseux ne planterait des haies ou des arbustes là où la souffleuse peut les atteindre et les briser! Surtout quand il existe une multitude de végétaux qui ont le bon sens de mourir jusqu’au sol chaque hiver et qui ne sont donc pas le moindrement dérangés par la souffleuse.

Un jardin sous la neige sans protection hivernale
Un jardin c’est beaucoup plus joli sans monies. Photo: hippopx.com.

Les «égyptivités» chez le Jardinier paresseux

Si vous êtes comme moi, vous aimez profiter de la vie (une définition positive de la paresse). C’est déjà assez de courir à gauche et à droite pour préparer les Fêtes à l’intérieur de la maison, il n’est pas question, en plus, de me mettre à quatre pattes pour habiller les arbustes à l’extérieur avec des clôtures à neige orange fluo. Ce n’est pas vraiment que je manque d’enthousiasme pour le Festival de l’Égypte ancienne, mais j’aime l’allure des conifères l’hiver : la façon dont la neige s’accumule sur leurs branches, les faisant ployer joliment, et le contraste entre les aiguilles vertes et la neige. J’aime l’effet hivernal des branches dénudées des arbustes et arbres à feuilles caduques. Certains ont des formes fascinantes, une écorce colorée ou des fruits décoratifs. Pourquoi les cacher?

J’admets que certains arbustes ou conifères non emballés pourraient plier sous le poids de la neige, mais est-ce une excuse pour les cacher de la vue? Si j’avais plus d’énergie, je les entortillerais légèrement et discrètement de fil, insérant même un tuteur, lui aussi de couleur discrète, à l’arrière-plan comme support supplémentaire au besoin, et ainsi je profiterais de leur beauté l’hiver plutôt que d’avoir à regarder une momie pendant six mois… mais je ne trouve pas l’énergie pour le faire. Je n’attache rien, n’emballe rien, ne protège rien.

C’est curieux, mais, au printemps, à la fonte des neiges, même mes arbustes les plus écrasés se relèvent et se remettent debout, comme ils le font dans la nature d’ailleurs. Mes plantes ne souffrent pas plus des dommages hivernaux que celles de mes voisins qui participent activement aux «égyptivités». N’est-ce pas que la nature est merveilleuse!

Alors, si vous êtes un jardinier paresseux, n’emballez rien l’hiver… à part les cadeaux de Noël!

Étiquettes + Festival de l’Égypte ancienne, momie


commentaire sur "Fêter l’hiver sans trop d’efforts"

  1. Tellement logique , se donner tout ce mal pour enlaidir le paysage.

  2. Quand il est écrit sur l’étiquette de mon épinette naine de l’Alberta “Requiert une protection hivernale”, qu’est-ce que ça veut dire?

  3. Denise B. Québec, Qc

    Chez moi, pas le choix. Les souffleuses de rue s’amusent à “garocher” toute la neige avec le gravier qu’elle contient sur notre terrain en façade. J’ai donc pris l’habitude d’habiller “légèrement” un cerisier sauvage et même installé un abri d’auto en bordure du trottoir afin de ne pas récolter tout que les charrues et souffleuses pouvaient nous laisser… La fonte de ces montagnes de saleté pouvait durer jusque tard au printemps et nous en avions des heures pour nettoyer tout ça. Il en est de même pour mes vieux gigantesques weigelas, mes majestueux Spirée VanHoutten et potentille cascade protégés par des palettes de bois récupérées. Et mes noisetiers français eux ont une palissade érigée devant, mais ça c’est à revoir car ils restent chétifs malgré les années, en plus les seules noisettes qui poussent font le délice des écureuils. Donc, vraiment pas paresseux comme technique de protection contre les jets puissants de la déneigeuse. Nous avons cessé d’entourer nos cèdres, régal hivernal des chevreuils, de clôture orange, mon conjoint a coupé les branches du bas. Moins beau mais efficace… et ça permet plus d’ensoleillement pour mes potagers. Les autres arbustes du terrain sont uniquement attachés afin d’éviter les cassures de branches mais pas tout quand même. Oh!

  4. Valérie Vaillancourt

    C’est probablement que la zone de rusticité
    de votre abre nain et celle de votre région ne sont pas les mêmes… Une bonne épaisseur de paillis à sa base (5 à 10 cm) seront suffisant pour protéger les racines du gel. Vous pouvez même profiter de l’abondance de feuilles mortes pour ce faire. Une bonne accumulation de neige fait aussi office d’isolant. J’espère que ça répond bien à vos interrogations.

  5. Je suis vraiment une jardinière paresseuse ?? ! Je laisse la nature faire et que de beaux paysages pour les photos. Quand les branches de certains de mes conifères sont trop chargées, je m’amuse à les secouer lorsque je vais jouer dehors avec ma chienne ! ???????

  6. J’adore l’article! Moi aussi, j’ai des voisins qui participent au Festival Egyptien!

  7. Sans doute que la crainte du bris des branches (suite au fameux verglas de 1998) ainsi que le nombre croissants d’années où il y a plus de glace que de neige, ont provoqué chez les gens un souci de protection additionnel, non ? Moi, j’ai attaché avec un foulard rouge le tuteur à mon pommetier Gladiator et rajouté une tuque blanche sur un des piquets. Joyeux… hiver !

  8. Je teste la momification à la japonaise cette année, c’est moins de travail. Cela dit, ce n’est nullement pour le froid ou le poids de la neige que je le fait; c’est plutôt la seule façon que j’ai trouvé pour éviter que les lièvres rassent certains arbustes en hiver! Et dire que j’habite en plein milieu de l’île de Montréal!

  9. Très intéressant comme toujours.
    Moi je propose une lisière de laine de différentes couleurs pour enrober nos arbustes. Bonne journée !

  10. Ah, merci de republier les articles de ce merveilleux Jardinier Paresseux! Tellement d’humour et de la sagesse à la fois.Il faudra republier encore et encore parce que ce festival est loin d’être terminé… 😉

  11. Je vous envie les Canadiens… Ici à Bruxelles nous n’avons plus de neige depuis belle lurette… Rendez-vous compte…

  12. Sur l’île de Montréal, ça ne serait pas plutôt des lapins à queue blanche? (Ces derniers, contrairement aux lièvres, restent bruns l’hiver au lieu de devenir blancs)…

  13. Que ça prend une couverture de NEIGE ! C’est la meilleure protection.

  14. Pour avoir vécu en Europe, je me suis souvent ennuyé de la belle neige blanche. La pluie et le brouillard me désolait. Une chance qu’il y avait les montagnes enneigées pour me faire sourire…! 😉

  15. Tellement agréable à lire!

  16. On comprend bien le principe. Mais essayez d’avoir un environnement avec des dizaines de cerfs affamés qui rôdent. Il ne restera rien. J’ai beau aimer la coupe parasol, j’aimerais bien avoir quelques fleurs de rhodos au printemps. Vivre dans un environnement surpeuplé de cerfs, c’est vivre avec des momies l’hiver. Ou n’avoir RIEN entre le sol et 2 metres. Vous me direz sans doute qu’un jardinier paresseux déménagerait et vous auriez presque raison. Mais je m’entête. J’aurai un jardin de plantes toxiques, odoriférantes, piquantes et velues. Et quelques rhodos et autres fusains.

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