Des plantes si douces
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au fil de sa carrière, autant en français qu’en anglais. Son fils, Mathieu, a pour mission de rendre les écrits de son père disponibles au public. Ce texte a été originalement publié dans À fleur de pot, en septembre 1987.
Un feuillage doux et soyeux
On cultive des plantes pour bien des raisons : parce qu’on aime les voir, les sentir, les manger, etc. Mais combien d’entre-nous cultivons des plantes parce que l’on aime à les caresser? Pourtant, bien des plantes ont un feuillage doux et soyeux qui semble inviter justement aux caresses. Certaines sont d’ailleurs si douces qu’elles mériteraient d’être cultivées rien que pour les sensations tactiles qu’elles nous procurent lorsqu’on les flatte.
Ça fait des années que je m’émerveille des sensations tactiles des plantes et que je fais même visiter ma collection en disant?; « Allez-y, touchez à celle-là?! Vous verrez?! » Cependant, il est fort possible que j’aie négligé certaines plantes d’intérieur fort intéressantes au toucher. Le cas échéant, vous n’avez qu’à écrire dans la section Commentaires, au bas de l’article.

Précautions
Il faut cependant prendre certaines précautions avant d’aller se frotter contre n’importe quelle plante. Certaines — et surtout les succulentes, les cycadées et les broméliacées — ont des épines ou des aiguilles qui peuvent causer des surprises plutôt désagréables. D’autres encore ont l’air soyeuses, mais ce n’est que trompeuse apparence. La plante de velours ‘Purple Passion’ (Gynura aurantiaca ‘Purple Passion’), par exemple, porte des feuilles couvertes d’un fin duvet pourpre, mais ses rebords dentés enlèvent tout le plaisir que l’on pourrait avoir à le flatter. Enfin, certaines plantes pourtant très douces peuvent provoquer des réactions cutanées sévères chez certaines personnes. Si vous êtes susceptibles aux allergies, commencez par flatter la plante d’un ami avant d’amener l’espèce en question chez vous.
Les pélargoniums : odorat et toucher
Les pélargoniums (Pelargonium sp.) font partie de ces plantes qui, même si on aime à les toucher, peuvent provoquer des réactions parfois violentes. Ils demeurent cependant des sujets forts intéressants à toucher pour ceux qui peuvent les tolérer. Cependant, on les flatte surtout pour faire dégager leur parfum, pas pour le plaisir de les caresser, car leur épiderme est le plus souvent rude et parfois collant.

Il y a cependant un pélargonium qui est aussi agréable au toucher qu’à l’odorat. Il s’agit du pélargonium à senteur de pomme : P. odoratissimum. Ce n’est pas un des pélargoniums les plus répandus, malgré qu’il mériterait un tel honneur, car il a plusieurs caractéristiques des plus intéressantes. D’abord, c’est une plante retombante, un peu dans le genre du géranium-lierre et est donc tout à son aise dans un panier suspendu. De plus, c’est un des rares géraniums odorants qui fleurissent facilement dans la maison. Les petites fleurs blanches à nervures rose foncé sont très attrayantes et paraissent en été. Mieux encore, ses feuilles ondulées sont couvertes de poils doux et veloutés et les feuilles sont donc très douces au toucher.

Culture
Sa culture est très facile. Placez-le dans une fenêtre ensoleillée, l’arrosant seulement lorsque le sol est presque sec. Il préfère des températures un peu plus fraîches durant l’hiver et aime bien passer l’été dehors. Comme pour tous les pélargoniums, le taux d’échec lors du bouturage est un peu plus élevé que la normale, mais j’ai trouvé qu’on obtenait un succès presque assuré si on utilisait uniquement de la perlite comme médium de multiplication. On dit des plantes parfumées que leur senteur s’améliore lorsqu’on les engraisse peu. Dans ce cas, employez un engrais plutôt faible en azote. Enfin, il y a un autre pélargonium qui est agréable à toucher : il s’agit de P. tomentosum, un des pélargoniums à senteur de menthe.

Le Callisia gentlei var. elegans
Callisia gentlei var. elegans : voici une plante avec des feuilles absolument délicieuse à toucher et très facile à cultiver de surcroît, peut-être même trop facile?! En effet, comme son cousin le tradescantia, il pousse si rapidement qu’il faut le rabattre ou le bouturer continuellement pour pouvoir le garder dans un état présentable.
C’est cependant une plante des plus jolies : ces feuilles triangulaires et lisses sont striées d’argent sur le dessus et sont pourpres à l’envers. Ce qui est si fascinant chez cette plante duveteuse c’est qu’elle n’a pas l’air douce, car les petits poils qui recouvrent sa surface et qui la font si veloutée au toucher sont à peine visibles. Je le mettrais bon premier dans un concours de douceur. On le cultive exactement comme un tradescantia, lui donnant un éclairage de moyen à fort et l’arrosant lorsque son sol est légèrement sec. Il est censé produire de petites fleurs blanches, mais je n’en ai jamais vu sur les miennes.


Autres commélinacées à toucher
Il y a beaucoup d’autres plantes dans la famille du callisia (Commelinacées) qui ont un feuillage duveteux et qui sembleraient être de bons choix pour une collection de plantes « caressables », mais la plupart déçoivent un peu lorsque le moment est venu de les flatter… elles ne sont tout simplement pas aussi douces au toucher qu’elles ne le paraissaient.
Cependant, il y en a deux que je trouve exceptionnelles à cet égard et qui ont l’avantage d’avoir une croissance en forme de rosette plutôt que des tiges rampantes difficiles à contrôler. Il s’agit de Palisota barteri, une plante à grandes feuilles vertes couvertes d’un duvet très soyeux qui produit des fleurs peu exceptionnelles mais des baies oranges très décoratives et de longue durée, et de Siderasis fuscata, une très jolie plante aux feuilles olive rougeâtre striées argent et aux fleurs bleues qui s’ouvrent tour à tour pendant plusieurs semaines. Les deux se propagent sans problème par division et, de plus, Palisota barteri est facile à multiplier à partir de semis. Enfin, elles sont tout aussi faciles à cultiver que leur cousin le callisia.
Une orchidée à toucher?
Une orchidée à cultiver pour son feuillage séduisant?? Est-ce possible?? Bien sûr que oui?! Même si les orchidées ont la réputation d’avoir des fleurs magnifiques mais un feuillage à coucher dehors, il serait surprenant de ne pas trouver quelques exceptions dans cette grande famille.
Et l’orchidée bijou (Ludisia discolor) est effectivement toute une exception?! Sans doute une des plus jolies plantes d’intérieur à feuillage décoratif, elle est aussi parmi les plus douces au toucher. Les feuilles sont d’un vert si foncé qu’il paraît noir et elles sont striées d’un rouge brillant. L’effet est celui d’un velours d’une si grande qualité qu’on n’a pas besoin de se faire prier pour y toucher.
Étrangement, cette plante n’est pas populaire parmi les orchidophiles qui ne trouvent pas assez de défi dans sa culture. En effet, contrairement aux orchidées plus typiques, le ludisia croit même dans un terreau ordinaire, bien qu’un terreau composé d’une grande partie de mousse de sphaigne. De plus, ses épis de petites fleurs blanches peuvent décevoir comparativement aux orchidées à grandes fleurs et on vous dira peut-être même de les enlever pour stimuler la production de plus de feuilles décoratives. Personnellement, cependant, je les trouve très jolies et encourage leur épanouissement. Fait intéressant, alors qu’on nous dit qu’habituellement le bouturage ne se pratique pas chez les orchidées, cette plante produit des tiges rampantes qui s’enracinent aux nœuds et se prête donc à merveille à cette méthode de multiplication. Pour cette orchidée particulièrement facile, nul besoin de soins spéciaux si ce n’est que pour une bonne humidité et un éclairage modéré.

Des gesnériacées au feuillage duveteux
La famille des gesnériacées est surtout réputée pour ces belles plantes à fleurs mais plusieurs espèces offrent aussi des feuilles très duveteuses. Les feuilles de Sinningia hirsuta, par exemple, sont couvertes de poils blancs si longs qu’ils en sont son attrait principal. Ses grappes denses de fleurs blanches tachetées de violet méritent aussi des regards, mais sont réputées pour être difficiles à obtenir.

Une autre gesnériacée dont le feuillage est spectaculaire est Sinningia canescens. Cette plante produit des feuilles ovales couvertes d’un duvet blanc tellement dense que, dans le cas des nouvelles feuilles, on ne voit aucune trace de vert. Même ses fleurs rouges sont couvertes de poils… à tel point qu’elles nous paraissent roses. Cependant, comme les fleurs tardent à paraître (la plante doit normalement avoir au moins 3 ans), mieux vaut la considérer comme une plante à feuillage.

Sinningia speciosa est tout le contraire des deux précédentes, car ses fleurs violet foncé en forme de trompette sont produites en grande quantité dès la première année. Son feuillage — presque noir aux nervures ivoires ou argentées — ressemble à un riche velours et on pourrait difficilement s’empêcher de le flatter. Tous ces sinningias ont des tubercules et entrent en dormance après la floraison. On peut alors les laisser complètement au sec et sans lumière pendant quelques mois. En d’autres moments, ils exigent des arrosages réguliers, un bon éclairage et une forte humidité.
On peut s’amuser longtemps à caresser les différentes gesnériacées à feuillage poilu, avec des résultats très différents. Certaines, dont la violette africaine (Saintpaulia), ne sont pas aussi douces qu’elles en ont l’air alors que d’autres, dont Sinningia aggregata, produisent une sève collante désagréable. La plupart sont cependant très « flattables », notamment le Smithiantha, une plante aux feuilles rouges veloutées et aux fleurs spectaculaires.

Le doux touché des succulentes
Les plantes succulentes ont la réputation d’être épineuses mais certaines sont au contraire très douces au toucher. C’est notamment le cas de plusieurs plantes parmi les Crassulacées (Cotyledon, Echeveria, Kalanchoe, Sedum, etc.) ainsi que du genre Senecio. Ces plantes sont couvertes d’un duvet fin très attrayant. Lorsqu’il s’agit de cactées, cependant, il faut faire attention, car plusieurs possèdent des aiguillons cachés. C’est le cas du cactus vieux-bonhomme (Cephalocereus senilis) dont la laine blanche si invitante cache des aiguilles acérées.

Une autre plante à l’allure douce mais qu’il ne faut jamais toucher est Opuntia rufida. Ce cactus-raquette semble à première vue n’avoir pas d’aiguilles et sa surface se couvre plutôt de petites touffes de poils rouge brun d’apparence anodine. Malheureusement, ces « poils » sont en effet des glochides, soit des aiguilles de la pire sorte, car elles restent dans la peau lorsqu’on y touche. Les glochides d’opuntia sont d’ailleurs la source originale de la poudre à gratter?! On dit que la variété à glochides blanche (O. microdasys) est inoffensive mais personnellement je n’ai jamais osé vérifier ce fait?! Si jamais vous touchez à un opuntia par accident, sachez que le meilleur moyen d’enlever la source de l’irritation est avec un morceau de ruban adhésif (masking tape).

Les asperges dans la maison
Toutes les plantes mentionnées jusqu’à maintenant sont des plantes duveteuses et la sensation agréable que l’on ressent lorsqu’on les flatte vient justement des poils qui les recouvrent. Les plantes à feuilles luisantes peuvent aussi sembler invitantes à toucher, mais, la plupart du temps, elles déçoivent, car elles ne sont pas aussi lisses et douces qu’elles en ont l’air. On peut cependant trouver un tout autre type de sensation tactile agréable en passant ses doigts parmi un feuillage abondant. J’ai toujours trouvé les fougères très attirantes à cet égard. Malheureusement, leurs frondes fragiles s’abiment facilement et il vaut mieux y renoncer.
On peut leur substituer des asperges de maison (Asparagus) à condition de ne pas les caresser trop en profondeur, car les tiges principales cachent des aiguilles peu dangereuses mais néanmoins gênantes. Vous pouvez aussi passer vos doigts dans le feuillage de presque n’importe quelle plante à feuillage luxuriant et y trouver bien du plaisir sans causer toutefois des dégâts. Peut-être même que vous leur ferez du bien en enlevant des particules de poussière qui s’accumuleraient autrement sur leur feuillage.
Allez-y donc?! Flattez vos plantes d’intérieur?! Vous ne le regretterez pas?!
merci de continuer à nous faire partager l’œuvre de Larry.
Je me rends au Québec début décembre et tâcherai d’aller dans une librairie pour y trouver quelques unes de ses livres.
Une plante extérieure que j’aime caresser, l’Alchemille mollis, ses feuilles sont si douces que la rosée du matin ne les mouille pas et forme une goutte au creux des feuilles coniques. Les Grecs Anciens utilisaient cette « eau céleste » en alchimie d’où son nom.
Pour ma part, j’aime la texture duveteuse de la Corbeille d’Argent. On dirait de petits poils
Bonjour, où puis-je me procurer un Pelargonium odoratissimum
Il m’a toujours semblé que toucher une plante était un élément indispensable pour la connaître et la garder en mémoire tactile. Pour moi, c’est irrésistible! Toucher les feuilles d’une plante permet aussi de savoir si elle est bien hydratée. Pour avoir fait quelques expériences pénibles, j ‘ai toutefois renoncé à avoir chez moi des plantes munies de poils irritants appelés glochides. Je vais les admirer sous vitrine dans la magnifique serre Hacienda du Jardin botanique de Montréal. C’est plus sûr!
J’aime beaucoup cet article de Larry où l’on peut sentir sa connaissance approfondie et son amour immodéré pour les plantes. Il demeure tout aussi pertinent 35 ans après sa publication.
Quel plaisir j’ai chaque matin de vous lire avec mon premier café!
Merci pour cet article, encore un fois très intéressant. J’ignorais son nom, mais ma première plante (vers l’âge de 12 ans) était une Gynura aurantiaca ‘Purple Passion’. J’étais alors très fière d’en donner des boutures à tous les intéressés…
J’ai vu plusieurs livres de Harry en vente dans les magasins Canadian Tire.
Très bon cet article.
Merci beaucoup pour cet intéressant article!