Au pays des courges, comme au pays des Hommes, il ne faut jamais se fier aux apparences. Mes courges favorites sortent tout droit du musée des horreurs! Et pourtant… quelles merveilles! Amenez-en des verrues, des malformations et des teintes d’une pâleur cadavérique. Vive les courges étranges… et bonnes!
Blue Hubbard: la courge Frankenstein
Avouez qu’elle a les allures du monstre mythique avec ses extrémités étirées et sa chair bosselée, d’un vert-de-gris incertain. Elle est la favorite de plusieurs jardiniers, surtout en raison de sa très longue durée de conservation sur les tablettes. De toutes les courges conservées pour l’hiver, c’est la toute dernière à plonger dans les chaudrons. Sous ses allures de bête hideuse se cache une chaire orange vif au léger goût de muscade. Un ravissement pour le fin palais des experts dégustateurs de courges.
La légende veut que cette courge ait fait la traversée par bateau, entre les Indes occidentales et le Massachusetts, en 1854. Une certaine Miss Hubbard est impliquée dans l’aventure, mais son apport demeure flou.
C’est une courge énorme qui peut peser jusqu’à 18 kilos (40 livres), mais en général, au jardin, on s’en tient à la moitié de ce poids. On obtient des fruits matures après 110 jours de culture.
Turban Turc: la fausse greffée
Au premier coup d’œil, on est vite porté à croire que cette courge est en réalité deux courges différentes greffées ensemble en leur centre, comme le seraient les petits cactus greffés (Gymnocalycium spp.). Que nenni.
On l’appelle aussi le giraumon, le turban d’Aladin ou la citrouille iroquoise. On retrace les origines du Turban Turc aux Antilles, vers le début du 17e siècle. À partir de la transplantation au jardin, il faut attendre 95 jours avant de récolter. Cela en fait une bonne variété pour les climats plus nordiques. Sa chair orange est légèrement sucrée. Parce que sa chair est épaisse, c’est une courge que l’on peut évider pour y servir un potage. Il n’est pas rare de la trouver dans les grandes épiceries.
North Georgia Candy Roaster: une banane orange?
Je voulais au départ vous vanter les mérites de la courge ‘Pink Banana’, parce qu’une banane rose, on ne voit pas cela tous les jours! Par contre, mon dévolu s’est jeté sur une de ses proches cousines, la ‘Candy Roaster’ qui lui est semblable en tout point, si ce n’est la petite étoile verte qui termine le fruit.
Elle aussi, c’est une excellente courge de conservation. Dépendant de la source des semences, elle est parfois plus petite que la ‘Pink Banana’, d’autre fois, aussi grosse. Cette variété ancienne est cultivée par la nation Cherokee et on suppose qu’il s’agit d’une descendante de la courge ‘Pink Banana’. Comme l’indique son nom, c’est une bonne courge à faire griller au four.
Marina Di Chioggia: la boutonneuse
Certains la qualifieront de monstre ou de chose hideuse. Avec tous ses replis, on pourrait même dire que c’est le shar-pei des courges! Popularisée dans la ville italienne de Chioggia, au sud de Venise, à la fin du 17e siècle, cette variété ancienne est en vérité une curieuse variante du ‘Turban Turc’. Elle était alors appréciée comme légume d’hiver, puisqu’on peut la conserver assez facilement pendant 6 mois. D’une saveur plutôt sucrée, c’est une favorite pour farcir des raviolis. On peut même en faire des gnocchis!
Rouge vif d’Étampes: la fausse citrouille
On les voit souvent entassées dans les montagnes de citrouilles des marchés d’automne et pourtant on les reconnaît au premier coup d’œil. D’abord parce que c’est une courge de forme aplatie aux larges côtes et ensuite parce qu’elle est d’un beau orange foncé, presque écarlate, qui se démarque du orange citrouille. Elle sort du lot.
Elle fait plus précisément partie du groupe des potirons (Cucurbita maxima) que l’on reconnaît généralement par leur forme aplatie et leur pédoncule de forme cylindrique et d’apparence spongieuse.
C’est une variété ancienne, remontant au début des années 1800, originaire de la ville d’Étampes, non loin de Paris, en France. Vilmorin la citait comme la courge la plus populaire de tout Paris! Elle fut offerte pour la première fois en Amérique dans le catalogue Burpee en 1883.
Pour ma part, c’est une courge que j’apprécie pour la bonne saveur de sa chair. On en fait d’excellents potages. Facile à faire pousser, on récolte entre deux et quatre fruits après 105 jours de culture. C’est aussi une de mes courges qui se conserve le plus longtemps en chambre froide. Je peux parfois les cuisiner aussi tard qu’en mars. Et c’est une beauté!
Fait intéressant que je n’avais pas remarqué quand j’ai fait ma sélection, je découvre en même temps que vous que mes courges favorites sont toutes des courges d’hiver qui ont un très bon potentiel de conservation. C’est peut-être parce que je les vois sur une plus longue période de l’année qu’elles ont su se tatouer une place dans mon cœur. Dans mon cas, l’amour est aveugle! Je mentionnerai quand même rapidement deux autres courges que j’apprécie particulièrement: la ‘Delicata’ et les courges de type ‘Red Cury’. À vous de les découvrir! Toujours avide d’essayer de nouvelles choses, je serais bien curieuse de connaître vos courges préférées.
