Site icon Jardinier paresseux

La tenthrède de l’azalée, mon exception à la règle

Feuilles d'azalée mangée jusqu'à la nervure centrale.

La mouche à scie de l'azalée peut complètement défolier l'arbuste. Photo: Julie Boudreau, horticultrice

Par Julie Boudreau

Je partage avec le jardinier paresseux de nombreuses idéologies horticoles. L’une d’elles est de ne pas s’acharner sur les plantes qui poussent mal ou qui sont envahies par les insectes et les maladies. Si ça ne pousse pas bien, on s’en débarrasse et on plante autre chose. Cependant, comme tout bon jardinier passionné qui se respecte, il y a des plantes que j’adore et pour lesquelles je suis prête à TOUT! Même à accepter le pire! C’est le cas des rhododendrons (Rhododendron spp.).

Les rhododendrons forment un vaste groupe d’arbustes et, en horticulture, on les subdivise généralement en trois grands groupes: les rhododendrons à petites feuilles persistantes, les rhododendrons à larges feuilles persistantes, puis les rhododendrons à feuillage caduc, que l’on appelle communément les azalées.

Un nouvel ennemi

C’est dans ce dernier groupe d’azalées que sont apparues dans mon jardin près de Montréal, il y a quelques années, de petites larves vertes. Celles-ci dévorent les feuilles dans le temps de le dire, puis elles s’attaquent aux fleurs. En moins d’une semaine, un plant d’azalée peut se voir entièrement défolié. 

On peut ramasser les tenthrèdes à la main et les déposer dans un bol d’’eau savonneuse. Photo: Julie Boudreau, horticultrice

Cet insecte vorace, c’est la tenthrède de l’azalée aussi appelée la mouche à scie de l’azalée. 

Petite parenthèse, il existe deux espèces de tenthrèdes de l’azalée, Amauronematus azalea et Nematus lipovskyi, mais elles sont assez similaires et causent les mêmes dommages. Pour la forme, Amauronematus a le tour des orbites, la base des antennes, le cou et les pattes de couleur blanchâtre, alors que sa consœur est plus orangée. 

Dans les deux cas, l’adulte est un insecte volant au corps allongé, aux longues antennes dressées, aux pattes beiges et aux ailes plus longues que le corps. On le nomme mouche à scie, car son arrière-train est littéralement une petite égoïne, avec laquelle il façonne des incisions dans les plantes pour y déposer ses œufs.

Les espèces sont originaires de l’est de l’Amérique du Nord, tandis que l’on trouve Nematus lipovskyi comme introduction accidentelle dans le nord-ouest américain et en République tchèque.

Un insecte hâtif

Les adultes émergent du sol dès avril et les femelles commencent à pondre aussitôt. Elles déposent leurs œufs dans la nervure centrale des jeunes feuilles. Sept à dix jours plus tard, les minuscules larves se mettent à l’œuvre et commencent à dévorer les feuilles, laissant généralement intacte la nervure principale. Étant donné que les larves sont petites (souvent moins de 1 cm de long) et de la même couleur que le feuillage, elles sont difficiles à déceler et il est souvent trop tard pour agir quand on découvre leur présence.

Combattre avec le savon… et l’eau

Le début du ravage coïncide parfaitement avec le début de la floraison des rhododendrons hâtifs. L’éclosion de la première fleur sonne donc l’alerte. C’est alors que je remplis un bol d’eau savonneuse (environ 10 ml de savon doux dans 2 tasses d’eau; c’est une approximation, car j’y vais au pif) et que je pars au ramassage.

Larves de tenthrèdes dans un bol de savon insecticide. Photo: Julie Boudreau, horticultrice

Eh oui, petit côté écologique oblige, chez moi, il n’y a pas d’application d’insecticides. Même pas ceux approuvés en agriculture biologique. Je n’en ai pas besoin. Si une plante est infestée d’insectes, je lui montre la direction du bac brun, sans broncher. Mais pour mes rhododendrons chéris… ce n’est pas pareil! C’est donc à la main que j’attrape les larves pour les laisser tomber dans mon bol d’eau savonneuse. 

Lorsqu’elles se sentent menacées, les larves de tenthrèdes s’enroulent, sans lâcher leur bouchée, ce qui leur donne la forme d’un point d’interrogation. En 30 minutes, le temps de faire une tournée minutieuse de tous mes rhododendrons à feuillage caduc, je peux en récolter une centaine. Puis je repasse deux ou trois jours plus tard, car l’éclosion des œufs s’étale sur 2 ou 3 semaines. 

Les larves bien gavées qui auront échappé à mon œil de lynx se laisseront tomber au sol pour se métamorphoser en pupe. C’est ainsi qu’elles passeront l’hiver. Par chance, il n’y a qu’une génération par année.

Un effort bien mérité

Quand la première fleur commence à s’épanouir, il est temps de surveiller les azalées. On voit justement une tenthrède qui commence à consommer une fleur. Photo: Julie Boudreau, horticultrice

Cette rigoureuse cueillette est bien essentielle afin de préserver un maximum de feuillage. J’ai vu des arbustes complètement défoliés en quelques semaines. Et pour les rhododendrons et les azalées, disons que le feuillage ne repousse pas aussi rapidement que chez d’autres arbustes, comme le saule ou le physocarpe. Chez l’azalée, chaque feuille compte. L’effort en vaut donc la chandelle et la floraison n’en est que plus spectaculaire. 

Le printemps est ma saison préférée, et mon printemps ne serait rien sans ma vingtaine de rhododendrons remplis de fleurs… et de feuilles!

Quitter la version mobile