Une mère de milliers pour la fête des Mères!
La mère de milliers, avec ses innombrables «bébés» qui poussent à la marge de ses feuilles, pourrait constituer un cadeau de fête des Mères fort original!
Par Larry Hodgson
Voici une suggestion de cadeau de fête des Mères: pourquoi ne pas offrir à votre mère bien-aimée une plante qui symbolise la maternité; la mère de milliers? Cette plante succulente est réputée pour les nombreuses plantules ou propagules qu’elle porte tout le long de ses feuilles. C’est dans son Madagascar natal qu’on la reconnaît surtout comme symbole de la maternité. Mais pourquoi pas dans le monde entier?
Produire des plantules à partir d’une feuille — une forme de viviparité végétale — est un moyen de reproduction très étrange, partagé avec très peu d’autres plantes. La plupart des végétaux se multiplient principalement grâce aux graines produites par leurs fleurs après un transfert de gènes (la pollinisation). Mais la mère de milliers n’a pas besoin d’attendre la floraison ni d’échanger des gènes. Même toute jeune, à peine enracinée et produisant ses premières feuilles, cette plante ultraféconde porte déjà de minuscules plantules, toutes identiques à la plante mère.
Qu’est-ce qu’une mère de milliers?
Il y a plusieurs plantes qui partagent le nom de mère des milliers. Toutes sont des kalanchoés (Kalanchoe spp.), bien que jusqu’à récemment certains botanistes les classaient dans leur propre genre: Bryophyllum. Ce nom vient du grec bryon (pousser) et phyllon (feuille) et veut dire «qui pousse à partir d’une feuille». On les appelle aussi kalanchoés vivipares.
La principale espèce de mère de milliers, qu’on pourrait alors appeler mère des milliers commune, est le Kalanchoe daigremontiana, aussi appelé kalanchoé de Daigremont. Ce sont les botanistes français Raymond-Hamet et Perrier de la Bâthie qui l’ont nommé en 1914, dédiant la nouvelle plante à ses découvreurs, M. et Mme Daigremont, un couple de collectionneurs français de plantes succulentes, membres de la Société botanique de France.
Cette espèce produit de longues feuilles épaisses plutôt triangulaires, brillantes et gris-vert sur le dessus, mates et rayées de violet en dessous. Des dizaines de minuscules plantules — mais pas des milliers, le nom commun exagère peut-être un peu! — s’accrochent aux petites dents en bordure des feuilles.
Les plantules tombent au moindre contact et s’enracinent dans les pots voisins. Ainsi, le propriétaire de cette plante en a toujours des dizaines à offrir aux visiteurs.
La floraison est très rare, même à l’état sauvage. Après tout, la mère de milliers n’a pas vraiment besoin de graines pour assurer sa survie. Pas quand elle produit toutes ces plantules qui poussent beaucoup plus rapidement et efficacement qu’une graine. Ainsi, elle semble avoir mis le concept de la floraison en veilleuse. Cependant, après plusieurs années de culture en plein air sous un climat chaud, sec et ensoleillé, elle pourrait bien daigner fleurir, avec des fleurs rouge saumon tubulaires retombantes portées sur une grappe terminale en forme de parapluie.
La mère des milliers commune peut atteindre une très bonne hauteur, jusqu’à 2 mètres, bien que généralement elle atteigne beaucoup moins (50 cm à 1,5 m). De plus, il lui faudra probablement un tuteur pour arriver à sa hauteur maximale à l’intérieur. Elle produit ses propres tuteurs sous la forme de racines aériennes robustes. Elles s’inclinent vers le bas à partir de la tige principale et peuvent aider à la maintenir debout en servant d’échasses. Par contre, dans la nature, très souvent la plante plie jusqu’au sol et y prend racine, se marcottant. Ainsi, une nouvelle plante apparait à chaque nœud qui touche à terre.
Dans la maison, il est généralement plus logique de remplacer une grande mère des milliers encombrante, qui a sans doute perdu ses feuilles inférieures et paraît maintenant très frêle, par un jeune spécimen plus dense et attrayant.
Les autres mères
Il existe cependant d’autres espèces de mère de milliers.
La mère des milliers de Delagoa ou kalanchoé de Delagoa (K. delagoensis, syn. K. tubiflora) est de couleur similaire à K. daigremontiana, mais les feuilles épaisses sont pliées en forme de canoë. Le résultat est qu’il n’y a qu’une surface étroite où l’épiderme supérieur de la feuille, vert, est visible. Au lieu de cela, le dessous de la feuille avec ses marbrures violettes, replié vers le haut, a tendance à dominer son apparence. Elle est moins prolifique dans sa production de propagules que K. daigremontiana. Seulement 2 à 9 «?bébés?» par feuille, portés vers son extrémité. Peut-être pourrions-nous l’appeler «mère de dizaines»?
L’hybride entre les deux, la mère de milliers hybride (K. × houghtonii), ressemble à un K. daigremontiana à feuilles particulièrement étroites, portant des bébés tout le long du bord de la feuille et pas seulement à l’extrémité comme K. delagoensis.
Ces trois espèces sont cultivées à travers le monde et souvent confondues entre elles.
Ma mère des milliers préférée, cependant, se vend sous le nom de kalanchoé bleu-vert ou kalanchoé Big Momma (K. laetivirens). Certaines sources suggèrent qu’il s’agit d’un hybride entre K. daigremontiana et K. laxiflora. C’est une plante plus courte et plus robuste avec des feuilles nettement plus larges que celles de K. daigremontiana. Aussi, le kalanchoé bleu-vert offre justement une jolie coloration bleu-vert sur le dessus et sur le dessous. Et aucun signe de marques violettes.
C’est aussi une plante qui fleurit plus facilement, produisant un joli dôme de clochettes suspendues rose saumon, bien qu’elle puisse prendre quelques années avant d’y parvenir.
Le kalanchoé bleu-vert peut atteindre 60 à 90 cm de hauteur. Il porte ses bébés — bleu-vert aussi — tout autour de ses feuilles.
J’ai légèrement menti dans la description précédente en prétendant que le kalanchoé bleu-vert était mon préféré. Il est plutôt mon kalanchoé préféré parmi ceux que je cultive. Mais la variété que je rêve de cultiver est la mère des milliers rose (K. × houghtonii ‘Pink Butterflies’).
C’est une plante plus fragile et certainement beaucoup plus chère. Ses plantules sont albinos, donc dépourvus de chlorophylle, et sont rose vif. Cependant, comme elles manquent de chlorophylle et ne peuvent donc pas effectuer la photosynthèse, elles ne survivent pas longtemps. Il vous faut multiplier cette variété par boutures de tige. Il paraît que parfois un bébé peut avoir un peu de tissu vert et arrive donc à survivre. Mais ça, ce n’est peut-être qu’une rumeur. C’est parce que la mère de milliers rose est difficile à multiplier que son prix est si élevé.
D’autres kalanchoés vivipares
Il existe quelque 125 espèces de kalanchoé (Kalanchoe spp.) et plusieurs autres sont vivipares et produisent au moins occasionnellement des plantules à partir de leurs feuilles. Cependant, les autres espèces n’en produisent pas assez assidument ni en assez grand nombre pour mériter le nom de mères de milliers.
Une de ces espèces, le kalanchoé penné (K. pinnata), est très populaire comme plante médicinale dans les pays chauds où elle s’est accumulée un grand nombre de noms différents. Herbe à tortue, chou de faffe ou soudefaf à La Réunion et à l’Île Maurice, zèb maltèt (herbe mal tête) ou chans (chance) dans les Antilles, etc. Ce kalanchoé est devenu une mauvaise herbe très tenace dans beaucoup de pays tropicaux.
Le kalanchoé penné diffère des Kalanchoe précédents par ses feuilles crénelées vertes qui sont d’abord entières, puis qui deviennent pennées, soit divisées en 3, 5, 7 ou même 9 folioles.
Aussi, il ne produit pas de propagules spontanément, comme les mères de milliers, mais surtout quand il est stressé. Notamment, quand une feuille ou une partie de feuille est arrachée et tombe au sol.
Dans les années 1950, il a connu quelques moments de gloire en tant que «feuille vivante». On vendait alors des feuilles par correspondance avec la recommandation de les épingler sur un rideau. Cela provoquait la formation de bébés plantes, ce qui a bien mystifié le public un certain temps.
Comment cultiver une mère de milliers
Si vous avez l’habitude de cultiver des plantes succulentes (des plantes de climats arides qui emmagasinent de l’eau dans leurs tissus), vous trouverez cette plante simple comme bonjour. Si facile, en effet, que j’ai souvent donné des bébés du kalanchoé bleu-vert lors des conférences que j’offrais. Du moins à l’époque où c’était une plante rare. (Ce n’est plus le cas et je suis peut-être une des raisons de sa popularité accrue!) Je l’avais baptisé «plante de l’amitié» et je voulais que les gens se l’échangent entre eux, gratuitement. Mais en seulement quelques années, une pépinière avait déjoué mon complot socialiste et avait commercialisé la plante.
Tout ce que les gens à qui j’avais donné une plantule avaient à faire était de ramener leur plantule à la maison, puis de la déposer sur un pot de terreau. Il n’était même pas nécessaire de la planter: ses racines sont capables de trouver d’elles-mêmes leur chemin vers le terreau. En fait, vous n’avez même pas besoin d’arroser le bébé non plus, du moins, pas au début. Il se cache un peu d’humidité même dans un terreau d’apparence sèche, fraîchement sorti du sac, et les propagules sont programmées pour la trouver! Pour prévenir la pourriture, je recommande d’attendre justement que la plantule se soit enracinée et ait commencé à pousser avant de commencer à l’arroser.
Anecdote: un kalanchoé endormi dans un sac à main
J’ai reçu ce courrier électronique il y a quelques années.
Cher Monsieur Hodgson,
Lors de votre conférence en septembre dernier, j’ai pris un de vos bébés kalanchoé bleu-vert. Je l’ai enveloppé dans un kleenex avant de le déposer dans mon sac à main pour le retour à la maison. Puis j’ai complètement oublié sa présence. À ma grande horreur, je l’ai découvert 7 mois plus tard en faisant le ménage de mon sac à main. J’ai rapidement empoté le pauvre et croyez-le ou pas, il a repris vie et pousse maintenant très bien! Quelle plante résistante! Imaginez: 7 mois dans le noir sans une goutte d’eau et elle est toujours vivante!
Merci de ce cadeau!
Andréanne
Facile… pour les succulentophiles
Les personnes qui échouent avec cette plante n’ont généralement pas encore compris que les plantes succulentes ont besoin de beaucoup de soleil et de très peu d’eau.
Donnez à la mère de milliers l’éclairage le plus intense possible, même le plein soleil. (Elle pousse quand même très bien sous un éclairage artificiel.)
En cas de faible luminosité, les petites plantes s’étiolent (s’étirent en cherchant la lumière). Les jardiniers novices prennent parfois cette croissance pour un bon signe, mais en fait, la plante crie à l’aide. Si vous n’améliorez pas les conditions, elle finira par mourir. Alors, donnez-lui beaucoup de lumière.
Et n’arrosez que lorsque le terreau est complètement sec. En cas de doute, il vaut mieux ne pas arroser. Cette plante préférerait rester sans eau pendant un mois plutôt que de recevoir de l’eau avant que ses racines n’aient eu le temps de s’assécher! Ainsi, vous devrez peut-être arroser toutes les semaines ou deux en été, toutes les trois ou quatre en hiver. Sous un éclairage artificiel, où la croissance est égale toute l’année, un arrosage toutes les semaines ou deux peut s’appliquer.
N’exposez pas cette plante tropicale au froid. Même 7°C peut l’affaiblir, voire la tuer si elle y est maintenue trop longtemps. Et le gel, bien sûr, entraînera une mort rapide. Alors, gardez votre mère des milliers au chaud en tout temps. Elle tolère très bien le soleil chaud et même brûlant: la canicule n’est tout simplement pas un problème avec cette plante.
Ne vous inquiétez nullement de l’humidité atmosphérique. Comme la plupart des succulentes, la mère de milliers a évolué dans un milieu où l’air est sec. Ainsi, cette condition, tellement courante dans nos maisons pendant l’hiver, ne l’incommodera nullement. Elle n’est pas non plus gênée par l’air humide, du moins dans les limites normales. Cette plante n’est quand même pas un bon sujet pour un endroit où l’air est extrêmement humide, comme dans un terrarium.
La mère de milliers s’adapte aussi bien à presque tous les types de terreau, à condition qu’ils se drainent bien. Et elle a besoin de très peu d’engrais. Utilisez l’engrais de votre choix (peu lui importe qu’il s’agisse d’un engrais pour succulentes ou d’un engrais pour pelouse!) à pas plus qu’un quart de la dose recommandée, et ce, uniquement au printemps et en été.
Les inconvénients de la mère des milliers
Jusqu’ici, la plante semble sans défaut, n’est-ce pas? Voici cependant deux facteurs à prendre en considération.
C’est une plante toxique pour les humains et les animaux de compagnie. Vous pouvez la toucher, bien sûr, mais il ne faut pas la manger. Non pas que cela serait fatal pour vous ou un animal de compagnie, mais cela pourrait rendre l’un ou l’autre malade. Il y a des cas de morts chez le bétail, mais après de longs mois de consommation. Gardez-la simplement hors de portée des jeunes enfants et des animaux domestiques.
La mère de milliers peut devenir une mauvaise herbe à l’intérieur et sauter dans les pots de vos autres plantes. Cette plante est allélopathique: toxique pour les autres végétaux. En d’autres termes, la mère de milliers empoisonne le sol et affaiblit ainsi ses voisines. De cette façon, elle élimine ses concurrents pour mieux prendre leur place! Cela prend des mois, voire des années, mais quand même! Pour cette raison, mieux vaut éloigner la mère de milliers de vos autres plantes. Et retirer tous les bébés que vous découvrez dans d’autres pots.
Elle est encore plus susceptible de devenir une mauvaise herbe en plein air dans un climat tropical assez aride et, en effet, elle s’est échappée de la culture dans de nombreuses régions comme la Floride, Hawaï, le sud de l’Europe et l’Argentine. Dans les régions où il n’y a pas de gel pour tuer les plantules évadées, il est préférable de garder cette plante à l’intérieur. Bien sûr, vous pouvez toutefois l’utiliser en plein air dans les climats tempérés comme décoration estivale: il y a zéro risque de survie dans ces régions.
Une activité pour la fête des Mères
Voici une belle activité pour la fête des Mères. Allez chercher maman et emmenez-la à la jardinerie locale où vous pourrez passer un agréable moment ensemble en magasinant des plantes et en cherchant son cadeau: une plante mère de milliers.
Et quand vous l’aurez trouvée et que maman et la plante seront sagement installées chez elle, gardez un bébé pour vous. Bientôt, vous aurez une petite ferme de mères de milliers sur votre rebord de fenêtre et vous pourrez commencer à partager les bébés avec vos amis!
Icônes: nezezon et vectorstank, depositphotos
Merci, cher Jardinier, pour cette délicate attention.
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Bonjour, On m’en a offert une il y a presque 3 ans, elle est incroyablement productive et j’ai donné des tas de pousses et cette année grande surprise et grande tige remplie de fleurs d’abord orangées et en s’ouvrant elles deviennent un peu roses mais elles sont d’une délicatesse incroyable. Si fines que j’ai décidé de conserver plusieurs pousses pour moi tant de beauté mérite d’être multipliée.
Bonjour, avez-vous oublié de parler de la poule et ses poussins? Est-ce qu’elle fait partie de la même famille? J’en ai planté il y a quelques années dans mon parterre et récemment j’en ai empoté une avec quelques petits à l’intérieur avec d’autres succulents et j’ai été surprise de voir qu’elle est devenue rose pâle – l’originale est bourgogne! Est-ce un bon ou mauvais signe?
La poule est ses poussins, c’est plutôt la joubarbe ou, en latin, Sempervivum. Elle produit des bébés sur les stolons rampants (petites tiges), par à partir de la feuille.
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J’aime bien votre idée de complot socialiste et d’encourager un mouvement de don de cette plante si féconde. Et quelle plante intéressante! Le kalanchoé rose est en effet très tentant. Merci pour ce billet approprié et amusant pour la fête des mères.
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Comme c’est joli 😉 merci de partager de si belles images de toutes ces mères <3
… et je suis bien heureuses d'être humaines 😉 je ne me serais pas vue avec autant d'enfants <3 c'est affreux, pardon
Merci pour ce bel article qui m’a fait découvrir cette plante incroyable! 🙂
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Merci tellement pour ce billet. Il m’a bien fait rire. J’ai une amie qui n’est pas capable de se départir de ses bébés plantes, je lui ai partagé votre article pour la taquiner un peu en lui disant qu’on ne l’a trouverait plus dans sa maison si elle recevait cette plante en cadeau! Pour ma part, j’ai découvert Marketplace et je donne des plantes . Ça fait des heureuses! ?
Bonne journée ??
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WOW, elles sont tellement belles ?Merci pour tout.
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Quel bel article! Encore une fois merci M. Hodgson de nous faire découvrir cette magnifique plante, en espérant en trouver une à ma jardinerie.
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Une beauté, tout simplement. Depuis le début de la pandémie on dirait que l’agriculture est devenue tellement populaire. Étant donné cette popularité, les plantes se vendent à un prix très élevé dans nos jardineries. J’ai hâte de trouver mère de milliers. Merci pour vos bons conseils. J’ai hâte de vous lire tous les matins
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En 1993, une collègue s’est débarrassée de son kalankoe rapporté de la Réunion en m’en faisant cadeau. Le pied original a atteint environ deux mètres de hauteur, il a fleuri, a dépéri et a disparu. Mais évidemment il a laissé une nombreuse descendance toujours vivace. Il y en a un peu partout dans la maison, faisant bon ménage et concours d’expansion en particulier avec les chlorophytums.
Les deux plus beaux exemplaires sont en pleine floraison depuis maintenant plusieurs semaines, ont un beau feuillage brillant et se portent très bien depuis que je les fais bénéficier du programme d’arrosage préconisé par notre maître jardinier préféré, alors qu’auparavant, je ne les arrosais quasiment jamais.
Heureusement qu’à l’extérieur ils ne résistent pas au gel…
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Bonsoir,
Merci pour cet article et pour les photos. Je ne connaissais pas la Pink : elle est super jolie.
Si quelqu’un veut des propagules de Kalanchoe daigremontiana en don, n’hésitez pas à me demander 🙂
Cordialement.
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