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La première mauvaise herbe à fleurir au printemps

Par Larry Hodgson

Je sais que vous attendiez ça avec impatience: la floraison de la première mauvaise herbe du printemps!

Oui, la toute première indésirable à fleurir dans de nombreux jardins et, en fait, dans à peu près n’importe quel environnement, car la plante n’est certainement pas limitée aux zones cultivées, est le tussilage (Tussilago farfara), originaire d’Europe et d’Asie occidentale, mais maintenant bien établi comme une mauvaise herbe nuisible dans de nombreuses régions du monde.

Beaucoup de gens, même peut-être la plupart, le confondent avec un pissenlit. Et en effet, les inflorescences jaunes ressemblent certainement beaucoup à des fleurs de pissenlit, mais il y a une énorme différence. Où sont les feuilles? Les pissenlits (Taraxacum officinale) produisent d’abord une rosette de feuilles dentées, puis les grappes de fleurs surgissent du centre de la rosette. Le tussilage semble sans feuilles quand il fleurit. Les grandes feuilles larges, ne ressemblant nullement aux feuilles du pissenlit, apparaissent plus tardivement.

Les Romains l’appelaient Filius ante patrem (fils avant le père) pour cette curieuse habitude de fleurir bien avant la feuillaison.

Les petites écailles qui recouvrent la tige florale sont en fait des feuilles. Photo: kostyuchenko, depositphotos

Par contre, la plante fleurie n’est pas tout à fait libre de feuilles. Les petites écailles qui recouvrent les tiges des fleurs sont en fait de minuscules feuilles. Ainsi, lorsqu’il fleurit, le tussilage n’est pas aussi dépourvu de feuilles qu’il n’y paraît. 

La tête florale se munit d’aigrettes après la floraison, comme celle d’un pissenlit. Photo: Cbaile19, Wikimedia Commons

Ce ne sont pas seulement les fleurs jaune vif qui ressemblent à des fleurs de pissenlit. Après avoir fini de fleurir, la tête florale porte également des akènes munis d’aigrettes plumeuses blanches comme celles d’un pissenlit. Ajoutez à cela le fait que les deux plantes appartiennent à la même famille, les Astéracées, et vous avez certainement un potentiel de confusion.

Deux plantes différentes?

Tête florale de tussilage couverte d'aigrettes.
Feuillage du tussilage en forme de pas d’âne. Photo: Wikimedia Commons

Les mêmes gens qui prennent les fleurs pour celles d’un pissenlit sont généralement confondus quand le feuillage sort un mois ou plus plus tard: ils pensent que les feuilles, plus ou moins en forme de cœur, relèvent d’une autre plante et ne font pas d’association avec la plante à fleurs jaunes du printemps.

Pétasite hybride en fleurs et montrant aussi ses premières feuilles.
Le pétasite hybride (Petites hybridus) peut rappeler le tussilage par ses feuilles en forme de coeur et sa tendance à envahir, mais ses feuilles ne sont pas dentées et ses fleurs sont très différentes. Photo: Wikimedia Commons

À cette étape, il est facile de confondre le tussilage avec le pétasite hybride (Petasites hybridus), une autre plante envahissante courante, du moins en Europe (on le trouve rarement en Amérique du Nord), car leurs feuilles sont similaires. D’ailleurs, pendant longtemps, même les taxonomistes étaient confondus, car le pétasite hybride porta autrefois le nom Tussilago hybrida. Autrement dit, ils avaient pris le pétasite pour un hybride du tussilage. Aujourd’hui, on sait qu’ils ne sont que de très lointains cousins et qu’aucune hybridation n’a eu lieu. Cependant, le premier nom botanique publié est toujours conservé, donc P. hybridus sera éternellement une preuve de cette erreur lointaine.

L’envers de la feuille du tussilage
L’envers de la feuille du tussilage est couvert de feutre blanc. Il y a un peu de feutre sur le dessus de la feuille aussi, surtout au début de la saison. Photo: Stefan.lefnaer, Wikimedia Commons

Les feuilles rappellent un sabot par leur forme, d’où le nom commun «pas-d’âne». On peut les reconnaître non seulement par leur forme, mais aussi par leur endos couvert de feutre blanc.

Une plante qui se déplace!

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Illustration botanique du tussilage.

Le tussilage est d’origine eurasiatique, mais a été introduit en Amérique du Nord et ailleurs en tant que plante médicinale. Il a depuis longtemps pris la clé des champs et est désormais une mauvaise herbe très répandue, notamment dans les sols glaiseux et humides. En Amérique du Nord, il est surtout répandu dans le nord-est du continent et on le trouve seulement sporadiquement dans les Prairies et la côte ouest.

Plante pionnière, il apparaît souvent dans les sols perturbés, notamment sur les terres de remblai. Avec ses feuilles denses et larges, il étouffe les plantes indigènes et peut arriver à dominer le paysage. Cependant, il aime le soleil et disparaîtra peu à peu quand des arbres et arbustes s’installeront et créeront plus d’ombre.


Une plante médicinale

Tisane de tussilage dans une tasse transparente sur une table couverte de fleurs de tussilage.
Le tussilage est souvent utilisé dans les traitements médicinaux. Ici, comme tiasane pour traiter la toux. Photo: Tinieder, depositphotos

Le tussilage a une longue histoire d’utilisation médicinale, notamment comme antitussif. D’ailleurs, le nom Tussilago (et donc aussi tussilage) vient du latin tussis (toux) et agere (chasser), car il «chasse la toux».

Encore de nos jours, cette plante est très prisée en herboristerie, où l’on utilise les feuilles et les fleurs fraîches et séchées comme antitussives, adoucissantes, anti-inflammatoires et astringentes. Les fleurs et les jeunes feuilles sont comestibles aussi et peuvent servir de légumes.

Toutefois, les feuilles et surtout les fleurs contiennent des alcaloïdes toxiques pour le foie. Ainsi l’utilisation du tussilage n’est pas recommandée pour les personnes ayant des problèmes de foie ni pour les femmes enceintes ou celles qui allaitent.

Comment le contrôler

Tapis de tussilage.
Le tussilage est l’une des mauvaises herbes les plus difficiles à contrôler. Photo: Szabi237, Wikimedia Commons

Le tussilage arrive dans les jardins soit par un sol rapporté contaminé de rhizomes ou par la voie des airs grâce aux aigrettes chargées de graines qui partent au vent pour atterrir sur de nouveaux terrains.

Une fois établi, le tussilage s’étend rapidement par rhizomes souterrains. Comme ces rhizomes peuvent descendre jusqu’à 3 m de profondeur, vous comprendrez qu’utiliser le sarclage pour l’éliminer est une perte de temps. De plus, sarcler sectionne les rhizomes et tout morceau qui reste dans le sol donnera un nouveau plant. Ainsi, très souvent, plus vous sarclez, plus le tussilage s’étend.

Illustration montrant comment étouffer le tussilage avec une toile noire.
On peut couvrir le sol d’une bâche noire ou d’un morceau de tapis pour couper toute lumière au tussilage et ainsi l’éliminer.

Vous aurez plus de succès à couper, encore et encore, toute feuille qui apparaît, ce qui aura comme effet d’épuiser peu à peu le rhizome. Ou à couvrir le sol d’une bâche noire ou d’un vieux tapis avant la sortie des feuilles et à laisser cette couverture opaque en place pendant au moins un an (deux ans peuvent être nécessaires si le tussilage est bien établi). Les deux méthodes empêchent le tussilage de faire de la photosynthèse et alors les rhizomes finissent par s’épuiser et mourir.

Les gens moins respectueux de l’environnement l’éliminent en vaporisant un herbicide comme le glyphosate sur les jeunes feuilles.


Le tussilage est-il donc une belle fleur à chérir, une plante médicinale à utiliser ou une mauvaise herbe à éliminer? Il est tous les trois, évidemment: tout dépend de votre attitude, de vos besoins et de vos attentes.

Billet adapté d’un article paru dans ce blogue le 23 avril, 2017.

Étiquettes + Tussilage, Tussilago farfara, Pissenlit, Taraxacum officinale, Petasites hybridus, pas d'âne


commentaire sur "La première mauvaise herbe à fleurir au printemps"

  1. On peux utiliser les cendres de cette plante pour remplacer le sel de table

  2. Curieux comme les plantes, selon le milieu où elle croissent peuvent se révéler invasives ou non ! Dans ma région, le tussilage est une plante rare, j’ai essayé d’en acclimater dans mon jardin, ça n’a jamais marché !
    Quant au pétasite, j’en ai un “carré” près de la rivière où il se tient sagement mais d’où je n’ai jamais pu l’éradiquer.
    Tant mieux d’ailleurs, car tous les hivers il nous offre ses petites fleurs insignifiantes, certes mais au doux parfum, appréciable quant rien d’autre ne pousse.

  3. Nos abeilles les aiment aussi avant la venu du pissenlit

  4. Le tusillage a aussi été utilisé depuis la préhistoire comme assaisonnement, séchés et brûlés on utilisait la cendre comme du sel, les amérindiens l’utilisaient aussi de cette façon

  5. Je ne sais pas si je suis trop à l’ouest, trop au nord ou simplement trop peu observatrice, mais je n’en au jamais vu chez moi, en Abitibi.

  6. Elles sont apparues dans mon coin, en Outaouais (Lac-SImon), lors de “l’aménagement” d’une érablière dans la forêt, et depuis elles se répandent le long de la route et dans la forêt mixte boréale, aux dépens des tiarelles, des arisènes petits-prêcheurs et autres belles indigènes du sous-bois.

  7. Côté phytothérapie, i.e. traitement de problèmes de santé à partir d’herbes, il n’est aucunement recommandé d’utiliser une herbe seule. Je dis bien « traitement » et non « guérison », car le principe de la phytothérapie est de nourrir, soutenir, amener le système à retrouver sa force et fonctionner naturellement, les herbages utilisés en phytothérapie étant eux aussi de la nourriture comme le sont les pommes ou les carottes. Donc, il faut toujours penser au fait qu’une herbe peut toujours avoir un effet pouvant être nuisible même si elle a un effet avantageux. De même, les pruneaux peuvent activer les intestins pour ceux qui ont des intestins lents, mais ils peuvent entraîner des selles de diarrhée pour ceux pour qui cette fonction est déjà active! J’utilise certains herbages depuis de nombreuses années d’une compagnie qui bénéficie de connaissances cumulées d’environ 150 ans! Et dans les formules touchant le système respiratoire, le tussilage s’y trouve, mais il y a avec lui d’autres herbages qui contrebalancent les effets pouvant être nuisibles, et parmi ces dernières, des herbages pour soutenir le foie, le rein et les intestins pour n’en citer que quelques unes. En phytothérapie sérieuse, le proverbe est: Aider sans nuire ! Et comme le dit un autre dicton: il n’y a pas de mauvaises herbes en fait, seulement des herbes aux mauvais endroits où dont on n’a pas trouvé, où perdu, l’utilité!

  8. @ Martine “Et comme le dit un autre dicton: il n’y a pas de mauvaises herbes en fait, seulement des herbes aux mauvais endroits où dont on n’a pas trouvé, où perdu, l’utilité !”
    C’est ma définition favorite des adventices.

  9. Bonjour Marcel! Comment on procède à en faire un sel? Le faire sécher, Ok, mais le faire brûler… comment je fais ça? Haha.
    Merci!

  10. On les enflame, on récupère la cendre, et c’est la cendre qu’on saupoudre comme du sel.
    Et ça marche, c’est étonnant.

  11. Article très intéressant. Je déplore pa? contre l’utilisation du terme mauvaises herbes. Bien que certaines puissent être très toxiques, il n’y a pas de plante mauvaise en soi. C’est juste qu’elles sont souvent en compétition avec nos aménagements (pelouse, jardins, cultures, platebande). C’est pour celà que je préfère parler de plantes compétitrices. Bravo pour votre site et son contenu que je consulte régulièrement.

    Claude
    Enseignant en botanique au collégial

  12. Je vois que beaucoup de monde aiment le tussilago farfara!.

  13. L’utilisation du terme mauvaise herbe fait référence à son caractère non-indigène. En plus d’être exotique (non-indigène), il s’agit d’une plante envahissante, donc une EEE, espèce exotique envahissante. Donc oui, il s’agit d’une “mauvaise herbe”. Cette espèce affecte les écosystèmes.

  14. Pour vous informer , cette plante est très bien installée dans le centre du Québec ainsi que vers le nord et le Sud. Vue emplement. ???

  15. J’aime beaucoup cette plante, pour en faire un expectorant (hydroglycériné) et une teinture mère avec Vodka ( avec les feuilles)

  16. Je trouve par hasard (mention dans le livre de Martine Desjardins : L’évocation) qu’on en fait du vin.
    Et je trouve ceci, en Suisse : http://www.liqueurs-mellioret.ch/liq_tussilage.php

  17. Mauvaise herbes est un terme mal employé…..de l’herbe indigènes serait plus approprié…