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Une surprise de taille en achetant un arbre

Quand il s’agit de choisir un arbre, les plus petits spécimens battent généralement les plus grands!

Par Paul Hetzler

En tant que personne de grande dimension, je suis un peu conscient de ma taille. Je dois me baisser pour franchir les portes et ne sais pas quand je trouverai une autre chaussure décente dans une pointure 16 (53 en Europe). Des trucs comme ça. Une chose qui m’a bien surpris est que je ne peux pas utiliser la plupart des VUS de taille moyenne à moins d’enlever ma jambe gauche, la porte du conducteur ou le volant, qui semblent tous être de mauvaises options. Pourtant, il y a beaucoup d’espace pour les jambes dans une Nissan Micra!

Ainsi, la taille compte dans de nombreuses situations, mais pas toujours comme on l’imagine. Cela est particulièrement vrai lors de l’achat d’un arbre.

Pendant des années, j’ai partagé un détail que peu de jardiners amateurs semblent connaître: que les petits arbres font rapidement honte aux plus grands. En fait, ils les dépassent rapidement, en seulement quelques années. Ainsi, à moins que vous ayez plus de 90 ans, il est préférable d’éviter l’attrait d’une forêt instantanée dans votre aménagement. Et ce n’est pas seulement applicable dans la course à l’altitude: les petits spécimens continueront à mieux croître que les plus gros même des années plus tard! Le problème est que ce fait était autrefois basé seulement sur l’observation étayée par une modélisation scientifique. Par contre, il n’y avait pas eu de recherches approfondies. Du moins, jusqu’à récemment.

En juin 2021, j’ai assisté à une vidéoconférence sur la transplantation par la Dre Nina Bassuk, directrice de l’Institut d’horticulture urbaine de l’Université Cornell. Elle est comme une légende pour les arboriculteurs au Canada et aux États-Unis. Les recherches de la Dre Bassuk ont abouti entre autres à un système de construction de routes qui permet aux racines des arbres de passer en dessous sans endommager l’asphalte ou les racines. Elle a également été la pionnière du protocole de transplantation à racines nues des grands arbres.

Pendant plus de deux décennies, la Dre Bassuk a aussi collaboré avec une pépinière d’arbres sur une recherche au sujet de la transplantation. L’étude a comparé les résultats sur la santé d’un certain nombre d’espèces de chêne dans trois classes de diamètre de tige différentes*: 4 po (100 mm), 3 po (76 mm) et 1,5 po (38 mm). Dans le commerce des pépinières, où un jargon distinct est requis par la loi, le diamètre de la tige est appelé «calibre». 

*Les arboriculteurs canadiens et américains utilisent le diamètre du tronc pour décrire la taille des arbres, soit le «dhh»: le «diamètre à hauteur d’homme» ou, plus précisément, «diamètre à hauteur de poitrine». C’est une mesure profondément non inclusive, car elle suppose que la poitrine de tout le monde est à exactement 130 cm du sol!

Ce qu’il faut surtout relever de ce projet est que les arbres ont été récoltés avec une pelle hydraulique à arbres, une machine qui coupe 80 à 95% des racines de l’arbre (selon le calibre) et dépose la motte restante dans un panier en fil doublé de jute. C’est ce qu’on appelle la méthode de la motte en tontine (ou tontiner; «ball and burlap» ou B&B en anglais). Les arbres ont ensuite été déplacés de seulement quelques mètres et replantés. Essentiellement, c’était la transplantation la plus gentille et la plus douce qu’un arbre puisse espérer: pas de transport de longue distance et pas de cour brûlante à subir sur un terrain de jardinerie. Et de plus, ils pouvaient retourner directement dans le même type de sol que celui dans lequel ils avaient grandi.

Évaluer les progrès des arbres dans ce projet n’avait rien d’un concours de beauté; même, l’apparence n’était pas une mesure de succès. Les paramètres pris en compte dans l’étude comprenaient la conductance hydraulique des racines, la surface foliaire, l’allongement des pousses, le pourcentage de branches mortes et, bien sûr, la mortalité. 

Sur un tableur, les données forment une belle ligne droite, avec les meilleures performances par les arbres de la plus petite taille et les pires par ceux de la plus grande. Et c’est logique quand vous y pensez. Les racines des arbres s’étendent environ 2,5 fois plus loin que la longueur des branches et ainsi 60 % des racines sont à l’extérieur de la ligne d’égouttement (projection de la cime). Alors, lorsqu’un jeune arbre est récolté, une plus grande partie de ses racines est incluse dans la motte par rapport à un arbre plus âgé avec un système racinaire plus long.

Après seulement trois ans, la différence entre les classes de taille était frappante. En fait, aucun des chênes à gros fruits (Quercus macrocarpa) avec un dhh de 100 mm n’a survécu, même avec le service de relocalisation choyé décrit ci-dessus. Pour être juste, cette espèce est réputée pour être difficile à transplanter. Mais seulement la moitié des chênes écarlates (Q. coccinea) ont survécu. Dans cette même classe, même les chênes bicolores (Q. bicolor), considérés comme les chênes les plus faciles à transplanter avec succès, ont montré une mortalité importante. Le bois mort était un autre problème, et de nombreux survivants de calibre 100 mm de toutes les espèces montraient des branches mortes de taille importante.

Lors de l’achat d’un arbre, la patience est une vertu qui se paiera aussi bien dans votre aménagement que dans votre porte-monnaie. Donc, oui, les dimensions des arbres comptent, mais inversement!

À propos de l’auteur

Paul Hetzler est un arboriculteur certifié ISA depuis 1996 et un ancien éducateur de l’Extension agricole de l’Université Cornell. Il réside à Val-des-Monts, Québec.


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Étiquettes + Arbres de petite taille, Arbres de petite dimension poussent plus vite, Vitesse de croissance des arbres


  1. Merci pour cet article. Ceci explique bien des constats.

  2. Cher Monsieur Hodgson,
    Vos connaissances liées à votre proverbial sens de l’humour auront toujours été pour moi de précieux fleurons. Merci !

  3. Très intéressant, merci! (Et pour la Nissan Micra aussi! ?)

  4. Merci

  5. ChantalThibodeau Thibodeau

    Vraiment, belle demonstration 😉

  6. L’humour de l’auteur de l’article est pas mal non plus?

  7. Une image vaut mille mots dit-on. C’est complètement réussi dans ce cas-çi|
    Merci!

  8. Bonjour,
    Je suis étonnée que dans cet article et notamment lorsque l’on parle des chênes que nous n’évoquions pas la vitesse de croissance et le type de racine de l’arbre?! Ceci a une impact direct sur la dimension de l’arbre en l’occurence (quel qu’il soit)
    L’exemple des chênes est justement particulier car ce sont sont des arbres difficiles à transplanter à cause de leur racine pivot difficile à sortir avec le type de motteuse (pelle hudraulique) utilisée.

    Peut-être pourrions nous présenter les arbres comme avec leur différentes caractéristiques et besoins (vitesse de croissance, port, type de racines, préférence de sol…) plutôt que de parler de petits et de grands car j’ai l’impression que c’est un peu schématique et réducteur.

    Merci de cet article, j’aime toujours entendre parlé des arbres. Je vais aller lire sur les études de Dr Bassuk.

  9. Super intéressant. Article qui tombe à point. Je début justement mon magasinage pour un arbre, puisque nous effectuons un nouvel aménagement de notre cours arrière. Il est toutefois pas facile de choisir un arbre donc les racine ne viendra pas détruire mon jardin (considérant que les racine sont 2.5 fois) puisqu’il seront à 5 metres l’un de l’autre.

  10. Article intéressant! Mais vous parlez des chênes ….. est-ce la même chose pour les autres arbres??? Nous voulions transplanter des pins et des sapin … est-ce le même problème?

  11. Depuis plus de 30 ans, je me passionne entre autres activités d’horticulture pour la culture d’arbres à partir de leur fruit ou de naissant au pied de leur arbre mère. J’ai ainsi planté des érables, des chênes colonnaires, des cèdres Smaragd, etc. Cela demande de la patience certes et des soins mais quelle satisfaction de voir la nature si puissante. J’ai déménagé à quelques reprises pendant cette période mais ces arbres sont encore bien en place et majestueux.

  12. Et bien ! Un gros merci Larry ,(si je puis me permettre …) on viens de faire construire en campagne , 1 hectare de terrain vierge ; nous ne sommes plus jeune , mais au printemps de l’an passer , j’ai mis en pot plusieurs arbres a racines nus , que la ville ns offrait ; chêne rouge , a gros fruits , amélanchiers ect Alors très soulagée de votre article !!!

  13. C’est bien intéressant, effectivement. Je me demande tout de même si l’effet se manifeste aussi chez les arbres cultivés en pot. Il me semble que la plupart des arbres qu’on achète aujourd’hui se vendent en pot; leurs racines n’ont pas été coupés.

  14. Bonjour ! Je cherche l’article dont il est question ici, avez-vous par hasard son titre ou un lien pour le consulter ? Merci beaucoup !

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