Les insectes sont nos amis: apprenons à les respecter!
La piéride des crucifères, un papillon indigène de l’Amérique du Nord dont la population est sérieusement en baisse, est un exemple de papillon qui a besoin de notre protection. Photo: © Marian Bell Whitcomb
Le commentaire suivant a été soumis par la lectrice Marian Whitcomb en réponse à l’article Réfléchissez-y à deux fois avant de détruire les bestioles présentes dans le jardin!, publié le 3 mars 2022. Même si l’exemple spécifique de papillon qu’elle choisit de présenter est spécifique à l’est de l’Amérique du Nord, le concept — que les insectes aussi ont besoin de notre aide — est universel. J’ai trouvé son commentaire si perspicace que j’ai voulu le partager plus largement sous forme de billet de blogue, ce que je fais ici.
Larry Hodgson
Les spécialistes du marketing avec des produits à vendre et des profits à réaliser nous ont encouragés à croire que «le seul bon insecte est un insecte mort». Souvent, les insectes qui causent des dommages importants aux plantes sont ceux qui ont été introduits relativement récemment dans une région et se reproduisent de manière incontrôlable faute de prédateurs naturels (comme les oiseaux, d’autres insectes et les maladies).
Connaître la différence entre, par exemple, une piéride du chou (Pieris rapae), une espèce non indigène envahissante et nuisible à nos cultures de crucifères, et la piéride des crucifères (P. oleracea), une espèce indigène qui a évolué en Amérique du Nord et se nourrit surtout de plantes indigènes, mais qui est en péril dans une grande partie de son aire de répartition, peut aider à prévenir l’extinction et à protéger la biodiversité évoluée de la planète. Dans le cas des deux espèces, une couverture flottante (aussi appelée voile anti-insectes ou filet d’exclusion) pour protéger les végétaux que nous cultivons (diverses plantes du genre Brassica, dont le chou, le chou kale, le brocoli, le rutabaga, etc.) peut être la meilleure option. Elle permet de protéger nos légumes sans application de pesticide nuisible pour les chenilles et les papillons.
Il est intéressant de noter que l’alliaire officinale (Alliaria petiolata), une plante envahissante introduite, encore, d’Europe, est toxique pour les larves de la piéride des crucifères. La femelle trouve l’alliaire par son odeur de chou caractéristique et y pond ses œufs. Mais les larves ne peuvent pas s’en nourrir et meurent. Celles de la piéride du chou, qui vient du même continent que l’alliaire, ont eu des millions d’années pour s’y adapter et peuvent très bien s’en nourrir. Ainsi, la piéride indigène est grandement désavantagée par rapport à l’intruse.
Plus d’information
J’ai appris ces détails en faisant un «bioblitz» avec Conservation de la nature Canada et en découvrant que j’avais une cour pleine d’espèces en péril que je pensais être des ravageurs. En apprenant le nom scientifique (latin) de l’espèce, on peut en apprendre plus sur son cycle de vie et sur son importance (pour votre écologie locale et votre culture de légumes) auprès de chercheurs experts plutôt que de je-sais-tout ignares sur les réseaux sociaux.
Le site web Rechercher un insecte ou un arthropode d’Espace pour la vie Montréal offre un excellent site pour l’identification des insectes nord-américains. Le livre Les insectes de nos jardins de Stéphanie Boucher est excellent aussi. Enfin, je recommande fortement l’outil de reherche I-naturalist qui permet d’identifier les insectes au moyen de son téléphone intelligent.
Aidez les oiseaux en réduisant la pollution lumineuse au jardin
Il est important d’ajouter que le contrôle de l’éclairage nocturne dans le jardin fera énormément de bien pour les oiseaux qui fréquentent votre cour. 96% des oiseaux chanteurs nord-américains dépendent des larves (chenilles) de quelque 12500 espèces de papillons de nuit. Les mésanges à elles seules en ont littéralement besoin de milliers chaque fois qu’elles se reproduisent. Malheureusement, tellement de ces papillons meurent chaque année en se frappant sur des lumières et des fenêtres éclairées artificiellement plutôt que de se reproduire.
Parfois, corriger le problème est aussi facile que d’installer un détecteur de mouvement pour que les lumières ne restent pas constamment allumées, de remplacer les ampoules blanches par des jaunes (une couleur qui attire moins d’insectes) ou d’installer des luminaires de façon à ce que les ampoules éclairent seulement vers le bas plutôt que dans toutes les directions.
Les oiseaux contrôlent la surpopulation des insectes, répandent les graines dans leur écosystème et comptent sur les chenilles pour se nourrir. Les papillons de nuit sont quand même utiles aux jardiniers d’autres façons aussi: en pollinisant leurs fleurs et en offrant d’autres services encore mal compris par la plupart des gens et même souvent par les scientifiques.
Une infime fraction des papillons de nuit constitue une véritable menace pour vos jardins. À titre de comparaison, nous avons environ 825 espèces de papillons diurnes et 4?000 espèces d’abeilles indigènes en Amérique du Nord. Ainsi, si vous voulez «sauver les pollinisateurs», le contrôle de la pollution lumineuse peut être aussi important que la plantation de végétaux qui les nourrissent. Trouver un bon équilibre se traduit par le fait de soutenir un riche éventail d’êtres vivants de toutes sortes dans le jardin et aussi d’obtenir une bonne récolte pour la table. Et un jardin serait-il complet sans les oiseaux, les papillons, les coléoptères, etc., qui animent d’importantes relations écologiques et complètent leurs cycles de vie de manière interdépendante?
Les jardiniers qui prennent le temps de se renseigner sur l’écologie peuvent nous conduire à une planète plus saine, ce qui est une idée très excitante. Mon mari et moi voyons les résultats de notre travail de restauration d’habitat pour soutenir la biodiversité chaque matin alors que nous photographions des oiseaux sauvages que la plupart des gens ne voient jamais à une mangeoire. Et tout cela dans notre jardin, en sirotant un café! Nous n’avons pas besoin de conduire jusqu’à un parc national pour trouver des animaux indigènes rares et fascinants dans leur habitat naturel. À la place, nous intégrons la prise en compte des besoins en habitat de nos petits voisins dans chaque décision de jardinage que nous prenons. Ainsi, nous faisons constamment de très belles découvertes.
À propos de l’auteure
Marian Whitcomb est une technicienne vétérinaire zoologique à la retraite et une conceptrice de jardins qui écrit et partage son amour de la photographie avec son mari, David Quimby, en Nouvelle-Écosse. Tous les deux étudient sérieusement l’écologie et les travaux scientifiques du Dr Douglas Tallamy et du regretté Dr E. O. Wilson.
Commentaire traduit et adapté de l’anglais par Larry Hodgson.
Merci à Stéphanie Boucher du Musée d’entomologie Lyman
de l’Université McGill pour son aide avec les ressources
d’identification d’insectes en langue française.
Votre article tombe à point, et je viens de réserver à la bibliothèque le livre conseillé de Stéphanie Boucher.
Ça va ajouter à mes connaissances. Belle lecture en attendant de revoir nos jardins.
Merci beaucoup cher Mentor.
Merci pour ce beau texte qui nous incite à réfléchir et à poser les bons gestes.
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Merci beaucoup pour cet article et les outils de recherche qu’il propose. Oui, il faut se renseigner sur la vie qui se déploie dans nos jardins (et ailleurs!). Je vous souhaite, ainsi qu’à l’auteure de l’article, un très beau printemps!
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“Ainsi, la piéride indigène est grandement désavantagée par rapport à l’intruse.”
C’est souvent le cas pour les insectes “indigènes” par rapport aux insectes introduits par hasard ou volontairement. Par exemple en Europe les coccinelles importées d’Asie ou d’Amérique pour lutter contre les pucerons mettent en péril les populations locales.
Il semble que ce soit une constante, les plantes ou animaux introduits deviennent souvent une menace pour la faune, la flore locale et les milieux naturels.
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Un très intéressant article. Si on veut connaître la biologie des espèces, le livre québécois le plus important est celui écrit par mon ex-collègue Roger Doucet (autrefois au MAPAQ) aux Éditions Berger – https://www.leslibraires.ca/livres/les-insectes-d-interet-agricole-roger-doucet-9782921416870.html. Les insectes urbains y sont couverts comme ceux du potager. Bref, 450 pages de biologie, description, critères d’identification, photos, etc.
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Article tombe à point. J’ai une plante très similaire si pas la même qui s’étend partout sous mon deck chez moi. Je prends ma retraite fin mai. Si c’est bien la même plante, elle connaîtra une mauvaise fin c’est sûre.. ?
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