Pourquoi mon pommier ne produit-il que tous les deux ans?
Pommier chargé de fruits. Photo: Tristana, depositphotos
Par Larry Hodgson
Question: J’ai démarré un verger familial il y a douze ans et une chose me laisse perplexe. La plupart de mes pommiers produisent une bonne récolte chaque année, mais certains, en particulier les ‘Honeycrisp’, donnent une quantité massive de fruits une année, mais pratiquement rien l’année suivante. Ils maintiennent cette habitude (d’une bonne année suivie d’une mauvaise année), au fil du temps, même lorsque les conditions météorologiques varient. Que se passe-t-il?
J.F.
Réponse: Ce caractère est appelé «alternance» ou «alternance bisannuelle» et l’on dit des fruitiers qui le font qu’ils sont «alternants». Ce caractère est surtout connu chez les fruits à pépins (pommes et poires), les oliviers et certains fruits tropicaux comme les mangues, les caféiers et les avocatiers. Il peut également se produire dans d’autres fruits, comme les abricotiers, les pruniers, les canneberges, les bleuetiers (myrtilliers) et les agrumes, mais souvent dans une moindre mesure.
L’alternance est plus courante chez les fruitiers sauvages où c’est souvent la norme. De nombreux cultivars populaires de pommier sont des producteurs non alternants, donc annuels, du moins lorsque les conditions sont bonnes. En effet, leur tendance à produire une bonne récolte chaque année est sans doute l’une des raisons pour lesquelles ces cultivars sont devenus populaires! Cela dit, il existe quand même de nombreux cultivars qui sont très portés à l’alternance.
Un autre facteur à prendre en compte dans l’alternance est qu’une récolte trop abondante peut provoquer la rupture des branches à cause du poids des fruits. De plus, les fruits pendant une année de surabondance sont souvent plus petits.
Quelles sont les causes?
On pense que la cause de l’alternance bisannuelle est principalement hormonale. Au cours d’une année de forte production, les hormones (principalement des gibbérellines) sont produites en grande quantité par les graines embryonnaires contenues dans les fruits en formation. Cette accumulation fait que l’arbre produira moins de fleurs sur les branches affectées l’année suivante. Une autre théorie est qu’elle est causée lorsqu’une récolte abondante épuise les réserves de glucides de l’arbre, le laissant affaibli jusqu’à ce qu’il reconstitue ses réserves pendant l’année de faible production.
Influences extérieures
Même les arbres qui produisent annuellement la plupart du temps peuvent être «poussés» vers une alternance bisannuelle lorsque quelque chose arrive à leur fructification. Lorsqu’un gel printanier ou une sécheresse sévère tue la plupart des fruits une année, cela peut entraîner une floraison et une fructification massives l’année suivante. Et l’année qui suit l’énorme récolte peut être mauvaise, déclenchant une habitude de production alternante là où il n’y en avait pas auparavant.
De plus, les arbres qui poussent dans des sols pauvres sont plus susceptibles d’être alternants que ceux qui poussent dans des sols riches. Ils semblent avoir besoin de deux ans de «cueillette de minéraux» avant de pouvoir produire une autre récolte décente.
Que faire?
Tout d’abord, vous pouvez simplement accepter la production bisannuelle comme étant normale pour cette variété et vous attendre à une récolte abondante une année sur deux. Un jardinier qui a plusieurs arbres fruitiers voit souvent un genre d’équilibre se développer où il y a environ le même nombre de fruitiers en forte production dans une année donnée que de pommiers au ralenti.
Vous pouvez également choisir des cultivars réputés pour leur production annuelle. Chez le pommier et le poirier, la plupart sont relativement annuels dans leur fructification. Dans le cas du pommier, outre ‘Honeycrisp’ ci-dessus mentionné, ‘Belle de Boskoop’, ‘Cox’s Orange’, ‘Fuji’, ‘Golden Delicious’, ‘Macou’, ‘Mutsu’, ‘Pacific Rose’, ‘Reine des Reinettes’, ‘Starkrimson’ et ‘York Imperial’ sont considérés comme les producteurs alternes les plus incorrigibles. Chez le poirier, ‘Louise Bonne d’Avranches’, ‘Doyenné du Comice’ et ‘Général Leclerc’ ont aussi cette réputation.
Aussi, maintenir une bonne fertilité du sol est fort utile: dans un sol riche, l’alternance est plus rare. À cette fin, fertilisez chaque année avec un engrais biologique à libération lente, en suivant les directives sur l’étiquette. (Ne fertilisez jamais trop, cela ne fait que réduire la fructification!) En outre, couvrez le sol autour des arbres avec 7,5 cm de paillis plutôt que de laisser l’herbe et les mauvaises herbes prendre le dessus et en venir à «voler» leurs minéraux.
Et arrosez adéquatement pendant les périodes de sécheresse sévère.
Les arboriculteurs professionnels pulvérisent souvent leurs arbres avec des vaporisations hormonales comme Fruitone et Ethrel qui réduisent le nombre de fruits dans la saison en cours et entraînent alors une meilleure fructification l’année suivante. Par contre, ces produits ne sont pas nécessairement disponibles aux jardiniers amateurs et, de plus, doivent être appliqués avec précaution, car des applications mal chronométrées ou excessives peuvent faire avorter toute la production. Lisez toujours l’étiquette pour les recommandations si vous décidez de les utiliser.
Pour le jardinier amateur, l’éclaircissage à la main est probablement la meilleure solution à l’alternance. Vous pouvez supprimer la moitié ou même les trois quarts des boutons floraux, des fleurs ou des jeunes fruits au cours d’une année abondante, ce qui se traduira par une récolte plus modérée lors de cette saison et par une floraison abondante la suivante. Certains jardiniers marquent la moitié des branches d’un ruban et en retirent tous les boutons ou fleurs une année, puis font de même pour les branches non marquées l’année suivante.
Pour les variétés naturellement alternantes dont vous souhaitez obtenir une bonne production annuelle, l’éclaircissage à la main est sans doute la méthode la plus facile à appliquer, mais sachez qu’il faudra la répéter chaque année!
Mon amélanchier produit aux 2 ans et je croyais que c’était normal chez tous les fruitiers! (45 lbs d’amélanches une année pour 1 lb l’année d’ensuite). Hummmm, je vérifierai la fertilité du sol au printemps avant d’ajouter du paillis. Merci
Nous avons un pommier qui produit une année sur 2. Pendant longtemps, un érable lui cachait la lumière et il produisait une dizaine de pommes par année, au plus. Quand cet érable a été coupé par la ville, notre pommier a enfin vu la lumimère. L’année suivante il a produit environ 1000 pommes! Et elles étaient délicieuses. Nous avons fait du jus, de la compote, du beurre de pomme, des tartes, nous en avons mangé et donné en abondance. Le écureuils aussi se sont gavés. Depuis, il produit une année sur 2. J’ai cru que c’était pour se refaire des réserves qu’il prenait congé une année sur 2. Mais ce doit être une espèce alternante. Je vais quand même amander le sol et lui mettre du paillis, car il produit moins dans ses années de fructification. Merci pour ces renseignements.
Louise Labrosse
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En complément, J-F. Honeycrisp reçoit souvent un traitement “spécial” chez les producteurs commerciaux, car il est effectivement un très mauvais élève du point de vue de l’alternance. Il est parfois le seul qui ait droit à un éclaircissage manuel (plutôt qu’hormonal ou au Sévin) tellement il faut harnacher et égaliser sa production avec précision. (Il faut dire que c’est, jusqu’à nouvel ordre, le fruit pour lequel une prime est payable au producteur!) Aussi, il est systématiquement “taillé en vert” durant l’été, comme il est maintenant devenu coutume de le faire pour tous les cultivars chez plusieurs producteurs. Cette taille consiste à éliminer toutes les pousses à l’intérieur d’un mètre de distance du tronc (sur porte-greffe semi-nain comme M106) et de rabattre un gourmand sur deux au bout de la branche. Je vous encourage très fortement à profiter de l’éclaircissage manuel du printemps pour ensacher quelques fruits avec un sac d’organza (5 X7) et laisser le reste aux prédateurs. Depuis que je fais ça, plus de traitements inutiles et coûteux et des fruits juste WOW! (T’sé, quand t’a mangé 25 pommes fraîches durant ton automne, t’es comblé.) Il faut procéder rapidement après la nouaison pour battre le charançon du prunier de vitesse. Si le plus beau fruit choisi sur le bouquet est piqué, on l’élimine aussi et on passe au prochain bouquet. N’ayez pas peur d’éliminer des fruits à ce stade.
bonjour Ou achetez-vous les sacs d’organza ?
Sur les sites de produits de célébrations de mariage! (Car c’est dans ceux-ci qu’on met, apparemment, les cadeaux de pacotille destinés aux invités). Si vous voulez payer 10 fois plus cher, (la bonne vieille taxe de conscience écolo torturée) vous pourriez aussi les trouver sur des sites de produits horticoles.
À Jocelyn. J’aurais des questions complémentaires suite à votre commentaire qui me rejoint énormément. J’ai deux pommiers sur mon terrain (honeycrisp et Empire). Le charançon de la prunes est dévastateur pour mon Honeycrisp. Je fais un traitement à la bouillie souffree et à l’huile de dormance au printemps. Je mets aussi de fausses pommes gluantes / collantes dans les deux pommiers.
J’aimerais être certains de bien comprendre votre intervention printanière concernant le chanracon. Parce que malheureusement, plus souvent qu’autrement, les pommes sont piquées à 95% et je les donne aux chevreuils. Sans parler des guêpes et nombreux écureuils qui sont aussi dévastateur.
Vous ensachez les fruits sur l’arbre pour les protéger? Ensachez vous un bouquet ou un seul fruit après éclaircissage?
A ce que je comprends, il n’y a pas de moyen d’éliminer le chanrancon directement?
Merci.
Salut PE! Je veux pas faire “ligue du vieux poêle” mais un jour je livrais de mes légumes dans une coop et y a le gars des vergers Charbonneau à Dunham qui livrait aussi et à qui je demande: “Euh vous faîtes pas dans le bio vous?” Et lui, il me regarde gentiment en disant: “Quand le charançon va être rendu chez vous, on s’en reparle…” Et puis c’est arrivé et là, j’ai compris… Mais surtout, depuis, j’ai compris que tout l’attirail vendu en jardinerie pour les ploucs comme nous, c’est du stuff destiné, selon les avocats qui conseillent l’industrie, à des imbéciles qui pourraient aussi bien décider de boire le produit. Alors il faut pas qu’il soit trop toxique. Si vous regardez les produits accessibles aux particuliers, comme la bouillie soufrée ou l’huile minérale, c’est vendu 150 fois le prix que payent les commerciaux et ce sont des outils qui sont absolument obsolètes dans le contexte de chats et souris avec des nouveaux prédateurs toujours en avance sur les remédiateurs qui vont les contrôler. Si vous lisiez, comme moi, les avertissements phytosanitaires publiés par les autorités agronomiques à l’intention des commerciaux, vous pourriez renoncer à manger des fruits du commerce ou alors remiser votre dérisoire tire-pois, car il ne le fait pas (le poids) 🙂 Faque, fuck that comme disent les jeunes, moi j’enveloppe 200-300 pommes, prunes et poires que je veux consommer en frais et le reste, je le transforme dans l’état ou il se trouve en fin de saison. Je fais 100 litres de cidre et de jus de pommes et des poires au sirop-cognac et plein d’autres choses que j’offre en cadeau à nouwelle. Et mon Chapin sert à d’autre chose. Alors oui, il faut quasiment camper au pied de vos arbres, PE, et surveiller l’évolution de la grappe de fleurs. Parce que. le diable me pète un singe, il faut quelques heures à peine pour que la fleur passe, c’est la nouaison, à l’état de petit fruit. Et si le fruit est à peine charnu et qu’une nuit favorable à l’activité du charançon se pointe, une course contre la montre s’engage! Il faut sans délai sélectionner le fruit élu sur les 5-6 du bouquet et éliminer tout le reste, sauf l’exception décrite plus loin. La sélection est facile: le plus en axe avec la branche est généralement le plus gros. Donc, oui, un sachet par fruit et un fruit par bouquet, sauf si vous avez deux BEAUX fruits non piqués sur le même bouquet. Vous en ensachez un et laissez l’autre “alea jecta est”. Une fois le sac installé, y a plus d’intervention à faire, sinon de ramasser ceux qui vont tomber. (Car il y en aura. Pour toutes sortes de raisons qui font que la vie, din fois, c’est injuste mais quesse tu veux qu’on faize, hein?) Vous pouvez espérer que la rareté de la floraison fasse en sorte que les charençons vont estimer que l’arbre n’est pas digne de leur envahissement, passent au suivant, et vous permettent de récolter un deuxième fruit sain à terme. Je crois l’avoir remarqué et en avoir profité mais, ne répétez ce que je viens de vous dire à personne car c’est là une extrapolation que je fais à partir de ce que font les abeilles (je suis aussi apiculteur) qui sont à la fois mono-spécifiques dans le butinage et effrontément obnubilées par de (très) basses considérations de déplacement-bénéfices. Si vous avez un champs de pissenlit en fleur dans votre verger au moment de la floraison des pommiers, c’est connu, les abeilles pourraient bien bouder vos arbres.
Du secours est en route! Mais ça va prendre encore un petit peu de temps: https://cetab.bio/recherches/utilisation-de-nematodes-entomopathogenes-contre-le-charancon-de-la-prune-en-verger-de-pommiers/
L’alternance est aussi une adaptation évolutive pour combattre les ravageurs. L’année où l’arbre ne produit pas ou peu de fruits, la population des ravageurs diminue drastiquement, faute de nourriture. L’année suivante, l’arbre a donc une longueur d’avance.
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Bonjour Jocelyn,
Merci encore à vous, et au jardinier paresseux bien sûr, pour vos commentaires.
1- Malgré que j’aie laissé mon gazon et mes pissenlits pousser pour sauver les abeilles, il semble que les insectes pollinisateurs n’aient pas boudé mes pommiers. La nouaison de mes pommiers est faite depuis 1 semaine approximativement! Suivant vos conseils, je compte profiter de la journée pour installer mes sacs d’organza en faisant de l’éclaircissage manuel. Suis-je en retard?
2- Nématodes entomopathogènes: Le prochaine fois qu’on me demande quel est mon animal favori, les gens vont me demander de répéter! La recherche semble très encourageante! Avez-vous offert votre vergé comme site de recherches?
3- Pièges coniques: Dans la recherche mise en lien, je constate à la fin l’utilisation de pièges coniques pour capturer les charançons de la prune. Ce type de piège est-il efficace si j’en installe sur mes pommiers? Le problème est probablement que je risque aussi de capturer des espèces non nuisibles? Serait-ce une façon de limiter les dégâts du charançon?
4- Ligue du vieux poêle!: Je comprends aussi que vous êtes jardinier, producteur, apiculteur, etc. Avez-vous pignon sur rue ou un commerce où l’on pourrait aller vous encourager? Désolé pour l’indiscrétion de ma question, je vous comprendrais de ne pas y répondre afin de conserver votre anonymat.
Salutation, merci et peut-être au plaisir de vous rencontrer!
PE
Bonjour PE! Vous n’êtes pas en retard si vous n’apercevez pas la très caractéristique banane, l’abject smiley que laisse le charançon sur le fruit. Si ce dernier est de la grosseur d’un petit pois no.1 Canada de fantaisie, je dis: Ensachez!!! Pour le reste, j’en suis à ma deuxième tentative infructueuse de retraite. Je voudrais pouvoir me consacrer à temps plein à mes vergers mais, le téléphone refuse de se taire… Un jour, j’offrirai peut-être des arbres fruitiers sur les internets. Au dernier décompte, j’avais plus de 125 cultivars de pommiers différents en culture et les principaux porte-greffes en production. Au plaisir, donc!