Le fraisier qui n’en est pas un
Par Larry Hodgson
Question: Dans la pelouse de notre jardin, il y a une petite plante qui ressemble à un minuscule fraisier. Elle produit de petites fleurs jaunes qui finissent par devenir de minuscules «fruits» rouges à la fin de l’été. Ils ont à peu près la taille du bout de mon petit doigt, mais n’ont absolument aucun goût. Cette plante pourrait-elle être une sorte de précurseur des fraisiers modernes?
Russ Clark
Lachine, Québec
Réponse: Il s’agit sans doute du fraisier des Indes (Duchesnea indica, maintenant plus correctement appelé Potentilla indica), également appelé fraisier de Duchesne et fraisier à fleurs jaunes.
C’est en effet un très proche parent du fraisier, mais pas un précurseur. C’est une petite plante couvre-sol avec des feuilles trifoliées et des stolons rampants, tout comme un vrai fraisier (Fragaria spp.). Par contre, les fleurs jaunes sont tout de suite une indication qu’il n’en est pas un, car les vrais fraisiers n’ont que des fleurs blanches (roses ou rouges pour certaines variétés cultivées), mais jamais jaunes. Les petits fruits rouges sont comestibles, mais plutôt secs et, comme vous l’avez découvert, au goût insipide. Même si c’est le cas, ils sont récoltés et consommés dans certaines parties de l’Asie d’où le fraisier des Indes est originaire (il vient d’une vaste aire allant de l’Afghanistan jusqu’à l’Extrême-Orient russe et la Malaisie). Cette plante a également été utilisée comme plante médicinale dans son aire de répartition d’origine.
Une belle d’autrefois
Le fraisier des Indes a connu une longue période d’intérêt comme plante ornementale à la fin du 19e et au début du 20e siècle. On l’utilisait alors couramment comme couvre-sol et aussi, à un moindre degré, comme plante d’intérieur, car son feuillage est persistant et reste attrayant tout l’hiver. Du moins, il pousse bien à l’intérieur tant que ses besoins en lumière et en arrosage sont satisfaits. De plus, il connaissait aussi une certaine popularité en tant que plante pour le panier suspendu.
Par contre, ça fait presque un siècle que cette plante n’est plus à la mode. Sans doute que vos plantes proviennent d’évadés du jardin de cette période, car la plante est remarquablement persistante! Il s’est échappé assez couramment de la culture dans les régions tempérées et subtropicales d’Amérique du Nord et du Sud, d’Europe, d’Afrique et d’Australie.
De nos jours, le fraisier des Indes est souvent considéré comme une mauvaise herbe par les jardiniers qui appliquent des pesticides puissants pour essayer de l’enrayer. Par contre, on peut facilement le laisser faire et il deviendra alors une partie intégrante de la pelouse qui n’a pas besoin, après tout, d’être strictement composée de graminées. Qu’est-ce qu’il y a de si mal si une jolie petite plante à fleurs et à fruits voyants s’installe à demeure dans la pelouse?
Vous pourriez aussi déterrer un plant de fraisier d’Inde de votre pelouse et le planter isolé d’autres végétaux pour lui permettre de former un couve-sol ornemental. L’espèce pousse bien au soleil et à l’ombre partielle et s’adapte à la plupart des sols acides ou alcalins dans les zones de rusticité 4 à 9. Les fleurs s’épanouissent principalement au printemps et au début de l’été, bien qu’il y ait une floraison sporadique jusqu’à l’automne. Les baies sont mûres et rouge vif de la fin de l’été à l’automne. Si elles ne sont pas très appréciées des humains, les oiseaux les adorent!
Le fraisier des Indes peut également être cultivé à partir de semences, parfois offertes par correspondance chez certains semenciers. Il existe également un cultivar panaché aux feuilles vertes et blanches: ‘Harlequin’.
J’ai déjà eu le fraisier d’Inde dans la pelouse d’une autre résidence et je ne m’en suis jamais occupé. Je l’ai trouvé inoffensif et joli: pas une plante dominante qui écrase ses voisines, mais plutôt une qui se marie avec les autres. Il donnait un peu de couleur à ma pelouse. De plus, il attirait toutes sortes de pollinisateurs intéressants, y compris des abeilles indigènes. Contrairement à certains autres végétaux utilisés pour créer une pelouse mixte, il est suffisamment bas pour passer sous la tondeuse, même lors de la floraison. Essentiellement, il n’a jamais nécessité la moindre attention de ma part. Mais bon, j’ai toujours préféré une pelouse mixte avec sa gamme de feuilles et de fleurs différentes à l’interminable et ennuyeux tapis d’herbe si populaire de nos jours!
Absolument d’accord (comme d’habitude)avec tout cet article.
J’ai découvert (il y a fort longtemps )cette plante quand j’allais travailler l’été chez les maraîchers. Ma patronne qui en cultivait dans son jardin d’agrément m’avait fait une leçon de botanique sur cette plante et dit : “Tu peux en manger, mais tu seras déçu”.
J’en ai “exporté” dans mon propre jardin où ils vivent tranquillement leur vie depuis des décennies et égaient un peu les espaces enherbés ( avec la grande diversité de plantes qui les composent, je me refuse à les nommer pelouse).
Je préfère ces “fraisiers des Indes” aux potentilles rampantes indéracinables qui sont parfois envahissantes.
Au printemps il faut faire attention à la tonte pour ne pas broyer au moins les orchis ou les orphrys qui poussent un peu à leur fantaisie parmi les herbes.
Merci pour vos excellents articles. Certains voisins ont justement cette plante dans leur pelouse, je voulais savoir quelle plante était ce couvre-sol. Merci pour cet article en particulier qui m’en informe.
Merci! Ces petites baies poussent à un seul endroit dans notre cour, je me suis toujours demandé ce que c’était. Excitée la première fois que je les ai vues pensant avoir des fraises des champs, déçue après y avoir goûté, je vais leur accorder plus d’attention l’été prochain!
N´est ce pas la pelouse idéale? Ni arrosage, ni engrais ni tonte ? Avec des fleurs et fruits colorés appréciés des polinisateurs et oiseaux.
Merci pour cette réponse à une question que je me pose depuis que je suis enfant !
Attention : faiblement toxique (comme beaucoup de nos plantes) pour les enfants (et adultes en plus grande quantité), ils peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux. La toxicité serait liée à la présence de 2,5-Cyclohexadiene-1,4-dione, certains acides phénoliques et triterpènes.
Le genre Duchesnea honore le botaniste Antoine Nicolas Duchesne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Nicolas_Duchesne )-à qui on doit nos fraisiers cultivés, soit les hybrides fraisiers à grosses fraises (un croisement entre une potentille du Chili et un fraisier de Virginie). C’est une histoire fantastique à lire d’autant plus que Duchesne l’a écrite à 19 ans seulement -https://books.google.ca/books/about/Histoire_naturelle_des_fraisiers.html?id=eHpYAAAAcAAJ&redir_esc=y.
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