Chou, kale, brocoli : trois noms, une seule plante !
Par Larry Hodgson
Saviez-vous que le chou, le chou-kale et le brocoli, ainsi que le chou-fleur, le chou de Bruxelles et même le chou-rave, appartiennent tous à la même espèce: Brassica oleracea? Autrement dit, botaniquement, il s’agit de la même plante.
Si un tel foisonnement de formes pour une même espèce vous surprend, pensez que toutes les races de chien, du petit chihuahua au gigantesque grand danois, et du frêle lévrier whippet au lourdaud mastiff, sont des Canis lupus familiaris. Toutes ces variantes du chou, peu importe les noms communs qu’on peut leur donner, sont des Brassica oleracea.
Le chou sauvage
Le chou sauvage, ancêtre de tous les choux cultivés, pousse en bordure de mer dans le sud et l’ouest de l’Europe. On le voit souvent sur des pentes abruptes où d’autres plantes ne réussissent pas. Aussi, on l’appelle parfois chou des falaises. Il tolère bien les brumes salines et les sols alcalins, notamment sur les falaises de craie des deux côtés de la Manche entre France et Angleterre.
Le chou sauvage est une plante bisannuelle: il ne vit que deux années. La première année, il forme une rosette basse de grandes feuilles charnues bleu-vert. Leur coloration vient d’une cire blanche – la pruine – qui les recouvre et qui les protège du soleil ardent et des brumes salines.
La deuxième année, il produit une tige florale de jusqu’à 2 m de haut et des milliers de fleurs jaunes. Après la floraison, des capsules de graines se forment. Elles s’ouvrent, les graines tombent au sol et ensuite la plante meurt.
Une nouvelle génération naît alors des graines tombées au sol.
Les premiers choux cultivés
La domestication initiale du chou sauvage est perdue dans la nuit des temps. Il est d’ailleurs fort possible que le chou fût domestiqué plusieurs fois dans différentes régions d’Europe, à partir d’environ 1000 ans avant notre ère. Chose certaine, il était connu des ancêtres des Grecs et des Romains.
Le kale (chou kale) fut le premier chou à être développé par l’humain, vers le 5e siècle avant notre ère. En effet, à force de ressemer tous les ans les graines des plantes au meilleur goût et les plus faciles à cultiver, l’humain a peu à peu transformé le chou sauvage en chou domestiqué. À feuilles plus grosses, plus minces et plus digestes que le chou sauvage, le kale produit une tige dressée, ce qui rend la récolte plus facile. On récolte les feuilles à mesure de ses besoins, à partir de la base. Souvent, les kales ont des feuilles frisées, donc plus condensées, ce qui donne plus de matière à croquer en moins d’espace.
Le kale noir de Toscane ou laciniato est un kale à feuillage presque noir qui connaît actuellement un regain de popularité, surtout depuis que quelques marchands ont commencé à le vendre sous le nom de kale dinosaure à cause de l’aspect rugueux de son feuillage. Il fut développé en Toscane plus récemment, soit au 18e siècle.
Le chou pommé fut graduellement sélectionné à partir du kale. En effet, à force de sélectionner des plants au bourgeon terminal plus serré, ce qui utilise moins d’espace, cela donna éventuellement une pomme très dense très proche du chou moderne.
Le chou pommé devint populaire à Rome vers le 1er siècle de notre ère et les Romains le distribuèrent partout dans leur empire. Aujourd’hui, il existe un vaste nombre de variantes du chou pommé, de choux rouges aux choux de Milan aux feuilles boursoufflées et d’utilisations différentes (chou hâtif pour la consommation rapide; chou d’hiver pour l’entreposage, etc.).
La tige du chou aussi est comestible et ainsi le chou-rave fut développé graduellement à partir de plants aux tiges plus enflées et moins fibreuses que la normale, ce qui donna plus à se mettre sous la dent. La forme que nous connaissons aujourd’hui, avec une tige complètement bombée, était déjà connue en Allemagne au 1er siècle de notre ère.
Les boutons floraux des choux aussi sont comestibles… mais comme la plante est bisannuelle, il faut normalement attendre la deuxième année pour les manger. Alors, les agriculteurs anciens commencèrent à choisir des choux de plus en plus hâtifs, ce qui a éventuellement donné des choux annuels, capables de faire leur cycle de croissance, du semis à la floraison, en un seul été. De ce groupe de choux, certains furent alors cultivés pour leurs boutons floraux. Le chou à denses tiges florales fit son apparition entre le 2e et le 6e siècle, mais il a fallu attendre le 15e siècle avant que le chou-fleur tel qu’on le connaît fut à son terme. On le consomme aux balbutiements de la floraison, d’où sa coloration encore blanche.
Le brocoli apparut en Italie vers le 16e siècle à partir de choux annuels qu’on récoltait lorsque les boutons floraux étaient plus avancés et de couleur verte, mais avant leur épanouissement.
Le dernier chou bien connu à vraiment devenir un légume populaire à travers le monde (car il existe encore une foule de variétés, comme le chou moëllier, le chou perpétuel, le chou cavalier et le brocoli chinois, qui sont moins connus dans nos jardins) est le chou de Bruxelles, venu, bien sûr, de la Belgique et développé vers le 16e siècle. Cette plante produit les hautes tiges et les grandes feuilles du kale, mais des bourgeons arrondis rappelant le chou pommé émergent à l’aisselle des feuilles.
Le chou le plus bizarre
Le chou le plus bizarre est sans doute le chou palmier, une variante très grande du kale. Sous un climat où les hivers sont très frais mais sans gel, comme aux îles Anglo-Normandes, il atteint une grande hauteur, souvent 5 m et plus. On récolte les feuilles inférieures pour nourrir le bétail à mesure de sa croissance et alors la plante finit par ressembler à un palmier! À la floraison, on coupe et fait sécher les tiges pour en faire des cannes de marche. Quand on le cultive au Québec, le chou palmier reste plutôt nanifié à cause de notre saison de croissance courte et ne devient pas beaucoup plus haut qu’un kale ordinaire.
Choux ornementaux
Certains choux non pommés sont cultivés comme choux ornementaux. Sous l’influence des jours frais d’automne, les feuilles changent de couleur pour devenir roses, rouges, blanches ou multicolores. On les cultive dans nos platebandes comme décorations d’automne. Malgré leurs coloris inhabituels, ces choux demeurent parfaitement comestibles et les restaurants huppés utilisent leurs feuilles de couleur surprenante pour la trempette.
Une histoire sans fin
Évidemment, l’évolution des choux comestibles n’est pas terminée. Pensez au chou romanesco, aux kalettes, au broccolini et à la broco-fleur, récemment arrivés dans nos jardins et dans nos assiettes. Et aux nouvelles couleurs de chou-fleur: orange, vert, pourpre, etc. Tellement de choses à découvrir!
De quoi les choux auront-ils l’air dans deux cents ans? Je ne sais pas, mais je gage qu’on cultivera alors des choux sur la lune et qui sait quelle configuration cela donnera!
Pourriez-vous faire des chroniques sur la culture de légumes et de fleurs en bacs sur la terrasse. C’est le temps de planifier pour l’été prochain.
Une petite recherche sur le blogue du Jardinier et voici ce que j’y trouve:”https://jardinierparesseux.com/2019/08/22/comment-jai-appris-a-jardiner-sur-un-balcon/”
Le chou perpétuel doit être celui que l’on nomme en France le chou de Daubenton en référence au naturaliste français Louis Jean Marie Daubenton.
Il existe aussi un chou portugais le “tronchuda” aux belles côtes blanches et aux larges feuilles un peu ondulées, surtout utilisé pour confectionner des potages excellents, et sa variété espagnole le “Penca de Chavez”, cultivée en Cantabria. J’en ai rapporté des graines il y a quelques années, et je les conserve précieusement d’années en années,
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J’aimerais connaître votre avis sur la culture en cèdre pour les plantes d’appartement.
Merci M. Hodgson pour un autre article des plus intéressant. Quel plaisir de vous lire chaque matin.
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Merci
Les choux n’auront plus le même gout après avoir lu votre article. Disons qu’ils auront plus de profondeur!
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Le chou romanesco est vraiment de toute beauté! Très difficile à trouver dans mon patelin, une fois seulement en 2016, et j’en ai pris des photos avant de le déguster. C’est vrai que tout ce qui est «différent» suscite la méfiance, hélas. Dommage pour les amateurs de découvertes. Merci pour cet autre article grandement instructif. Bonne fin de journée.
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Merci pour cet article fort intéressant. Une petite précision, le nom latin est Brassica oleracea?
Merci! Correction faite!
Bravo pour cet article qui résume bien les différents choix qui s’offrent à nous. Ceci dis, les radis et choux chinois sont sensibles aux même ravageurs que les choux cités dans cet article. J’aime autant penser à mes groupes de plantes comme une immense famille de crucifères. Plus simple au finish, surtout pour penser aux éventuelles rotations….