Les remèdes maison: le pour et le contre
Par Larry Hodgson
Il ne se passe presque pas une journée sans que quelqu’un me propose un remède contre un problème horticole quelconque, jurant dur comme fer que cela fonctionne. Ou sans que quelqu’un me demande si tel traitement maison est réellement efficace.
En général, j’écoute poliment dans le premier cas et j’essaie de répondre de mon mieux dans le deuxième. Que ces remèdes fonctionnent ou non, ils sont généralement inoffensives, du moins pour la personne qui les applique, mais parfois ce qu’on me dit est tellement horrifiant que je me dois d’intervenir pour la sécurité de la personne impliquée ou des êtres dans son entourage.
Le problème avec les remèdes maison c’est que, en général, personne n’a confirmé leur efficacité. Pour cela, il faut avoir une «plante témoin»: une plante identique sur laquelle on n’a pas fait le traitement et avec laquelle on peut donc faire une comparaison. Seulement alors peut-on avoir une idée si le traitement est efficace. Idéalement, aussi, il faut avoir répété l’expérience sur des dizaines de plantes, sinon des centaines, sous des conditions très différentes, avant de pouvoir confirmer quoi que ce soit.

Si je vous disais, par exemple, que depuis que je place ma violette africaine (Saintpaulia spp.) sur le four à micro-ondes, elle fleurit davantage. Et que, donc, sûrement que les rayons que dégage le four doivent stimuler les violettes africaines à mieux fleurir, c’est peut-être vrai. Mais puisque je n’avais pas vérifié ce résultat sur une autre violette africaine identique, sur le meuble juste à côté, je n’ai pas vraiment de preuve. Mais je l’ai dit à deux de mes voisins et l’un d’eux l’a répété sur Facebook où madame Jardintout l’a repêché pour le répéter à son émission de télévision… Et, comme ça, une légende urbaine (ou devrais-je dire «légende horticole») est née!
Mais est-ce que le fait que j’aie placé une violette sur un micro-ondes et ai obtenu plus de fleurs est une preuve de quoi que ce soit? C’est peut-être aussi possible que le four à micro-ondes se trouve plus près de la fenêtre et que c’est le nouvel emplacement qui provoque cette différence. Ou que, comme j’utilise le micro-ondes plusieurs fois par jour et que donc je vois la violette plus souvent, je remarque plus rapidement qu’elle manque d’eau et que je l’arrose plus promptement. Ou que la plante était déjà en boutons avant que je ne la mette sur le four et que la nature a tout simplement suivi son cours. Ou, ou, ou… les possibilités sont presque illimitées! Mais trop tard: la légende est déjà lancée!
Le savon comme insecticide : le mythe qui s’est révélé vrai!
Mais ce qui paraît être une légende horticole s’avère parfois véridique. Et l’utilisation de savon comme insecticide est de cette catégorie.
Au début, les scientifiques ont ri de l’idée qu’une simple solution d’eau savonneuse puisse servir d’insecticide, même si des générations de jardiniers prétendaient que cela fonctionnait. Mais dans les années 1950 et 1960, quelques équipes de chercheurs ont finalement décidé de vérifier l’efficacité de la croyance… Ainsi est né le savon insecticide, un savon naturel pur, plus efficace contre les insectes que le savon à vaisselle (qui, de nos jours, n’est plus un savon du tout) et beaucoup moins toxique pour les plantes. Personne ne rit maintenant de l’efficacité du savon insecticide.
Encore des recherches à faire
Ainsi, il arrive parfois à la communauté scientifique de vérifier quelques-uns de ces traitements et que certains se révèlent valables. Dans d’autres cas, cependant, le traitement a été scientifiquement testé et n’avait aucun effet bénéfique. D’autres se sont même avérés nuisibles. Et dans d’autres cas encore, il y avait une certaine véracité, mais aussi des côtés négatifs. Ou l’efficacité était si faible qu’il ne valait pas la peine de s’en enthousiasmer. Regardons quelques-uns de ces traitements maison ici.
La margarine ferait luire les feuilles des plantes

Pour faire luire les feuilles de nos plantes d’intérieur, on peut les badigeonner de margarine (ou de mayonnaise, ou d’huile à moteur, selon la légende qu’on entend). Et c’est vrai… au début.
La margarine et les autres produits sont ou contiennent des produits gras et les graisses peuvent faire briller le feuillage. Sauf que les graisses bouchent aussi les stomates des plantes (les pores par lesquels elles respirent), réduisent la photosynthèse et donc la croissance de la plante et peuvent éventuellement même tuer la feuille traitée. Aussi, la graisse attrape la poussière et la plante a rapidement besoin d’un autre traitement à la margarine (ou mayonnaise ou…) pour décoller l’accumulation de poussière provoquée par le premier traitement. Pour autant que je sache, ni la margarine, ni la mayonnaise, ni l’huile à moteur ne sont utiles en horticulture.
Le meilleur «lustrant» pour les feuilles des plantes est un nettoyage à l’eau savonneuse suivi d’un rinçage à l’eau claire pour enlever les saletés et permettre aux feuilles de montrer leur lustre naturel.
Les cigarettes peuvent traiter les insectes

D’après cette croyance, on peut faire tremper des cigarettes (ou des mégots, ou du tabac, selon la personne qui en parle) dans de l’eau et l’utiliser pour contrôler les insectes sur les plantes. Et c’est absolument vrai… mais ne le faites jamais! C’est un bon exemple d’un cas où un traitement maison peut s’avérer très dangereux pour celui qui l’applique. Oui, le tabac peut tuer les insectes, car il contient de la nicotine, un insecticide puissant. Mais la nicotine en solution est plusieurs fois plus toxique que la nicotine en fumée et cette concoction pourrait rendre son applicateur très malade. D’ailleurs, autrefois on vendait des insecticides à base de nicotine, mais ils ont été retirés du marché suite à plusieurs cas d’empoisonnement mortel.
La pilule anticonceptionnelle fait fleurir les violettes africaines
Ou les orchidées. Ou les géraniums. Tout dépend de qui raconte cette légende urbaine. Vous aurez deviné que ce n’est pas vrai et que, même si c’était vrai, il coûterait bien moins cher d’acheter un engrais. Et les conséquences de ne pas prendre sa prescription pourraient aussi être assez coûteuses.
Le marc de café peut servir de pesticide

On entend fréquemment dire qu’on peut étendre du marc de café au pied des plantes pour repousser les insectes. Le traitement n’est d’aucune efficacité sur les insectes qui s’attaquent aux feuilles, aux tiges ou aux fleurs et très peu pour les insectes (généralement inoffensifs) du sol. Le marc contient de la caféine et d’autres alcaloïdes toxiques et pourrait ainsi être toxique pour les insectes… s’il y avait moyen de les convaincre d’en manger. Mais il n’a aucun effet répulsif.
Aussi, l’efficacité du marc de café comme insecticide (encore, en présumant une consommation par l’insecte) serait très limitée: de seulement 1 ou 2 journées, après quoi les alcaloïdes toxiques qu’il contient se seront décomposés. Le marc de café est toutefois intéressant comme produit à ajouter au composteur, car il est riche en minéraux.
Et non, le marc n’acidifie pas le sol et ne peut donc pas servir à rendre le sol des rhododendrons plus acide: c’est une autre légende dont on aurait pu se passer.
Une bouteille de boisson gazeuse éloignera les marmottes

Une croyance veut que, si on laisse une bouteille d’eau gazeuse remplie d’eau au sol dans un jardin, la marmotte qui l’envahit se mirera dans la bouteille, prendra peur en pensant qu’elle voit une marmotte plus grosse et s’en ira. Une autre prétend que c’est le reflet de lumière qui lui fait peur. Mais des expériences sur le terrain démontrent que la marmotte n’est pas du tout dérangée par la présence de bouteilles de boisson gazeuse, pleines ou vides!
Le bicarbonate de soude peut prévenir la tache noire sur les rosiers
D’après cette légende, on peut mélanger 15 ml de bicarbonate de soude dans 1 litre d’eau en ajoutant quelques gouttes de savon insecticide pour que le bicarbonate adhère mieux au feuillage. Des vaporisations bimensuelles, assez pour en couvrir les feuilles, et ce, de la sortie des feuilles jusqu’à l’automne, seraient nécessaires. Et cela s’est avéré… vrai. D’ailleurs, le bicarbonate de soude s’est montré efficace contre le blanc (mildiou poudreux ou oïdium) aussi, et ce, sur plusieurs plantes. Il fait désormais partie du régime antiparasitaire de plusieurs jardiniers.
Le lait peut prévenir le blanc

On dit qu’une solution d’une partie lait pour 9 partis d’eau peut prévenir le blanc sur les plantes. Et c’est vrai. Vous m’en voyez le premier étonné, car quand ce remède est sorti à la fin du 20e siècle, je n’y croyais pas.
Le pourquoi de cette efficacité n’est pas connu et d’ailleurs, à ce jour, le nombre de plantes adéquatement testées est limité (ce sont surtout les légumes qui ont été vérifiés). Il faudrait faire des essais comparatifs sur une foule de plantes avant de confirmer que le lait est un bon fongicide général. Toutefois, la technique semble prometteuse. Donc, pour l’instant, allez-y avec les traitements sur vos plantes, mais appliquez-en seulement sur une feuille par nouvelle plante au début, pour être certain qu’aucun problème ne ressort.
Et en passant, le lait en poudre serait aussi efficace que le lait entier.
Lire ce blogue peut vous donner le pouce vert

Plusieurs personnes me l’ont affirmé, mais c’est faux. La seule façon d’avoir le pouce vert, c’est de faire ses propres expériences avec les plantes et d’apprendre de ses réussites comme de ses échecs. Les conseils des autres peuvent toujours aider, c’est vrai, mais le vrai pouce vert se trouve entre vos deux oreilles!
Merci pour cet article très éclairant. Effectivement, il y a déjà plusieurs années, on m’a suggéré de nettoyer les feuilles de ma plante caoutchouc avec de la mayonnaise. Le résultat fut catastrophique. Elle reluisait au début puis elle a commencé à dépérir. Je l’ai nettoyée avec de l’eau et très peu de savon et rincé. Rien de mieux que du naturel.
Voilà un articlé particulièrement exemplaire et sérieux (encore plus que d’habitude), à l’esprit scientifique rigoureux, digne des Septiques du Québec.
https://www.sceptiques.qc.ca/
À défaut de légendes urbaines, non avons là un beau collectif de légendes jardinières.
J’ai testé certains de ces « remèdes maison », par exemple, j’ai brulé des boutons de rose avec du bicarbonate trop concentré, le marc de café n’a pas éloigné les fourmis, l’herbe à taupes (Euphorbia lathyris) est parfaitement inefficace (comme c’est joli, je les laisse quand même pousser spontanément).
Par contre le savon est efficace. J’utilise du savon noir, ou ce que l’on appelle du Savon de Marseille : corps gras (en principe huile d’olive), soude caustique et blanc d’Espagne, il me semble que c’est à peu près la formule.
Un autre truc non répertorié : les feuilles des plantes d’appartement badigeonnées à la bière. C’est peut être moins néfaste que la margarine, mais pas plus efficace que de l’eau.
Comme vous moi je crois plus au pouce sale. Bonne journ?e!
« Il se forme une piètre opinion sur la culture celui qui croit qu’elle repose sur la mémoire de formules. Un mauvais élève de Spéciales en sait plus long sur la nature et sur les lois que Descartes et Pascal. Est-il capable des mêmes démarches de l’esprit ? » (Saint-Exupéry, Terre des Hommes, 1939).
Merci pour ce rappel de ce qu’est une vraie démarche scientifique.
bonjour moi si j’ai des petites aleurodes je met un baton et j’attache une petite bande jaune colante au bout je prend toutes ces petites bêtes