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Le temps est venu de dire au revoir à une vieille amie

Épinette mourante près d'une maison.

Par Larry Hodgson

La semaine dernière, j’ai fait enlever une épinette (épicéa) mature.

Elle était déjà là et à pleine maturité lorsque nous avons emménagé dans cette maison il y a 28 ans, et comme la maison a environ 70 ans, je suppose qu’elle a environ cet âge, probablement plantée par les premiers propriétaires peu de temps après leur arrivée à la maison.

Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment aimé cette épinette… ni ses deux sœurs, plantées en ligne à environ 3 m de la maison. Elles sont beaucoup trop grosses pour être si près d’un bâtiment : au fil des années, j’ai dû couper de nombreuses branches qui bloquaient l’entrée ou qui frottaient contre les murs ou le toit. Elles ont tué le gazon déjà en piètre état que les anciens propriétaires m’avaient légué et que j’ai remplacé par un vaste jardin d’ombre (logiquement!) surtout composé de plantes indigènes. 

En plus de jeter une ombre profonde sur mon parterre, ces épinettes déposent constamment des cônes et des aiguilles mortes sur mes plantes, dessèchent le sol avec leurs racines denses et peu profondes et volent la plupart des minéraux. Jardiner sous des conifères a été tout un défi au début, mais un défi que j’ai graduellement réussi à surmonter. (D’ailleurs, j’ai utilisé l’expérience comme base pour un de mes livres, Jardins d’ombre.) Et là, il y en a une de moins. 

Pourtant, j’en suis venu à accepter cette grosse épinette mal placée comme faisant partie intégrale de mon aménagement paysager, une chose immuable avec laquelle il fallait que je compose. Toute planification que j’avais faite au fil des ans tenait compte du placement et de l’effet de cet arbre massif. Et il faut quand même donner au diable son dû, son ombre dense nous donnait un endroit frais où nous pouvions nous asseoir lors les chaudes journées d’été. J’avais appris à accepter sa présence, mais sans m’en réjouir. Un peu comme un voisin qui nous fait parfois maugréer, mais qui n’est quand même pas totalement antipathique; un dont vous connaissez les faiblesses et avec lequel vous avez fini par vous sentir à l’aise.

Oui, les arbres meurent

Maintenant, une épinette blanche (Picea glauca), ou un épicéa blanc si vous préférez, peut vivre 200 ans ou plus, mais celle-ci n’allait pas battre des records. Sa croissance annuelle, autrefois vigoureuse, avait ralenti à néant au cours des dernières années et, l’été dernier, les branches de la cime avaient commencé à dépérir. Il y avait encore un peu de croissance verte près du sommet ce printemps, mais au début de septembre, la cime était morte sur environ 3 m, sans aiguilles, et les branches immédiatement en dessous mouraient. L’arbre mourait surtout du haut vers le bas, mais le bas aussi était dans un état de plus en plus lamentable.

Qu’est-ce qui tuait mon épinette ? Je ne le sais pas. Je présume que c’était une maladie fongique quelconque. Et je ne suis pas particulièrement curieux de le savoir. Dans une forêt naturelle, un arbre meurt ici et là tout le temps sans raison apparente. Les plus faibles meurent pour que les plus forts puissent survivre. Eh bien, c’est ce qui se passait dans ma forêt à moi. La sélection naturelle, quoi!

Fallait-il la couper?

Dans un autre endroit, comme dans une forêt naturelle, j’aurais pu laisser mon épinette debout pour que les pics, les autres oiseaux et les animaux puissent s’y nourrir et y nicher, mais cet arbre était beaucoup trop près de la maison. S’il devait tomber…

Le tronc me paraissait solide (ce qui a d’ailleurs été confirmé lorsqu’il a été coupé) et donc il n’y avait aucun risque réel que l’arbre tombe avant plusieurs années. Mais ma femme était beaucoup moins confiante. Même, elle était très stressée de la situation. Pour elle, un arbre mort à quelques mètres de la maison était une menace constante. Elle voulait le faire disparaître. 

Eh bien, comme il y a beaucoup d’autres arbres sur notre terrain, jeunes et matures, dont d’autres épinettes, je me suis dit qu’un arbre de moins ne ferait pas beaucoup de dégâts à l’écosystème local fortement modifié. Et, comme on dit, ce que femme veut, Dieu le veut. Alors, j’ai laissé ma femme gagner cette petite bataille.

Je me suis donc occupé d’obtenir un permis d’abattage de ma municipalité et de trouver un arboriculteur de bonne réputation, histoire d’avoir quelqu’un de compétent qui ne ferait pas tomber ce grand arbre sur ma maison située si près.

Abattre un arbre

La situation à l’arrivée des arboriculteurs. Comme vous pouvez le voir, même les branches inférieures avaient perdu beaucoup de leurs aiguilles.

Il est impressionnant de voir un arboriculteur et ses assistants abattre un si grand arbre dans un espace restreint.

Il a d’abord coupé à partir du sol les branches inférieures, puis s’est fixé sur l’arbre avec son harnais et a monté de plus en plus haut, coupant les branches à la tronçonneuse à mesure de sa montée, puis les laissant tomber sur le sol où ses assistants les ont rassemblées pour les traîner dans la rue et les jeter dans la déchiqueteuse. Bientôt, les branches ont été réduites en petits morceaux et soufflées dans la benne à l’arrière de leur camion.

La cime de l’arbre a été coupée, puis abaissée au sol.

Lorsqu’il est arrivé près de la tête de l’arbre, il a enroulé une corde autour du tronc, a scié la tête avec sa tronçonneuse, puis l’a abaissée au sol où ses employés l’ont dépecée avant de mettre les branches dans la déchiqueteuse.

Sciage du tronc, section par section.

Dès lors, il a fixé la corde autour d’une section de tronc, l’a sciée, puis l’a abaissée pour que ses acolytes puissent la déposer à l’arrière de leur deuxième véhicule, une camionnette. (Nous ne voulions pas du bois.)

Moins de 90 minutes plus tard, ils avaient coupé le tronc jusqu’au sol (je n’ai pas demandé leur service d’essouchement : je mettrai tout simplement une jardinière sur la souche l’été prochain si je veux la cacher) et nettoyaient les allées. Un service rapide et efficace… mais pas nécessairement bon marché !

Après la dévastation

Le jardin d’ombre sous l’arbre peut ressembler à une scène d’horreur après le passage des arboriculteurs… mais je sais qu’il récupérera pleinement.

De toute évidence, des branches qui tombaient sur le parterre ainsi que les pieds des arboriculteurs qui martelaient le sol un peu partout sous l’arbre ont laissé le jardin en charpie. Ce jardin d’ombre était auparavant dominé par des plantes forestières indigènes avec quelques ajouts de plantes à feuillage panaché pour donner une note plus lumineuse à l’ensemble. Là, on aurait pu penser qu’un troupeau de vaches l’avait traversé : il y avait des plantes écrasées, brisées et déchirées partout. 

J’avais seulement demandé aux arboriculteurs de faire attention à ne pas endommager une seule plante, un cornouiller à feuilles alternes (Cornus alternifolia), parfois appelé cornouiller pagode à cause de sa croissance étagée, situé à un mètre du tronc. Je l’avais planté il y a une dizaine d’années pour remplacer éventuellement l’épinette (non, je ne suis pas clairvoyant, mais j’ai tendance à être prévoyant !) et ils ont soigneusement respecté cette restriction, laissant choir des branches d’épinette partout sauf sur lui.

Mais je ne suis pas préoccupé par cette apparente destruction des autres plantes. L’arbre est tombé au début de l’automne au moment où les plantes vivaces étaient à la veille de leur dormance annuelle, ayant déjà absorbé l’énergie solaire dont elles ont besoin pour leur croissance de l’année prochaine. C’est juste une apparence de destruction : la couronne des vivaces, couverte de plusieurs centimètres de paillis, n’a probablement pas été touchée du tout. J’ai laissé les feuilles et tiges brisées sur place pour qu’elles se décomposent et enrichissent le sol. Je m’attends à ce que mes vivaces de sous-bois aillent toutes très bien au printemps prochain.

Sous terre dans ce secteur, il y a aussi des milliers de bulbes de printemps. Je ne suis pas préoccupé par leur état non plus. Bien endormis, ils étaient en sécurité sous la terre. Ils reviendront certainement au printemps comme si de rien n’était.

Ce qui m’impressionne, c’est la quantité de lumière solaire qui parvient désormais au sol. Cette partie du jardin a été dominée par l’ombre dense d’un conifère à feuillage persistant pendant au moins 50 ans et est entourée d’autres arbres, dont d’autres épinettes. Toutes les vivaces et tous les bulbes poussaient alors dans l’ombre la plus profonde que vous puissiez imaginer. Au printemps prochain, la plupart se retrouveront au soleil. Eh bien, pas au soleil direct tout à fait — le jardin est du côté nord de ma résidence et il y a encore beaucoup de branches d’arbres dans le secteur, mais au moins des rayons arriveront jusqu’au sol. C’est beaucoup mieux qu’auparavant.

En fait, je m’attends à ce que la plupart des plantes poussent beaucoup plus vigoureusement à l’avenir. Aucune plante chlorophyllienne n’aime vraiment l’ombre profonde. Les « plantes d’ombre » n’apprécient pas l’ombre, elles ne font que la tolérer. Toutes préféreraient plus de lumière : la mi-ombre, au moins.

Je n’ai pas l’intention de planter un autre conifère pour remplacer celui qui a été enlevé. L’arbre de remplacement, le cornouiller pagode, est déjà là et bien qu’il soit maintenant assez grêle, il se remplira probablement considérablement maintenant que l’épinette n’est plus, grâce notamment à toute la lumière supplémentaire qu’il recevra. C’est un arbre beaucoup plus petit qui ne deviendra jamais assez grand pour que nous ayons à craindre qu’il endommage la maison lorsqu’il tombera.

Alors, adieu chère épinette: ce fut, sinon un plaisir, du moins une expérience intéressante ! Mais ton heure était venue. Mon jardin est maintenant prêt à faire des pas en avant.

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