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Mythe horticole : il ne faut pas mettre les pelures d’agrumes dans le compost

Par Larry Hodgson

L’idée qu’il ne faut pas mettre les pelures d’orange, de citron, de pamplemousse, de mandarine, etc. dans le composteur est un vieux mythe qui remonte au moins à l’époque où j’ai commencé sérieusement à faire du compostage il y a plus de 40 ans.

Les rares spécialistes du compostage de l’époque nous disaient qu’il ne fallait pas mettre les pelures d’agrumes ni aucune partie d’un agrume dans le bac à compost pour plusieurs raisons (et les raisons variaient selon la source de l’interdiction). En voici quelques-unes :

  • la pelure contiendrait des «produits inhibiteurs naturels» qui réprimeraient les microbes et les vers de terre;
  • la pelure serait trop acide et cela nuirait au processus de décomposition;
  • le compost final serait trop acide pour utilisation dans le jardin; 
  • la pelure prendrait trop de temps à se décomposer;
  • les agrumes sont traités chimiquement pour assurer une meilleure conservation et ce traitement empoisonnerait le compost.

Cette information continue de circuler aujourd’hui, même sur certains sites Web gouvernementaux pourtant censés promouvoir un compostage domestique raisonné. Heureusement, par contre, de plus en plus de sources d’information mettent à jour leurs informations. Mais ce faux avertissement demeure néanmoins encore assez courant.

Bac à compost avec déchets de cuisine.
Les pelures d’agrumes ont autant leur place dans le bac à compost que n’importe quel autre déchet de cuisine. Photo: congerdesign, pixabay.com

La vraie situation est que les pelures d’agrume — et d’ailleurs, toute autre partie d’un agrume : pépins, chair du fruit, feuilles, etc. — conviennent parfaitement au bac à compost. Il est vrai que si vous ne mettez que des restes d’agrumes dans le composteur, la décomposition se fera au ralenti. Et aussi, il est toujours préférable de couper les fruits entiers ou les gros morceaux de pelure en petits morceaux : les petits morceaux de presque tout produit se décomposent plus rapidement, car cela donne aux microbes plus de surface sur laquelle travailler.

Idéalement, vous feriez exactement comme vous auriez fait pour tout autre produit ajouté au tas de compost : équilibrer les matières vertes et brunes. Puisque les agrumes sont considérés comme une matière verte, vous ajouteriez au composteur une quantité environ égale de matières brunes (feuilles déchiquetées, brindilles, terreau utilisé, etc.). Si vous faites cela, vous serez étonné de la rapidité avec laquelle tout ce qui ressemble à un agrume disparaîtra du composteur.

On dit que les vers de terre n’aiment pas les agrumes… mais ils n’entrent généralement dans le processus de décomposition qu’assez tardivement et à ce moment-là, la partie «agrume» aura été suffisamment décomposée par les bactéries, les champignons et autres habitants du compost pour que les vers n’aient aucun problème avec eux.

Vers de terre dans une main humaine.
Les vers ne semblent pas vraiment dérangés par les pelures d’orange… en quantité raisonnable. Photo : Shanegenziuk, Wikimedia Commons

D’ailleurs, est-ce réellement vrai que les vers n’aiment pas les agrumes? J’avais l’habitude de mettre des pelures d’orange dans mon vermicomposteur et pourtant mes vers les ont mangés rapidement, en quelques jours seulement, et ne semblaient pas avoir été le moindrement dérangés par leur expérience. Bien sûr, je n’en ai mis qu’avec modération : les pelures d’une ou deux oranges par semaine. Si je n’avais mis que des pelures d’orange dans la boîte de vermicompostage, cela aurait pu causer un problème : les vers aiment la variété !

Quant à l’idée que les déchets d’agrume, étant acides, donneraient un compost trop acide pour utilisation, c’est un non-sens! On met déjà beaucoup de produits acides dans des bacs à compost (pommes, tomates et fraises, par exemple) et il n’y a jamais eu de problème avec eux. D’ailleurs, à peu près tout ce que vous compostez passera d’acide à alcalin et vice-versa à différents stades de sa décomposition, en fonction des microbes qui les digèrent à ce moment. Et quand le compostage est terminé, cela donne un compost fini au pH presque toujours entre 6 à 7 : exactement ce qu’il faut pour le jardinage! Les résidus d’agrumes ne sont pas différents : ils sont acides au début, mais seulement légèrement acides (un pH entre 6 à 7) une fois décomposés.

Mais qu’en est-il des traitements chimiques donnés aux agrumes pour prévenir la pourriture ? Si vous n’achetez pas d’agrumes biologiques, c’est certain qu’ils ont été traités ! Mais alors à peu près tous les fruits du commerce (raisins, pommes, fraises, cerises, etc.) l’ont été aussi. Rincez simplement vos fruits avant de les manger pour enlever le gros des produits. D’ailleurs, même si vous ne les rincez pas, les microbes ont des pouvoirs de décontamination étonnants et décomposeront presque tout, même ces produits chimiques. L’idéal est, bien sûr, d’acheter des produits bio (pour toutes sortes de raisons), mais si vous ne le faites pas, il demeure toujours plus écologique de mettre des restes légèrement contaminés au compost afin de les recycler au jardin que de les envoyer au site d’enfouissement des déchets!

Alors, n’hésitez pas à mettre les déchets d’agrumes (de préférence en petits morceaux) dans le bac à compost. Ils sont tout simplement un résidu végétal décomposable comme un autre !

Étiquettes + Agrumes dans le compost, Pelures d'orange dans le compost, Pelures d'agrume dans le compost


commentaire sur "Mythe horticole : il ne faut pas mettre les pelures d’agrumes dans le compost"

  1. Merci encore pour cet article éclairant! Lorsque j’ai appris à faire du compost avec monsieur compost invité par la ville, il disait qu’il fallait éviter de mettre des feuilles de chêne et des aiguilles de conifères en grande quantité dans le compost. Du coup, je les utilise comme paillis autour de mes framboisiers. Mais est-ce bien grave d’en mettre dans le compost? J’imagine qu’en grande quantité, ça peut jouer sur le pH, mais en petite quantité?

    • Les feuilles de chêne contiennent beaucoup de tanin et sont tellement longue a composter c’est beaucoup mieux de les mettre en miettes et de s’en servir comme paillis .Les aiguilles de conifères je les laissent au pied des coniferes

  2. Je lis tout vos articles envoyés merci beaucoup

  3. Merci ! Je vais pouvoir continuer à mettre les pelures d’agrume au compost sans avoir ce fameux doute à chaque fois.

  4. Merci pour ces explications claires

  5. Marie-Claude CISMONDI

    Oui, oui, merci de me conforter dans ma pratique ! Mais le mythe est tenace !

  6. H.S. Question: j’ai un plant de rhubarbe magnifique qui produit fort bien. Il est assez gros. Toutefois, des tâches apparaissent sur ses larges feuilles depuis quelques années. Je n’ai aucune idée de ce que cela peut être… Sa production de rhubarbe n’est aucunement altérée. Il est tacheté comme s’il avait des tâches de rousseur. Qu’est-ce cela pourrait être?
    P.S. J’adore votre blogue.

  7. Merci pour cet article. On m’a dit récemment que l’utilisation de feuilles de chêne comme matière brune risquait de ralentir le compostage. Une histoire de tannins?

  8. habitant en Afrique de l’ouest j’ai toujours mis les agrumes dans le compost de meme que les coquilles d’oeufs, les cartons d’oeufs, les poils de chien tout cela melange a toutes les feuilles du jardin tout se decompose sans probleme (a toute vitesse ici) et me donne un superbe terreau

  9. Très intéressant comme tous vos articles. Moi, j’en ai mis un peu trop ce printemps et j’ai attiré les guêpes. C’est la première fois que ça m’arrive en plus de 25 ans de compostage.

  10. Je me demande encore si quand on parle de portion égale vert et brun, ion parle de volume ou de poids… Un volume de feuille morte pèse beaucoup moins qu’un même volume de pelures fraiches et autres résidus végétaux de cuisine. Quelqu’un peut me dire?

  11. A+++ pour cet article !!
    Je faisais cela intuitivement, soit mettre des pelures d’agrumes, tant dehors dans le ‘Gros tas” que dans mes bacs de vermicompost dans la maison, mais toujours en petits morceaux (robot culinaire) et petite quantité en fonction de la masse du tas de compost. Résultat, tant dehors que dans mes bacs, je n’ai pas eu de problème.
    Cela dit, quand même : pour le vermicompost, je suis contente de vous lire car je gardais une petite inquiétude au point d’hésiter souvent et de préférer tout envoyer dehors dans le Gros tas.
    Bref, votre article vient à point. Grand merci !

  12. Avec les enfants, nous aimons prendre la collation dehors en hiver, et nous mangeons souvent toutes sortes d’agrumes. Nous jetons nos pelures d’agrumes directement dans la plate-bande. Quand vient le printemps et que la neige a fondu, on voit les pelures accumulées pendant l’hiver. Mais avec la température qui réchauffe et la végétation qui pousse, tout disparaît rapidement. Même si on cherche à travers les végétaux, dès le début juin, il n’y a plus rien! Et nous n’habitons pas en Afrique, mais sur la Rive-Sud de Montréal…! ? Ça permet d’apprendre aux enfants les cycles naturels et de l’utilité des petites bestioles qui grouillent dans l’arrière-cour!

  13. Merci pour cet article et votre travail en général.
    Il y a une expérience qui illustre bien, je trouve, à quel point les peaux d’agrumes ont leur place au compost comme tout autre déchet vert. Ca s’est passé au Costa Rica, où une entreprise de production de jus d’orange a déversé ses déchets de production sur une zone de terre pauvre pendant un an.
    Vous pouvez voir le résultat dans cet article : https://www.gurumed.org/2017/08/30/lexprience-abandonne-12-000-tonnes-de-pelures-doranges-ont-radicalement-transform-rgion-auparavant-dsertique/
    Bon compostage 😉