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La jolie mauvaise herbe : la campanule fausse raiponce

Par Larry Hodgson

J’ai cultivé toutes sortes de campanules (Campanula spp.) au cours de ma vie de jardinier: des petites plantes de bordure et de rocaille comme la campanule de Poscharsky (C. poscharskyana), la campanule des Carpates (C. carpatica) et la campanule des murailles (C. portenschlagiana, anc. C. muralis), des types de milieu de plate-bande comme la campanule à bouquet (C. glomerata) et la campanule hybride ‘Viking’ (C. â€˜Viking’) et des grandes variétés pour le fond du jardin comme la campanule laiteuse (C. lactiflora) et la campanule à larges feuilles (C. latifolia). La plupart sont des vivaces, mais certaines sont des bisannuelles, comme la campanule carillon ou tasse et soucoupe (C. medium). Et la plupart sont faciles à contrôler, bien que quelques-unes aient des rhizomes rampants qu’il faut quand même surveiller, comme la campanule ponctuée (C. punctata).

Illustration botanique de Campanula rapunculoides
Illustration botanique de Campanula rapunculoides. Ill.: Georg Sturm, Deutschlands Flora in Abbildungen

Cependant, seule une campanule est une véritable mauvaise herbe, reconnue comme telle sur les listes des mauvaises herbes nuisibles à l’agriculture de nombreux gouvernements et bannie de culture dans plusieurs régions: la campanule fausse raiponce (C. rapunculoides), appelée «creeping bellflower» et «zombie weed» en anglais. Et, comme toute mauvaise herbe, vous ne l’avez probablement pas plantée : elle est probablement apparue spontanément dans votre jardin.

Au début, beaucoup de jardiniers sont heureux de voir cette plante dans leur parterre ou leur potager: après tout, la campanule fausse raiponce produit de belles tiges de cloches pendantes bleu-violet tout à fait agréable à regarder. Mais vous découvrirez bientôt qu’elle se propage abondamment, parfois par semences, mais surtout par rhizomes souterrains rampants, étouffant se faisant vos autres plantes de jardin. Et elle ne fleurit pas si abondamment que cela non plus. Elle forme plutôt un tapis de jeunes spécimens sans fleurs parsemé ici et là de quelques plantes matures en état de fleurir.

Avec ses rhizomes rampants et des racines inextirpables, la campanule fausse raiponce semble avoir bien l’intention de conquérir le monde entier !

Histoire

Carte montrant l’étendue approximative de l’aire de répartition naturelle de la campanule fausse raiponce en Eurasie.
Étendue approximative de l’aire de distribution naturelle de la campanule fausse raiponce. Ill. : Nalagtus, Wikimedia Commons

La campanule fausse raiponce est originaire des régions tempérées d’Europe et d’Asie occidentale. Elle a une longue histoire d’utilisation comme aliment aussi, notamment dans le Nord de l’Europe. On récolte surtout ses racines et tubercules comestibles, mais aussi ses fleurs et ses jeunes pousses et feuilles, également bonnes à manger.

La plante a été introduite en Amérique du Nord à l’époque coloniale, soit comme plante ornementale de jardin ou comme légume (les avis divergent à cet égard). Toujours est-il qu’elle s’est depuis longtemps échappée de la culture et est maintenant bien établie comme plante adventice presque partout au Canada et aux États-Unis, notamment le long des routes et près des anciens jardins. Elle s’est également naturalisée en Nouvelle-Zélande, au Japon et dans certaines parties de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et de l’Australie. C’est généralement dans ces régions qu’elle est considérée comme très nuisible, car elle élimine les plantes indigènes sur son passage et n’a pas d’ennemis naturels pour la ralentir.

Derrière le nom

Mais d’où vient ce nom de «fausse raiponce»? Car peu de gens connaissent la vraie raiponce et encore moins la fausse. 

Campanule raiponce en fleurs.
La vraie raiponce a des fleurs plutôt dressées. Photo: Andreas Rockstein, Flickr

La «vraie raiponce», c’est C. rapunculus: la raiponce ou campanule raiponce, aussi appelée rave sauvage, une fleur des champs européenne et, autrefois, un légume cultivé pour sa racine comestible en forme de panais et ses feuilles également bonnes à manger. La raiponce est une campanule bisannuelle dont les fleurs sont similaires à celles de la fausse raiponce, bien que dressées plutôt que penchées.

Dans le conte des frères Grimm, la mère de l’héroïne aime tant la raiponce qu’elle en mange une énorme quantité pendant sa grossesse, à tel point qu’on appelle le bébé qui naît Raiponce.


Reconnaître son ennemie

Distinguer la campanule fausse raiponce d’autres campanules et de plantes apparentées (comme Adenophora spp.) peut être compliqué, car elle leur ressemble beaucoup. Voici quelques détails pour vous aider à la différencier des autres plantes campanuliformes:

  • La fausse raiponce atteint environ 30 à 100 cm de hauteur, rarement jusqu’à 140 cm.
  • La tige peut être dressée ou penchée. Elle porte des poils rugueux et est souvent violacée, surtout à la base.
Feuilles basales de la campanule fausse raiponce.
Feuilles basales. Photo : Matt Lavin, Flickr
  • Les feuilles basales sont triangulaires, grossièrement dentées, rugueuses et velues, en forme de cÅ“ur à leur apex. Elles mesurent environ 12 cm de long et 5 cm de diamètre, avec un bon pétiole. Plus haut sont les feuilles sur la tige, plus elles sont petites et étroites. Les feuilles supérieures sont sessiles ou n’ont qu’un pétiole très court.
Fleurs de campanule fausse raiponce.
Les fleurs en forme de cloche sont pendantes. Photo : Zeynel Cebeci, Wikimedia Commons
  • Les fleurs sont portées de juin ou juillet à septembre (dans l’hémisphère Nord) sur un seul côté de la tige. Elles sont bleu-violet et mesurent environ 2 à 4 cm de long. Elles sont pendantes et en forme de cloche (campanule veut dire «petite cloche», après tout). Elles ont 5 lobes pointus, souvent à marge un peu poilue.
  • La base de la capsule de graines arrondie est munie de pores qui s’ouvrent à maturité afin que les graines puissent être lancées un peu partout quand elle est secouée par le vent. Les graines nourrissent aussi les oiseaux granivores et autres animaux qui participent alors à leur distribution. Chaque plante peut produire jusqu’à 15?000 graines par an… malheureusement!
Racines et tubercule d’une campanule fausse raiponce
Campanule fausse raiponce déterrée montrant des racines et un tubercule. Photo : National Garden Association
  • Mais l’élément décisif en matière d’identification fait surface lors de l’arrachage de la plante. D’autres campanules cèdent facilement quand on tire dessus et sont faciles à enlever. La campanule fausse raiponce, au contraire, résiste aux tentatives pour l’enlever. Si vous réussissez, seule une partie des racines et des rhizomes suivra. Il faut creuser avec une pelle pour retirer le reste et notamment les tubercules blancs en forme de carotte. Si un tubercule, une section de rhizome ou même juste une racine épaisse reste dans le sol, la plante sera capable de se renouveler et le fera d’ailleurs assez rapidement. (Curieusement, les tubercules ne se trouvent pas directement sous la plante mère comme vous pourriez le penser, mais poussent ici et là à partir des rhizomes rampants, jusqu’à 30 cm ou plus de la talle d’origine.)

Contrôler une plante agressive

Campanule rampante poussant à la base d’un mur.
La campanule fausse raiponce peut pousser presque n’importe où. Photo: Anneli Salo, Wikimedia Commons

N’en déplaise aux jardiniers paresseux comme moi, il n’y a pas vraiment de façon facile de se débarrasser de la campanule fausse raiponce. Voici quelques réflexions sur son contrôle.

  • Limitez son expansion en la récoltant comme légume. Si vous pouvez vous convaincre que c’est un légume délicieux et désirable (ou si vous trouvez un voisin qui s’intéresse sérieusement au fourrageage [«foraging»]:  la recherche de nourriture dans la nature), vous pourriez être assez persistant dans vos récoltes pour garder la campanule fausse raiponce sous contrôle. Personnellement, je trouve que les tubercules et les racines sont insipides, avec une vague saveur de panais, et j’aurais de la difficulté à m’enthousiasmer à son sujet. Notez toutefois que le goût est à son meilleur au printemps. 
  • Bâchez le secteur avec une toile noire pour couper toute lumière aux fausses raiponces. Laissez-la sur place pendant deux saisons complètes. Un manque de lumière pendant si longtemps tuera les plantes de campanule fausse raiponce, mais parfois un tubercule reste vivant et alors une nouvelle pousse peut apparaître. Si c’est le cas, retirez-le immédiatement pendant qu’il est encore faible.
  • Arrachage? Si vous essayez d’arracher la plante (d’ailleurs, si vous en êtes capable!), vous découvrirez que cela ne fera que ralentir son expansion. Elle repoussera bientôt à partir des rhizomes et des tubercules laissés dans le sol.
  • Essayez de déterrer toute la plante, ce qui peut signifier descendre de 20 cm ou plus dans le sol. Lorsque vous trouvez un rhizome horizontal, tirez-le doucement et suivez son chemin latéral jusqu’à ce que vous arriviez à un point où il s’accroche avec ténacité au sol. C’est là qu’il faut creuser, car c’est là qu’il a produit un de ses tubercules autrement si bien cachés. Il peut être judicieux de tamiser le sol après l’extraction pour éliminer le moindre morceau de racine ou de rhizome restant à partir duquel la plante pourrait repousser.

Astuce: La seule partie de la campanule fausse raiponce que vous devriez mettre dans le tas de compost est ses feuilles: les racines, les tubercules, les rhizomes et les graines peuvent survivre au compostage et causer une nouvelle infestation.

  • Ne permettez jamais à la campanule fausse raiponce de monter en graine. Bien sûr, vous pouvez profiter des fleurs pendant qu’elles sont là, mais lorsque la tige florale ne porte plus que 1 ou 2 dernières fleurs, il serait sage de la supprimer.
  • Paillez le jardin. Cela ne supprimera pas les plantes déjà présentes, mais empêchera de nouvelles plantes de germer à partir des semences qui tombent au sol.
  • Appliquez un herbicide. Et pas n’importe lequel. Vous voulez un herbicide systémique total comme le glyphosate, un qui pénètre dans la plante et perturbe sa circulation hormonale. Les herbicides de contact, soit ceux qui restent à l’extérieur de la plante et ne font que brûler le feuillage — et les herbicides biologiques appartiennent à cette catégorie —, n’auront pas beaucoup d’effet contre cette plante. Elle produira simplement de nouvelles feuilles pour remplacer celles qui ont été perdues. Je dois confesser que je n’utilise pas d’herbicides systémiques moi-même, mais je sais que d’autres jardiniers le font. Alors, si c’est votre cas, minimisez les dommages environnementaux en peignant l’herbicide directement sur les feuilles plutôt qu’en le pulvérisant. Vous constaterez qu’il faut faire des traitements répétés même quand vous utilisez un herbicide systémique. Cette plante est réellement difficile à tuer!
  • Changer les conditions de croissance ne sera que de peu d’aide dans le contrôle de la campanule fausse raiponce. Après tout, cette plante peut pousser dans presque toutes les conditions, dont dans à peu près n’importe quel type de sol — sec ou humide, acide ou alcalin, riche ou pauvre, dense ou léger — et dans la plupart des situations de luminosité, du plein soleil à l’ombre modérée. Cependant, une ombre profonde finira bien par la tuer: ainsi, si vous plantez une forêt, elle finira par faire assez d’ombre à la plante pour l’éliminer.

La campanule fausse raiponce : j’espère que vous n’avez pas cette plante dans votre jardin, mais si vous en avez et que vous voulez la contrôler, vous devrez vous attendre à y investir pas mal d’efforts!

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commentaire sur "La jolie mauvaise herbe : la campanule fausse raiponce"

  1. Anonyme dit :

    Pourquoi en vendent-ils dans les pépinières et que personne nous mets en garde?

  2. Sylvie dit :

    Je l’ai découverte, justement hier dans mon jardin. Je la trouvais très belle et je me trouvais chanceuse…malchance. Merci, pour les recommandations. Elle poussait justement au pied d’une clématite.

  3. Aime Sea dit :

    Et Zut, elle est apparue au bord de l’étang et je la trouvais bien mignonne et il me restait à l’identifier…et rezut.

  4. Viviane dit :

    Plusieurs de mes plates-bandes sont envahies par cette mauvaise herbe contre laquelle je me bats depuis des années. Ce que je trouve le plus difficile, c’est l’identification lorsque les plants sont jeunes. Il m’est arrivé d’arracher des bébés échinacées pourpres en pensant que c’était l’intruse. Maintenant, quand je doute, j’attends que les fleurs sortent, et si elles sont toutes du même côté, j’arrache! J’ai renoncé à enlever les rhizomes parce que ça démolit mes plates-bandes. J’espère les épuiser à l’usure (à moins que ce soit la campanule fausse-raiponce qui m’épuise, moi!). Merci pour cette mine d’informations que je vais conserver précieusement.

  5. Line dit :

    L’automne passé j’ai arroser une partie de ma pelouse qui était infestée de cette ma…… plante. Elle semblait toute éliminée
    après en plus un hiver sous la neige.
    Ce printemps j’ai remis du terreau à semis, semer et bien il y en a encore. À la jardinerie on m’a dit que j’aurais dû attendre que les nouvelles pousses sortent de terre, arroser à nouveau et semer quand tout aurait été éliminé. Pas mal décourageant. J’en ai également au travers de mes plants de bleuets donc impossible de l’arracher même en creusant.
    On ne pourra jamais s’en débarrasser. Il en pousse même entre la chaîne de rue et l’asphalte.
    J’ai déjà fait l’exercice pour établir une nouvelle plate-bande en sassant la terre pour enlever les racines et rhizomes sans grand succès.
    On a pas le choix il faut vivre avec.
    Encore merci pour vos bon conseils. Toujours un plaisir de vous lire.

    • Viviane dit :

      C’est vrai qu’elle se répand partout. Quand je me promène dans les rues à Québec, j’en vois autour des poteaux de téléphone, le long des entrées asphaltées, et même (horreur!) dans les aménagements paysagers. Comme vous dites, je crois qu’il va falloir apprendre à vivre avec.

  6. Clara dit :

    Depuis deux ans, je coupe le feuillage à la base dès que je le vois apparaître et cette année, aucune tige n’est montée en fleurs. J’espère bien arriver à m’en débarrasser de cette manière. Heureusement, elle est pour l’instant dans une plate-bande isolée des autres.

  7. lanaudoise dit :

    Elle correspond bien à la definition de mauvaise herbe: difficile à arracher…. Je n’en ai pas et espère ne jamais en avoir. Merci pour l’avertissement.

  8. J.J. dit :

    “Alors, si c’est votre cas, minimisez les dommages environnementaux en peignant l’herbicide directement sur les feuilles plutôt qu’en le pulvérisant. ”

    Voilà un très bon conseil, théoriquement inutile en France où les désherbants systémiques sont interdits à l’emploi et à l’achat pour les particuliers, mais sont autorisés pour les agriculteurs.

    Je constate que des plantes anodines dans leur milieu naturel deviennent souvent envahissantes lorsqu’elles sont exportées. C’est le cas de la salicaire qui se maîtrise en France mais qui est devenue envahissante paraît-il dans certaines régions du Canada.
    En France à ma connaissance, les campanules ne sont pas envahissantes. Rassurez vous, on en a beaucoup d’autres importées, comme la jussie qui envahit zones humides , ou la renouée de Sakhaline, le phytolaque, ou “raisin d’Amérique, etc. Il y en a des pages !

  9. Jean Denis Brisson dit :

    J’ai vu ce matin une campanule fausse-réponse à fleurs blanches dans le Parc des Hauts-Fonds à Saint-Augustin-de-Desmaures, mais JE N’AVAIS PAS MA CAMÉRA POUR LA PHOTOGRAPHIER. J’Y RETOURNERAI DEMAIN. Utile dans un ‘jardin blanc’ ?

  10. Ème dit :

    Que pensez-vous de la Salicaire Robert ? S’agit-il aussi d’une plante envahissante, difficile a contrôler au jardin et qu’on devrait éviter d’acheter en pépinière?

  11. Pascale Rahir dit :

    Au jardin j’ai Adenophora Kashiana est-ce la même plante ? Elle lui ressemble beaucoup.

    • Catherine dit :

      Très surprenant de lire votre recommandation sur le glyphosate, particulièrement cette semaine, alors qu’on a tant parlé de ses dangers dans les médias, et que beaucoup réclament son interdiction pure et simple au Canada. Bien déçue de voir que vous le recommandez!

      • Je ne pense pas que vous avez bien compris. Je ne le recommande pas. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre. Les gens l’utilisent; aussi bien de leur montrer comment l’utiliser de façon raisonnablement écologique.

    • Non, mais c’est un proche parent.

  12. Me AITOU dit :

    J’adore les campanules, elles nous donnent de précieuses informations sur la qualité de la terre qui les soutient dans leur harmonieux développement. Comme de nombreuses plantes qui sont à pousse “spontanée”.

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