Categories

Recherche

Mythe horticole : il ne faut pas composter les feuilles de rhubarbe

Par Larry Hodgson

À cette saison de récolte de la rhubarbe (Rheum × hybridum), plusieurs sites Web vous mettent en garde contre l’utilisation de feuilles de rhubarbe dans le compost. Après tout, tout jardinier sait qu’on mange le pétiole de la rhubarbe, mais pas le limbe de la feuille, puisqu’il est toxique. Donc, il semble logique qu’il ne faille pas placer ses feuilles dans le composteur pour ne pas empoisonner le compost.

Mais cette idée est fausse. C’est un autre mythe de jardinage comme il y en a tant qui courent. D’ailleurs, si c’était vrai, alors les jardiniers commettraient un faux pas horticole depuis fort longtemps. Même mon père mettait les limbes de feuilles de rhubarbe dans le compost!

Acide oxalique

L’élément toxique principal contenu dans les feuilles de rhubarbe est l’acide oxalique (C2H2O4), qui est toxique pour les mammifères, les oiseaux et certains insectes s’il est ingéré en quantités importantes. D’ailleurs, si la rhubarbe en produit, c’est pour se protéger de ses prédateurs. Mais c’est aussi un produit naturel hautement et rapidement décomposable. Les vers de terre, notamment, ont dans leur système digestif des bactéries spécifiquement chargées de sa décomposition.

Feuilles de rhubarbe au sol, certaines sont jaunes.
Les feuilles de rhubarbe se décomposent rapidement. Photo: Maggiemorley, growsonyou.com

Si vous laissez des feuilles de rhubarbe au sol, elles se décomposent et disparaissent, d’ailleurs assez rapidement. Pourquoi ne seraient-elles pas capables de le faire dans un composteur?

D’ailleurs, nous consommons régulièrement de l’acide oxalique en quantités plus limitées sans que cela nous rende malades. C’est ce qui donne le goût acidulé aux épinards, par exemple. Et on trouve de l’acide oxalique dans le thé, le chocolat, l’oseille, les noix, les céréales, les fèves et beaucoup d’autres produits végétaux.

Le compost produit est sécuritaire

D’accord, les feuilles se décomposeront dans le composteur. Mais le compost produit ne serait-il pas toxique? Ne pourrait-il pas empoisonner les plantes de nos jardins?

Bien sûr que non.

Il va sans dire que le compost produit par les feuilles de rhubarbe peut être utilisé avec impunité. Non seulement l’acide oxalique se décompose rapidement (et décomposer veut dire qu’il n’est plus là!), mais même s’il devait en rester encore (ce qui est peu probable, mais peut-être que dans un compost pas tout à fait mûr, il pourrait en rester des traces), les racines des plantes sur lesquelles vous utilisez le compost ne peuvent pas absorber l’acide oxalique. Il doit être décomposé en ses éléments d’origine (eau et carbone, essentiellement) avant que les plantes ne puissent l’absorber.

Donc, juste pour vous rassurer, il n’y a aucun risque que les plantes exposées au compost fait à partir de feuilles de rhubarbe deviennent toxiques à leur tour.

Et les autres plantes toxiques?

Les feuilles de pommes de terre et d’autres plantes toxiques peuvent aussi aller dans le compost. Photo: Manuel Anastácio, Wikimedia Commons

Il en va de même pour les autres plantes toxiques de nos jardins: aconit, digitale, petit prêcheur, brugmansia, nicotiana, etc. Elles contiennent différents produits qui sont toxiques pour les humains et certains animaux… mais que les microbes trouvent délicieux et se mettront rapidement à décomposer.

D’ailleurs, les feuilles et tiges de pommes de terre (Solanum tuberosum) sont toxiques pour les humains et pourtant des générations de jardiniers les ont mises au compost. Pourquoi faire exception avec la rhubarbe?

Feuilles de noyer

Noyer avec feuilles et noix.
Les feuilles de noyer aussi peuvent aller dans le compost. Photo: MONGO, Wikimedia Commons

Peut-on mettre les feuilles de noyer (Juglans spp.) au compost? On sait que cet arbre produit de la juglone, un produit toxique pour les autres végétaux, et qui fait en sorte que peu de plantes peuvent pousser au pied d’un noyer (voici un article sur les plantes qui peuvent pousser au pied d’un noyer), mais cela n’empêche pas de les mettre au compost, de préférence finement hachées. Vous trouverez plus de renseignements dans le texte Oui, on peut composter les feuilles de noyer.

Les plantes toxiques au toucher

Voilà pour les plantes qui sont toxiques par ingestion. Mais que dire des plantes qui provoquent des réactions cutanées au simple toucher, comme l’ortie (Urtica spp. et Laportea spp.), la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), le panais sauvage (Pastinaca sativa) et l’herbe à la puce (Toxicodendron radicans)?

Ortie en fleurs
Les feuilles de la grande ortie (Urticaria dioica) agissent comme activateurs de compost. Photo: Michael Gasperl, Wikimedia Commons

L’ortie (Urtica spp.) est bien irritante au toucher, mais aussi, étant très riche en azote, est un excellent produit à mettre dans le compost. On la considère même un activateur de compost. Mais ne mettez que les tiges et les feuilles dans le compost, pas les racines, car elles sont envahissantes et peuvent échapper à la décomposition. Et pas de graines non plus, car parfois elles aussi survivent au compostage. Bien sûr, il faut la manipuler avec le plus grand soin: gants, manches longues, pantalons longs, etc.

 berce du Caucase
Les feuilles et tiges de la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) peuvent théoriquement aller dans le composteur… mais mieux vaut les laisser se décomposer sur place. Photo: Liné1, Wikimedia Commons

Les autorités vont vous mettre en garde contre l’utilisation de la berce du Caucase et du panais sauvage dans le compost, mais c’est surtout une question de sécurité pendant la manipulation des plantes et du risque d’introduire une plante toxique dans un nouveau milieu. Les deux végétaux, en fait, se décomposent rapidement dans le compost et les furanocoumarines qui provoquent les réactions chez l’humain ne résistent pas à la décomposition. D’ailleurs, le feuillage disparaît en quelques semaines si on le laisse au sol, signe qu’il est bien aimé des microbes.

Si vous êtes absolument certain de pouvoir vous protéger correctement pendant les manipulations (ajoutez un chapeau et des lunettes de sécurité aux gants, manches longues et pantalons longs recommandés pour l’ortie), vous pouvez mettre leurs feuilles et tiges (pas leurs racines ou leurs semences, toutefois) dans le compost… mais il serait plus sage de tout simplement les laisser se décomposer au sol là où elles ont été fauchées… ou de les ensacher dans des sacs de plastique noir et de les placer au soleil pendant environ une semaine, ce qui détruira les furanocoumarines par solarisation, avant de les mettre aux ordures.

Herbe à la puce
Ne déposez pas l’herbe à la puce au compost. Photo: Hardyplants, Wikimedia Commons

L’urushiol, le produit huileux toxique présent sur les feuilles, tiges et fruits de l’herbe à la puce (Toxicodendron radicans) et de ses proches parents, comme le sumac à vernis (T. vernix), est au contraire très lent à se décomposer et peut persister pendant des mois, non seulement sur la plante en décomposition, mais aussi sur les parois du composteur et sur les outils utilisés pour retourner le compost. C’est une des rares plantes qu’on ne devrait jamais mettre dans le compost. On recommande de recouvrir de terre les résidus d’herbe à la puce qu’on a coupés et de ne pas y toucher avant au moins un an. 


Et voilà! Essentiellement, toutes les feuilles peuvent aller dans le compost, à l’exception de celles de l’herbe à la puce et de ses parents.

Article adapté d’un billet originalement publié dans ce blogue le 25 mai 2016.

Étiquettes + Composter les feuilles de rhubarbe, Mythe horticole: feuilles de rhubarbe, Compostage feuilles toxiques


commentaire sur "Mythe horticole : il ne faut pas composter les feuilles de rhubarbe"

  1. Frédéric Bergeron

    Est t’il vrai qu’on peut utiliser les feuilles de la rhubarbe en infusion, pour ensuite arroser les plants de tomate et autres, comme insecticide ??

    • J’entends souvent cette recommandation, mais n’ai jamais vu de preuve que cela fonctionne. Étant donné que la rapidité avec lesquels les principes toxiques de la rhubarbe se décompose, j’estime que c’est probablement encore un mythe.

      • Pour éloigner les petits pucerons sur les feuilles de concombres et de fèves quand les plants sont encore jeunes, je fais tremper un tas de feuilles de rhubarbe dans un seau d’eau que je laisse macérer durant 1 semaine dehors à la chaleur. Après, je prends moitié liquide et moitié eau et j’arrose ces plants aux 2 jours jusqu’à ce que les plants soient plus gros.

  2. merci pour les bons conseils

  3. Bonjour M. Hodgson, Bien d’accord. Commentaire concernant l’acide oxalique : j’ai toujours conservé chez moi des plants d’oseille et j’en ai consommé régulièrement les feuilles sans aucun problème. Ces feuilles ne contiennent-elles pas de l’acide oxalique ! Bonne journée, Alain Gauvin

  4. Bonjour, je tente d’aller sur la page du lien ” plantes qui peuvent pousser au pied d’un noyer” mais je tombe sur une page inexistante ! merci pour votre implication auprès de vos lecteurs

  5. Et on trouve de l’acide oxalique dans le thé, le chocolat, les noix, les céréales, les fèves et beaucoup d’autres produits végétaux….
    Et dans l’oseille ,d’où cet acide tire justement son nom : “petite oseille” : Oxalis acetosella.
    Je composte les feuille de rhubarbe sans inconvénients depuis de décennies.
    Par contre, je brûle les tiges de pommes de terre pour raisons sanitaires : MILDIOU !

  6. Bonjour. Merci pour vos précieux article. Alors du coup nous pouvons composter le ricin sans problème ??

  7. Dans son document « Le compostage facilité », guide sur le compostage domestique, NOVA Envirocom ne recommande pas les feuilles de rhubarbe au compost parce que c’est un insecticide naturel qui peut tuer les organismes décomposeurs. Qu’en pensez-vous?

    • Comme bien des sites Internet, cette compagnie a dû noter cette information sans vérifier les faits.

      • On trouve en effet sur internet des informations parfois plus que douteuses.
        J’ai lu sur un site que les topinambours étaient recommandés pour soigner le diabète car il contiennent de l’insuline.
        Si effectivement la consommation de topinambours peut être recommandée aux personnes diabétiques, ce n’est pas l’INSULINE, mais l’INULINE(contenue dans les racines de beaucoup d’astéracées : artichaut, dahlia, pissenlit etc.) , qui peut permettre (pour faire court)une meilleure assimilation des glucides, mais certainement pas un effet curatif.
        Par contre cette même inuline peut provoquer des désordres dans la digestion, provoquant des phénomènes venteux indésirables ….

      • Confondre insuline et inuline pourrait être une situation sérieuse!

  8. Bonjour, merci des précieux conseils. Je me demandais, qu’en est-il du muguet? On lit partout sur internet que les fruits, feuilles, tige et racine sont toxiques. Une fois qu’on réussi à l’éliminer du jardin, la terre reste-elle contaminée? Pourrait-on y faire pousser des légumes?

    • Aucun risque de contaminer le compost de substances toxiques… mais mieux vaut ne pas mettre des rhizomes ou des fruits dans le compost au cas où ils ne se décomposent pas et alors, libère le muguet dans un nouvel espace de jardin.

  9. Encore merci de démonter tous ces mythes horticoles.

    Autre mythe, culinaire celui-là, concernant la rhubarbe: il faut la peler pour ne pas avoir une compote ou une confiture fibreuse. C’est complètement faux surtout si on utilise de la rhubarbe fraîche du jardin. Sans compter que ce n’est pas facile de peler les tiges et que si l’on s’y prend mal la moitié de la rhubarbe va sur le compost.

    Un autre mythe tenace recommande de renverser les pots de confiture après remplissage pour éliminer les bactéries qui s’introduiraient sous le couvercle. Aberrant du point de vue scientifique. Ce mythe est véhiculé par tous les chefs professionnels et amateurs, en France en particulier pays de tous les mythes et craintes sanitaires.

    Je n’ai jamais pelé la rhubarbe ou renversé mes pots depuis 50 ans que je la cuisine et fais des confitures avec tous les fruits sans aucun problème.

    • Bonjour! Dans ma famille (France), on retourne effectivement toutes nos confitures. Mais pas une question de stérilisation du tout, simplement pour assurer une meilleure étanchéité (la plupart des bocaux que l’on utilise et réutilise á l’infini sont vissés), l’air se rétracte en refroidissant et le fait de mettre le poids sur l’envers permet d’éviter les “fuites” d’air. Nous gardions ainsi nos confitures plusieurs mois, même plusieurs années sans problème.

  10. Cismondi Marie-Claude

    Bonjour . Bien des fois je lis ou j’entends qu’il ne faut pas composter les peaux d’agrumes…qu’en dites-vous ?. J’ai respecté ce conseil pendant des années, mais cette année j’ai tout mis au composteur , jusque-là ça à l’air de bien se décomposer…

  11. Geneviève Lalonde

    Bonjour Monsieur le jardinier paresseux, j’habite la ville de Laval où nous avons la collecte du bac de déchets compostables. Pour éviter de répandre des maladies ou plantes envahissantes, quelles sont celles qui ne doivent pas être mises au compost car elles ne perdent pas leurs indésirables attributs. ?

  12. Bonjour, Que puis-je utiliser comme insecticide naturel contre les pucerons qui envahissent mon potager sans nuire aux insectes pollinisateurs? Est-ce que le jus de feuilles de rhubarbe peut avoir un effet néfaste sur les pollinisateurs? Merci