Réussir la culture du luffa dans un climat froid
Les luffas ne sont pas faciles à cultiver dans les régions aux étés courts. Si toutefois vous voulez tenter l’expérience, lisez plus loin. Photo: naturallivingideas.com
Par Larry Hodgson
La plupart des gens connaissent déjà l’éponge de luffa (on écrit aussi louffa, loufah et luffah, du mot arabe pour le fruit), largement utilisée comme outil de récurage dans la cuisine et comme exfoliant, à l’instar d’un gant de crin, dans la salle de bain, mais beaucoup semblent croire que cette éponge pousse sous la mer. Ainsi, ils confondent le luffa avec la véritable éponge, qui est effectivement un animal multicellulaire aquatique qui est récolté et séché pour la vente commerciale.
Le luffa ou éponge végétale est plutôt l’intérieur séché d’un fruit qui pousse sur une plante grimpante de la famille des courges (Cucurbitacées). Il existe deux espèces couramment cultivées à cette fin: le luffa angulaire (Luffa acutangula), qui a un fruit avec des côtes proéminentes, et le luffa lisse (L. aegyptiaca), à la peau lisse et qui, en fait, ressemble beaucoup à un concombre. Le deuxième est probablement le plus populaire dans les jardins.
Une autre chose que la plupart d’entre nous ne savent pas sur les luffas est que, lorsqu’ils sont récoltés immatures, comme vous le feriez pour un concombre, les fruits sont comestibles et sont des légumes populaires dans de nombreuses cuisines asiatiques et africaines.
Cultiver des luffas sous un climat froid
Lectrice Michèle m’a récemment demandé comment réussir les luffas au Québec, dans la zone de rusticité 4. Je lui ai plutôt suggéré de cultiver quelque chose d’autre… mais j’ai ensuite promis d’écrire plus longuement sur la culture en climat froid de ce légume exotique dans ce blogue. Et voilà que je remplis ma promesse.
Très honnêtement, ce n’est pas une culture que je recommande, mais si vous êtes prêt à y consacrer quelques efforts, la culture du luffa en climat froid n’est quand même pas impossible. Voici comment procéder :
Sous un climat approprié, le luffa n’est pas plus difficile à cultiver que le concombre, auquel il ressemble à bien des égards, mais il a besoin d’une très longue saison de croissance (environ 200 jours) et d’une chaleur constante pour produire un fruit assez mature pour servir d’éponge. Cela le rend difficile à cultiver dans un climat où la saison de croissance dure 120 jours ou moins et où les nuits sont susceptibles de descendre en dessous de 10 °C à tout moment entre la plantation et la fin de l’automne.
Dans les régions plus chaudes, comme le sud de la France, le cultiver en plein air sans autre attention est tout à fait possible, mais dans les zones de rusticité 6 et moins — autrement dit, presque partout au Canada et même dans le centre et le nord de l’Europe —, une récolte intéressante sans une protection contre les éléments est loin d’être assurée.
Le secret pour réussir la culture du luffa en climat le moindrement froid est de le faire «sous verre», pour utiliser le terme consacré pour une culture en serre, même si de nos jours, on utilise plutôt des serres couvertes de plastique transparent que de verre. Souvent, on emploie une serre démontable ou un tunnel, par exemple, ou l’on recycle un vieil abri d’auto à cette fin.
L’idée est d’ouvrir des panneaux de la serre pendant la journée pour l’aérer et laisser échapper toute chaleur excessive (sauf les jours les plus frais) et de les fermer la nuit, du moins si on redoute que la température chute en dessous de 15 °C. (La température critique est en fait de 10 °C, mais pourquoi prendre un risque?) Même une seule nuit à moins de 10 °C peut arrêter net la croissance de la plante qui attendra alors jusqu’à un mois avant de reprendre sa poussée. À 5 °C, la plante risque même de mourir.
Avec cette protection supplémentaire, cependant, et aussi une récolte un peu anticipée, vous devriez connaître le succès.
Je vis moi aussi en zone 4 et j’ai réussi à cultiver des luffas avec succès seulement deux fois (d’ailleurs, après 2 années d’échec). C’était il y a trois décennies quand j’étais un jeune jardinier beaucoup moins paresseux et toujours à la recherche d’un défi. Depuis, j’ai découvert que je n’ai pas besoin de forcer des plantes mal adaptées à se plier à mes besoins: il existe amplement de plantes qui aiment mes conditions et qui peuvent alors se cultiver facilement et je m’y restreins. D’ailleurs, si je veux une éponge végétale, j’ai les moyens de m’en acheter une!
Alors, ici, je vais partager ce que je sais de la culture du luffa et si vous voulez relever le défi, cela dépend de vous. Mais je vous recommande d’essayer quelque chose d’un peu plus facile si vous vivez dans une région où l’été est frais, court ou les deux : entre autres, des parents du luffa comme le concombre, le cucamelon ou la courge.
Étape par étape
Voici ce qu’il faut faire pour réussir les luffas dans un climat froid.
- Achetez des semences fraîches, facilement disponibles en ligne chez différents semenciers.
- Démarrez le processus 8 semaines avant la date à laquelle vous pensez pouvoir placer le luffa dans votre serre (généralement environ 7 à 14 jours après la date du dernier gel). Dans ma région, je devrais pouvoir le repiquer vers la mi-juin et donc, un semis à la mi-avril serait approprié. Ne semez pas trop tôt, sinon les plants deviendront trop matures en pot et réagiront alors mal à leur transfert au jardin. Vous voudrez plutôt des plants «jeunes et fringants», prêts à se lancer en une croissance rapide une fois qu’ils seront à leur emplacement final.
- Faites tremper les graines pendant 24 heures dans un thermos d’eau tiède ou percez une petite brèche dans la marge de la graine avec un coupe-ongles, deux méthodes qui aident à stimuler une germination plus rapide.
- Préhumidifiez votre mélange de terreau (n’importe quel mélange commercial de terreau pour semis ou pour plantes d’intérieur fera l’affaire) avec de l’eau tiède, remuant jusqu’à ce qu’il soit également humide, mais pas détrempé.
- Remplissez un grand «godet de tourbe» (ces jours-ci, beaucoup sont en fait fabriqués de fibre de coco ou même de bouse de vache!) ou un pot en papier journal avec ce mélange. L’avantage d’un pot aux parois perméables de cette sorte est que vous pourrez transplanter au jardin le pot de luffa au complet, sans déranger ses racines. Et vous ne voulez pas déranger les racines d’un luffa, car cela provoque un retard de croissance… et dans une saison déjà trop courte, vous ne pouvez pas vous permettre le moindre retard.
- Semez 2 ou 3 graines par pot à une profondeur de 2 cm.
- Recouvrez le pot avec un dôme ou un sac en plastique transparent pour maintenir une humidité élevée et une température uniforme.
- Placez le pot sur un tapis chauffant : cela fait une différence énorme dans les résultats. Les graines germent alors plus rapidement (en moins d’une semaine) et le taux de germination est excellent. Sans chaleur, la germination peut prendre 2 semaines ou plus et le taux de germination est souvent inférieur à 50%.
- Après la germination, retirez le revêtement en plastique.
- Placez le pot sous un éclairage artificiel ou devant une fenêtre ensoleillée. Une température normale d’intérieur (21 à 24 °C) est alors acceptable, mais laissez le pot sur le tapis chauffant si l’emplacement est frais, surtout la nuit.
- Si plus d’un plant germe par pot, supprimez-les tous sauf un.
- Arrosez au besoin, maintenant le mélange de culture légèrement humide. Ajoutez un engrais soluble biologique à l’eau tous les 10 jours environ.
- Le luffa produira rapidement des vrilles et essaiera de grimper, mais vous ne voudrez pas qu’il se fixe sur quelque chose qui est impossible à déplacer, comme une moustiquaire. Vous pouvez alors fournir un treillis court que vous pourrez déplacer avec la plante lors du repiquage ou encore, plier les tiges un peu pour qu’elles poussent latéralement plutôt que vers le haut.
- Lorsque les journées en plein air commencent à se réchauffer, préparez le sol dans l’aire de plantation (l’emplacement doit être en plein soleil, idéalement sans la moindre ombre) en y mélangeant quelques poignées de compost. Vous pouvez également faire pousser des luffas dans un grand bac si vous préférez.
- Il peut être judicieux de déposer un paillis de plastique noir sur l’aire de croissance environ deux semaines avant le repiquage pour réchauffer davantage le sol.
- Installez la serre environ une semaine avant le repiquage prévu.
- Installez un treillis ou un autre support robuste dans la serre: peut-être une cage à tomates de grande taille et extra solide ou des cordes fixées sur la structure de la serre. (J’utilisais une clôture grillagée de type Frost.) Autrement, vous pouvez laisser la plante courir sur le sol, bien que cela donnera probablement des fruits qui toucheront le sol et qui risqueront alors d’être courbés plutôt que droits.
- Il est utile de placer un thermomètre dans la serre pour confirmer que la température nocturne reste toujours au-dessus de 10 °C.
- Lorsque la température est enfin suffisamment chaude jour et nuit, repiquez soigneusement le luffa dans le sol préparé, enterrant le godet au complet, sans déranger les racines. Laissez environ 45 à 90 cm entre les plants.
- Comme mentionné précédemment dans l’article, gardez la serre fermée pendant les nuits fraîches pour emprisonner la chaleur, mais ouverte pendant la journée, à moins que les températures ne soient très fraîches.
- Arrosez profondément et souvent. Ne laissez jamais la plante souffrir de la sécheresse.
- Le luffa croît très vigoureusement, atteignant facilement 3 m si on le laisse faire (3 fois plus en climat chaud!) et il vous faudra sans doute alors contrôler ses tiges grimpantes, les repoussant vers votre treillis lorsqu’elles s’en éloigneront.
- Les premières fleurs jaunes paraissent à la mi-été. Elles ressemblent aux fleurs de concombre, mais poussent en grappes… et elles sont toujours mâles. Il faut encore quelques semaines avant l’apparition des premières fleurs femelles. Lorsqu’elles apparaissent enfin (facilement reconnaissables par le long ovaire en forme de gourde à leur base), il est important de laisser la serre ouverte pendant la journée afin que les insectes pollinisateurs puissent entrer et faire leur travail.
- Si vous voulez utiliser les luffas en cuisine plutôt que de les employer comme éponge, récoltez-les quand ils mesurent environ 7 à 15 cm de longueur. Plus gros, ils deviennent fibreux et indigestes.
- Maintenez les «conditions de serre» à mesure que les températures automnales arrivent pour étirer la saison de croissance au maximum.
- Théoriquement, vous devriez attendre que les fruits commencent à brunir, montrant ainsi qu’ils sont pleinement matures, avant de les récolter, mais votre serre deviendra de moins en moins efficace à mesure que la température nocturne baissera à l’extérieur. Il est donc peu probable que les fruits arrivent à pleine maturité dans une serre en climat froid. (D’ailleurs, ils ne seront probablement pas aussi gros que ceux cultivés dans des conditions tropicales, non plus.) Au lieu de cela, quand les fruits cessent de grossir et que vous entendez un petit bruit sec lorsque vous les secouez — ou encore, quand les nuits deviennent sérieusement froides et que vous ne croyez plus pouvoir maintenir une température nocturne au-dessus de 10 °C, — récoltez-les.
- Décollez la couche extérieure du fruit (plus le fruit est mature, plus elle est facile à enlever), secouez-le pour faire tomber les graines et voilà: une éponge de luffa parfaitement utilisable.
Donc, oui, vous pouvez cultiver du luffa dans un climat où la saison de croissance est courte et froide… mais êtes-vous vraiment prêt à y consacrer autant d’efforts?
Bravo et merci pour vos explications !
Pourquoi ne pas demander des frais d’abonnement pour répondre à nos questions ?
Merci pour ces informations !
Cher M. Hodgson,
“Lectrice Michèle” vous remercie grandement de cet article très exhaustif 🙂 !!
On appelle ça faire du suivi – et quel suivi ! Difficile d’être plus détaillé que ça. Grand merci.
Cela dit, j’ai lu soigneusement toutes les instructions et étapes que vous mentionnez et, même dans ma serre qui est non chauffée et dans ma région sur le littoral du Fleuve (en Z4 avec quelques sections Z5 sur le terrain avec la neige), et même si j’adore relever des défis horticoles, je conclus que c’est un peu trop aléatoire pour moi. … fu moins pour cette année ! 🙂 Là où est placée ma serre, très ensoleillé mais aussi exposé aux vents du large, je ne pourrais pas maintenir les températures minimales dont vous parlez le temps suffisant pour mener ces courges à terme. J’ai par contre des emplacements bien protégés et très ensoleillés où la culture en pot serait peut-être possible. Je garde donc précieusement ces instructions si jamais je me décide à prendre ce risque et faire tous ces efforts dans aucune garanti de succès, mais le défi se nourrit de lui-même, comme on dit.
P.S. Je suis d’accord avec la suggestion de Mme Thérèse Houde, plus haut (28 mars) – je la cite : “Pourquoi ne pas demander des frais d’abonnement pour répondre à nos questions ?” Super idée – surtout si vous pouvez faire en sorte que ces personnes soient consentantes à ce que vos réponses soient publiées sur votre blogue ! Mais même sans ça, ça vous donnera des idées pour d’autres articles, comme ici. Excellent dans tous les cas.
Bonjour monsieur Hodgson.
Je vous remercie de cet article intéressant.
Votre commentaire sur les expériences que vous tentiez auparavant et auxquelles vous avez renoncées, pour vous recentrer sur des variétés adaptées aux conditions locales, me rappelle ma propre démarche. Je prends de moins en moins de “risques” pour désormais me limiter aux variétés dont je pense pouvoir les réussir plus facilement.
J’ai ainsi renoncé par exemple aux fosses remplies de terre de bruyère pour y faire pousser une malheureuse azalée ou un rhododendron qui finissent inévitablement par dépérir au milieu d’un environnement globalement neutre à calcaire. De même, j’ai renoncé à des variétés qui survivent plusieurs hivers jusqu’à ce qu’un court gel réduise ma plantation à néant à l’instar mes espoirs qui ont grandi au fil des années. Une forme de “sagesse” qui me fait économiser beaucoup d’efforts, de nombreuses déceptions et un peu d’argent.
Premier essai cette année, et on a un très beau succès a l extérieur à quebec…. On a dû poliniser les fleurs nous mêmes par contre, les fruits femelles semblaient se faner autrement…
?
Premier essai cette année sur la rive sud de Montréal et pour un seul plant qui a poussé cela m’a donné trois beaux fruits dont un de 50 cm. L’été très chaud a probablement favorisé cette réussite!
?
Bonjour
J’ai réussi à faire pousser un plant à l’extérieur, dans ma cour, à Montréal. Il est devenu gigantesque! Il a pris de l’expansion dans 3 directions jusqu’à au moins 4-5 mètres!
Par contre, aucun fruit n’a poussé.
Il y a eu l’apparition des bouquets de bourgeons et ensuite des fleurs jaunes qui semblent être les fleurs mâles. Est-ce qu’il fallait avoir plus d’un plant pour la fertilisation? J’avais démarré plusieurs plants mais les fourmis les ont envahit. J’ai aspergé les plants avec une solution à base de vinaigre et savon à vaisselle, mais je crois qu’elle n’était pas assez diluée. les plants ont bruni et sont morts sauf un.
J’ai du plaisir à le voir atteindre le 2e étage du bloc à coté mais je suis déçue de ne pas avoir eu au moins un fruit. Il y a beaucoup de pollinisateurs dans mon jardin. J’ai mis du compost de crevettes au départ, ensuite à 2 reprises du fumier de poules et j’ai remis du compost de crevettes.
Une fleur mâle peut polliniser une fleur femelle de la même plant, donc le problème n’est pas là. N’oubliez pas que cette culture est à la limite du possible. Essayez de suivre toutes les étapes décrites dans l’article la prochaine fois, car si la plante connaît le moindre retard,
J’ai planté 20 graines qui ont toutes germés.
J’ai planté 4 plants dans ma cour, eu plusieurs fleurs, quelques petits fruits qui sont tombés. Un seul est toujours sur le plant, il grossit toujours.
Je me demande quand le cueillir? Je le laisse sur place pour qu’il sèche?
Lise le point 26.
[…] nous avons besoin d’alternatives durables et écologiques comme l’éponge de luffa. Vous pouvez la planter encore et encore à partir d’une graine, et dans quelques mois, être en mesure de récolter […]