Comment les graines se dispersent
Les plantes ont développé des méthodes ingénieuses pour assurer la dispersion de leurs semences. Photo: tigtagjunior.com
En cette saison où les jardiniers se préparent à faire leurs semis des légumes, de fines herbes et de fleurs pour le jardin estival, il peut être intéressant d’étudier un phénomène naturel des plus fascinants: la dispersion des graines dans la nature. Car une plante ne produit pas des graines pour le simple plaisir de le faire: c’est sa façon principale non seulement de se reproduire, mais aussi de se déplacer.
Si toutes les graines tombaient uniquement au pied la plante mère, elles risqueraient d’être trop ombragées par elle-même pour germer. Il a donc fallu que les plantes trouvent un moyen de les expédier plus loin et ainsi elles ont développé de nombreuses techniques de dispersion.
Par air
Plusieurs plantes comptent sur le vent pour assurer la dispersion de leurs graines. Les graines du pavot, par exemple, restent sagement dans leur capsule en forme de salière jusqu’à ce qu’une journée de grand vent «brasse leur cage» et les lancent au loin.
La graine peut être aussi pourvue d’ailes qui aident à son transport. Qui ne connaît pas les «hélicoptères», les samares des érables qui, en tournant, sont portées loin de l’arbre mère? Pour être encore plus efficaces, les «ailes» peuvent devenir des plumes, rendant la graine presque aussi légère que l’air. Le pissenlit, avec son «parachute», est un expert en la matière et peuvent se déplacer sur jusqu’à 100 km.
D’autres plantes optent pour des graines tellement petites qu’elles sont facilement emportées par le vent, même sans ailes. Ainsi, celles des orchidées sont si fines qu’elles sont légères comme le vent et peuvent parcourir plusieurs kilomètres. Les spores de fougère, bien que techniquement pas des graines, sont encore plus légères et voyagent encore plus loin. On a déjà trouvé des fougères qui germaient sur la lave fraîchement refroidie d’une nouvelle île volcanique située à plus de 3000 km de la population de fougères la plus proche!
Par eau
Pour les plantes aquatiques ou riveraines, c’est souvent l’eau qui agit comme dispersant. Leurs graines ont la capacité de flotter, parfois pendant des mois, jusqu’à ce qu’une vague ou une marée les dépose dans un endroit propice.
Le cocotier (Cocos nucifera) a ainsi fait le tour du monde tropical, car ses noix flottent très bien. Remarquez d’ailleurs que quand un cocotier pousse sur une plage, il pousse souvent penché au-dessus de la mer, s’assurant ainsi que ses graines tombent à l’eau quand elles chutent de l’arbre. Par contre, ce fruit tropical pousse aussi à l’intérieur des terres… mais seulement lorsqu’il y est planté par l’homme, car sans eau, ses grosses noix n’arrivent pas à se déplacer, tombant bêtement au pied de la plante mère où, faute de soleil, elles pourrissent.
Et avec l’aide des animaux
Plusieurs plantes ont appris à compter sur d’autres êtres, plus mobiles, pour assurer leur dispersion. La plupart de ces plantes ont des graines ou des fruits comestibles; l’animal ramasse leurs graines et, avec un peu de chance, va ailleurs pour les manger, assurant ainsi la dispersion.
Mais attention, il ne faut pas qu’il digère la graine, sinon cela ne donne aucun avantage à la plante. Souvent, le fruit est comestible, mais les graines, non, ou si peu. Ainsi, l’animal mange le fruit et jette la graine par terre ou encore avale la graine, qui voyage intacte à travers son système digestif pour être évacuée plus tard. D’ailleurs, de nombreuses graines ne peuvent pas germer sans passer par le système digestif d’un oiseau ou d’un mammifère.
Beaucoup de fruits avertissent même leurs hôtes qu’ils sont prêts à être mangés en changeant radicalement de couleur. Ainsi, les cerises et les framboises deviennent rouges pour dire aux oiseaux et aux autres animaux qu’il est temps de venir les manger!
Certaines graines placent toutefois leur confiance dans la faible mémoire des animaux. La graine à l’intérieur de la noix (fruit du noyer) est entièrement digeste, celle au centre du gland (fruit du chêne) aussi, mais toutes deux comptent néanmoins sur l’écureuil, un animal très gourmand, pour assurer leur dispersion. Or, l’écureuil aime faire des provisions pour l’hiver. Il mange en partie les noix et les glands qu’il trouve, mais enterre les autres ailleurs… et oublie parfois de venir les chercher, assurant ainsi la dispersion des noyers et des chênes.
Et qui ne connaît pas les graines qui ont appris à s’accrocher aux animaux pour voyager? Les «toques» (bardanes), avec leurs dents crochues, s’agrippent aux poils des animaux — et à nos vêtements! — et voyagent ainsi librement. Comme elles sont irritantes cependant, l’animal se gratte pour les enlever… et voilà que les graines tombent parfois à plusieurs kilomètres de leur lieu d’origine.
Certaines plantes aquatiques aussi ont des graines à crochets qui s’agrippent aux plumes des oiseaux aquatiques pour voyager d’un lac à un autre.
Et saviez-vous qu’il y a même des semences qui voyagent… par auto? Les véhicules transportent facilement certaines semences sur de longues distances, collées sur la terre qui se fixe sur le cadre ou les pneus. Une étude a découvert que les graines les plus souvent dispersées par automobile au Royaume uni étaient le grand plantain (Plantago major), le pâturin annuel (Poa annua), le pâturin rude (Poa trivialis), la grande ortie (Urtica dioica) et la matricaire discoïde (Matricaria discoidea).
Le problème de la dépendance
Mais il y a un problème à trop dépendre d’un animal pour assurer sa dispersion. Et si l’animal disparaissait?
C’est ce qui est arrivé à bon nombre de fruitiers tropicaux des Amériques. Les botanistes qui exploraient l’Amérique du Sud et centrale il y a deux siècles furent confondus par la découverte de plusieurs arbres aux fruits très gros, charnus et apparemment délicieux, de toute évidence conçus pour être mangés et dispersés par un très grand animal, mais qui ne semblaient plus trouver preneur. D’ailleurs, tous ces arbres étaient en voie de disparition, car ils n’arrivaient plus à se reproduire convenablement. La conclusion? L’être humain avait si bien chassé le paresseux géant, autrefois abondant dans toute la région, qu’il a disparu, laissant ses arbres préférés sans moyen de dispersion. Les arbres isolés trouvés çà et là étaient les derniers de leur espèce.
Heureusement, le nouvel envahisseur, l’être humain, a adopté certains de ces fruits qui sont maintenant trouvés seulement en culture. C’est le cas de l’avocat (Persea americana).
Un cocktail explosif
Certaines plantes ont une technique surprenante pour assurer leur dispersion: elles ont des capsules explosives. Quand les graines sont mûres, la capsule se tord ou éclate subitement, lançant les graines à une bonne distance. L’impatiens (Impatiens spp.), dont les capsules éclatent au toucher au grand plaisir des enfants, appartient à cette catégorie, et les géraniums (Geranium spp.) et les violettes (Viola spp.) ont un système de dispersion similaire.
Le concombre d’âne (Ecballium elaterium) est une autre plante qui expulse les graines avec force et d’une manière des plus surprenantes, éjectant un jet de liquide contenant ses graines sur des distances allant jusqu’à 6 m. Photo: indefenseofplants.com
Le plus explosif de tous les fruits est peut-être le gros fruit sec de l’arbre dauphin (Hura crepitans) qui crée un son comme de la dynamite quand il explose en éjectant ses graines.
Des graines dispersées par l’homme
D’autres plantes en sont venues à dépendre de l’homme pour leur dispersion. Il y a même un nom pour cela: l’anthropochorie.
Les légumes et fleurs de nos jardins, ainsi que les céréales de nos fermes, ne se dispersent presque jamais leurs semences de leur propre gré; elles comptent sur l’homme pour assurer leur reproduction. Les grainetiers d’un peu partout au monde récoltent leurs semences et les vendent, en sachets, en sacs ou en boîtes, aux jardiniers et aux fermiers qui les sèment. Ainsi ces plantes peuvent-elles parcourir des milliers de kilomètres.
Certaines de ces plantes dépendent tellement de l’humain pour leur dispersion qu’elles ne sont plus capables de se multiplier seules. Le maïs (Zea mays), considéré comme la plus «évoluée» des céréales (du moins du point de vue de l’humain), est tellement éloigné de sa forme ancestrale que ses graines ne tombent plus de l’épi et ne peuvent germer que si on les en sépare. Donc, si l’être humain devait disparaître, il en serait fait du maïs aussi.
Quand vous tiendrez dans vos mains un sachet de semences, en plus de vous émerveiller de l’idée que ses petites graines donneront, dans seulement quelques mois, de beaux légumes ou de beaux fruits, pensez aussi au chemin qu’elles ont dû faire pour se rendre de l’Asie, de l’Amérique du Sud ou de l’Australie dans votre jardin. C’est un petit miracle quotidien!
Hello le paresseux,
Article super intéressant, comme toujours. J’ai appris des choses !
Il semble que le paragraphe commençant par “La graine peut être aussi pourvue” soit en double, et qu’un S manque à l’article de “framboises”.
bonne journée !
Willy
Merci! Correction faite!
Super intéressant,
Merci et bonne journée
Un grand merci pour cet article très instructif et très intéressant, Jardinier Paresseux! La nature est un grand maître!
?
Les explications sont beaucoup trop anthromorphiques! Ce ne sont pas les plantes ou les graines elles-mêmes qui ont “décidé” de se disséminer d’une certaine façon ou “choisi” un moyen favorable; c’est le hasard qui a causé ces variations, et l’évolution a favorisé la reproduction des plantes qui étaient les mieux équipées par le hasard. Le fruit ne rougit pas pour avertir l’animal qu’il est prêt à être mangé: mais les graines de fruits rouges seront plus facilement disséminées par les animaux que celles des plantes à fruits ternes.
Vous avez raison, c’est vrai que dans un monde où tant de gens sont encore adeptes du créationnisme, il faut faire gaffe à ce qu’on dit !
Willy
Vous accorde le point. Mais pour sensibiliser les gens à une situation sans les rebuter, il n’est pas si mal, j’espère, de présenter les choses d’une façon un peu imagée?
Bien d’accord avec vous cher Jardinier paresseux! “Le mieux est le mortel ennemi du bien” de Montesquieu. ?
?
Passionnant comme toujours !! Merci
Très intéressant, merci !
Merci pour cet article toujours aussi intéressant.
?
Excellent article de vulgarisation. Je vais m’en servir pour mon club de science à l’école.