Des châtaigniers pour le Québec
Fruits du châtaignier commun (Castanea sativa). Photo: Exeter Trees
Question: Quand je vivais en France, je suis toujours partie ramasser des châtaignes à l’automne. On avait des arbres sauvages en forêt. Est-ce qu’on peut cultiver des châtaigniers au Québec? Ces petites sorties automnales et les promenades dans les bois pour ensuite rentrer faire griller les châtaignes me manquent terriblement!
Un lecteur

Réponse: La différence climatique entre la France et le Québec est énorme et le châtaignier d’Europe, soit le châtaignier commun (Castanea sativa), originaire du sud de l’Europe, mais maintenant naturalisé presque partout en Europe centrale, ne peut s’adapter aux rigueurs de l’hiver québécois. Il survit parfois, mais n’arrive pas à y fructifier. C’est la même chose pour les différentes espèces asiatiques, comme le châtaignier chinois (C. mollissima) et le châtaignier japonais (C. crenata).

Le seul châtaignier assez rustique pour le climat du Québec est le châtaignier d’Amérique (Castanea dentata), de zone de rusticité 4, mais il est très rarement cultivé, étant sensible à une maladie mortelle, le chancre du châtaignier (Cryphonectria parasitica).
Histoire d’un désastre écologique

Cette maladie fut introduite accidentellement en Amérique du Nord lors d’essais d’introduction du châtaignier japonais vers 1876, et ce, dans le but d’établir des vergers commerciaux, car le châtaignier japonais, un arbre plus court que le très grand châtaignier d’Amérique, est mieux adapté à la culture en verger. Les châtaigniers asiatiques sont généralement résistants au chancre et souffrent peu de conséquences de leur infestation.

Au début, aucun problème ne fut signalé, mais en 1904, un premier châtaignier d’Amérique fut atteint à New York. Il se trouve que, n’ayant jamais été en contact avec la maladie auparavant, le châtaignier d’Amérique n’a aucune résistance à cette maladie. Les spores du chancre, transportées par le vent, ont commencé à tuer d’autres châtaigniers d’Amérique, avançant de 80 km annuellement et dévastant les forêts du secteur.

En moins de 50 ans, l’espèce, pourtant l’une des essences les plus courantes dans son aire naturelle, les Appalaches (on estime qu’un quart des arbres des forêts de la région était des châtaigniers), fut essentiellement rayée de la carte: environ 2 à 3 milliards d’arbres furent tués. Il paraît qu’il ne reste plus qu’environ 100 arbres dans la partie américaine de son aire, tous des rejets de souche. En Ontario, à la limite nord de son aire originale, le taux de survie est plus important (pour des raisons inconnues, le chancre semble moins virulent dans les régions froides) et il y en resterait 2000.
Typiquement, l’arbre atteint de chancre du châtaignier meurt jusqu’à la base, mais produit souvent des rejets de souche. Ces jeunes arbres grandissent assez vigoureusement pendant plusieurs années, mais quand ils atteignent environ 9 m de hauteur et commencent tout juste à fleurir, le chancre les atteint et ils meurent avant de produire des châtaignes. Certains pieds produisent encore des rejets de souche plus de 100 ans après la première infestation.
L’hybridation à la rescousse?
Il y a des essais de développer des châtaigniers d’Amérique naturellement résistants en croisant des semis avec des arbres survivants (rejets de souche). Ainsi, on espère éventuellement développer des châtaigniers d’Amérique purs avec une résistance naturelle au chancre. Il faudrait toutefois plusieurs générations de croisements pour y parvenir. À date, les résultats sont peu prometteurs.

D’autres programmes voient la solution dans l’hybridation interspécifique avec les châtaigniers asiatiques. En croisant ces arbres naturellement résistants au chancre avec des châtaigniers d’Amérique et en conservant des semis résultants qui résistent à la maladie, puis en recroisant encore ses hybrides avec des châtaigniers d’Amérique, et en répétant ces croisements sélectifs sur plusieurs générations, on espère pouvoir créer des châtaigniers qui sont pratiquement identiques au châtaignier d’Amérique en apparence, en adaptabilité et en vigueur, mais parfaitement résistants au chancre. Ainsi, ces hybrides pourraient éventuellement servir pour réintroduire l’espèce dans les forêts de son aire naturelle.
Ces programmes connaissent un certain succès, mais jusqu’à maintenant, les hybrides se sont montrés moins rustiques que le châtaignier d’Amérique d’origine: zone 6 habituellement.
Châtaigniers à essayer

Il est toutefois possible de le cultiver le véritable châtaignier d’Amérique dans les endroits où il n’y a jamais eu de châtaigniers dans le passé et donc où la maladie n’est pas présente. Par exemple, dans l’Ouest américain, notamment en Oregon, à 3000 km de tout châtaignier sauvage, il y a des vergers de châtaigniers d’Amérique qui produisent très bien.
Au Québec, où l’arbre n’est pas indigène, la maladie non plus ne semble pas présente. Ainsi, on peut trouver quelques châtaigniers d’Amérique dans certains jardins botaniques et arboretums québécois (le Jardin botanique de Montréal et le Jardin botanique Roger Van den Hende notamment).
Vous pourriez trouver de jeunes arbres de châtaignier d’AmĂ©rique ainsi que des châtaigniers hybrides Ă la PĂ©pinière Casse-Noisette et Ă la pĂ©pinière Arboquebecium. La PĂ©pinière aux arbres fruitiers offre des châtaigniers d’AmĂ©rique seulement alors que Grimo Nut Nursery vend des hybrides uniquement.
Et en planifiant la plantation de châtaigniers pour votre propre plaisir, sachez qu’il faut toujours au moins 2 clones différents pour assurer une bonne pollinisation et donc fructification. En climat froid, il faut normalement au moins 5 à 7 ans avant de voir mûrir les premières châtaignes. L’arbre arrive à maturité et au maximum de sa production vers l’âge de 20 à 25 ans. Habituellement, un châtaignier mature produit jusqu’à 25 à 50 kg de châtaignes par année.
Châtaigne ou marron?

Il ne faut pas confondre la châtaigne, comestible, et issue du châtaignier (Castanea spp.) avec le marron, toxique, et issu du marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum) et d’autres marronniers (Aesculus spp.). Vous trouverez une clé pour permettre de les distinguer dans l’article Châtaigne ou marron?.
Est-ce que Dunstan Chestnut populaire aux USA pourrait être planté avec succès dans le secteur de Sherbrooke ou Stoke (10 kilomètres de Sherbrooke) selon la rusticité (5a) de Sherbrooke? Merci pour votre aide.
Vous pourriez essayer, mais ‘Dunstan’ est thĂ©oriquement de AgCan zone 6, mĂŞme si la zone USDA est zone 5.
Bonjour,
On m’a recommandĂ© un châtaignier de Chine en me disant qu’il pourrait supporter nos hivers…Je viens de le planter en me disant qu’il ne devrait pas y avoir de risque en plantant fin mai…et il a subi l’Ă©pisode de gel quelques jours plus tard (je suis dans la rĂ©gion de QuĂ©bec) :S
L’arbre semble avoir souffert, de nombreuses feuilles sont sèches, brunes ou jaunies… Que dois-je faire pour l’aider Ă s’en remettre et bien s’implanter? Merci pour vos conseils.
Malheureusement, il va probablement geler la plupart des annĂ©es, car la prĂ©tention que ce châtaignier soit rustique au QuĂ©bec est nettement surfaite. Tout ce que vous pouvez faire est de l’offrir un entretien de base et couper les parties endommagĂ©es. Il y aura probablement une certaine repousse.
Bonjour,
J’ai cueilli des noix de châtaignier d’AmĂ©rique (castanea dentata) et je me demandais comment (et quand) prĂ©cĂ©der pour les faire germer en vue d’une transplantation au printemps 2022? Dois-je comme avec les glands de chĂŞnes rouges leurs faire passer l’hiver dehors ou non Merci de porter attention Ă ma question. En passant, j’ai suivi vos conseils et je suis allĂ© Ă la pĂ©pinière Casse-Noisette. Merci infiniment pour vos prĂ©cieux conseils.
Marcel Lacasse
Oui, idĂ©alement une plantation Ă l’automne pour une germination au printemps.
Salut!
Le site fĂ©dĂ©ral du projet de rĂ©introduction du chataignier d’AmĂ©rique mentionne que les hybrides commerciaux sont nuisibles au projet car leur pollen empĂŞche la reproduction planifiĂ©e, alors je ne sais pas s’ils sont une bonne option si on pense au long terme. Mais je n’ai trouvĂ© aucune version quĂ©bĂ©coise du projet (ils ciblent l’Ontario) alors c’est peut-ĂŞtre quand mĂŞme le bon choix? Tant qu’Ă planter des arbres j’aimerais mieux contribuer Ă sauver l’espèce, mais si c’est possible au QuĂ©bec je n’ai pas encore trouvĂ© comment! En savez-vous un peu plus lĂ -dessus?
j aimerai acheter des châtaigners pour les planter au printemps dans les laurentides
ou puis je en trouver ?
merci
J’ai chez moi Castanea ozarkensis (châtaignier des Ozarks ?), 3 sujets, partis avec des semences d’une fondation aux États-Unis, qui sont parfaitement rustiques Ă LĂ©vis (nouvelle zone 5A), exposĂ©s au vent d’hiver. Il n’a jamais gelĂ© sauf lĂ©gèrement la première annĂ©e. Le plus grand fait maintenant environ 8 pieds de haut. Je ne sais pas quand la maladie va arriver, mais pour le moment je profite (car il est aussi sensible au champignon). Donc y a le châtaignier d’AmĂ©rique mais aussi celui-lĂ qui est rustique. J’ai aussi des châtaigniers d’AmĂ©rique mais je ne peux en parler car ils viennent tout juste de dĂ©passer la hauteur du couvert de neige.