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Nouvelles fraƮches sur les papillons monarques

Papillon monarque (Danaus plexippus). Photo: Kenneth Dwain Harrelson, Wikimedia Commons

J’ai Ć©crit sur le papillon monarque (Danaus plexippus), le lĆ©pidoptĆØre migrateur le plus connu au monde, plus d’une fois dans ce blogue (Contribuez Ć  la conservation des monarques,Ā Il faut plus que des asclĆ©piades pour sauver les monarques,Ā Les monarques dĆ©barquent en Europe!, etc.). AprĆØs tout, quel amateur de nature peut s’empĆŖcher de s’émerveiller devant un simple papillon dont la migration annuelle de 4 800Ā km l’amĆØne des montagnes du Mexique aux limites de la forĆŖt borĆ©ale au Canada, puis de nouveau au Mexique?Ā 

Mais on fait encore beaucoup de recherches au sujet de ce célèbre papillon et les scientifiques en apprennent plus à leur sujet chaque année.

Voici quelques dƩcouvertes rƩcentes Ơ noter:

Population hivernale en baisse

Papillon monarque ƩtiquetƩ de faƧon Ơ suivre ses dƩplacements. Photo: Katja Schulz, flickr.com

Malheureusement, les autoritĆ©s mexicaines signalent que le nombre de papillons monarques hivernant dans les forĆŖts mexicaines a diminuĆ© de moitiĆ© au cours de l’hiver 2019-2020. Seulement 2,83 hectares en Ć©taient couverts, soit une diminution de 53% par rapport Ć  la saison 2018-2019, lorsque les monarques couvraient 6,05 hectares de forĆŖt.

Jorge Rickards, le directeur gĆ©nĆ©ral du WWF-Mexique, a notĆ© que ce n’est pas nĆ©cessairement une cause d’alarme, mais a ajoutĆ© que Ā«nous devons rester vigilants et ne pas permettre Ć  ce recul de devenir une tendance dans les annĆ©es Ć  venir. La conservation est un effort Ć  long terme.Ā»

Une nouvelle colonie de papillons monarques dƩcouverte au Mexique

Papillons dans la nouvelle colonie de monarques de Nevado de Toluca. Photo: keteka.com

Pendant longtemps, on a pensĆ© qu’il n’y avait qu’une seule colonie de monarques au Mexique, dans ce qui est maintenant la RĆ©serve de biosphĆØre du papillon monarque dans l’état du MichoacĆ”n, mais on vient d’en trouver une deuxiĆØme, dans les environs du volcan Nevado de Toluca, plus au sud. L’arrivĆ©e de monarques Ć  cet endroit, dans le vaste Parque nationale Nevado de Toluca (53,419 ha) avait Ć©tĆ© notĆ©e depuis quelques annĆ©es, mais personne n’avait rĆ©ussi Ć  trouver où se cachait la colonie. Juste avant NoĆ«l 2018, cependant, une patrouille de routine dans le parc a enfin trouvĆ© la colonie, agglutinĆ©e sur des sapins oyamels (Abies religiosa) Ć  une altitude de plus de 3000 mĆØtres. En 2020, des chercheurs sont revenus constater la situation et ont calculĆ© qu’il y avait environ 20 millions de monarques, assez pour que les branches des arbres ploient sous leur poids. 

Curieusement, alors que la colonie de la RĆ©serve de biosphĆØre du papillon monarque reste sur les mĆŖmes arbres tout l’hiver, la nouvelle colonie de Nevado de Toluca se dĆ©place chaque nuit, car la forĆŖt est vaste.

Le gouvernement local n’a actuellement aucune intention d’ouvrir cette nouvelle colonie au tourisme de masse.

Plantez la bonne asclƩpiade

L’asclĆ©piade tubĆ©reuse (Asclepias tuberosa) est peu intĆ©ressante pour les monarques. Photo: H. Zell, Wikimedia Commons

Nous savons tous que les chenilles du monarque ne se nourrissent que d’asclĆ©piades (Asclepias spp.) et de quelques autres espĆØces Ć©troitement apparentĆ©es, mais il s’avĆØre que le choix d’espĆØces que vous plantez pour nourrir les monarques est trĆØs important.

L’asclĆ©piade tubĆ©reuse (Asclepias tuberosa), soit l’espĆØce la plus souvent vendue dans les jardineries et une plante vivace populaire dans nos plates-bandes, est en fait l’espĆØce la moins aimĆ©e et les monarques y pondent trĆØs rarement leurs œufs. C’est Ć  noter qu’elle est la seule des quelque 200 espĆØces d’asclĆ©piades qui a une sĆØve transparente plutĆ“t que le latex blanc habituel du genre. Les scientifiques soupƧonnent qu’il y a quelque chose dans le latex que les femelles monarques peuvent dĆ©tecter quand elles recherchent un endroit pour pondre leurs œufs.

L’asclĆ©piade commune (A. syriaca) serait la plus populaire auprĆØs des femelles pondeuses. Photo: Stefan.lefnaer, Wikimedia Commons

L’espĆØce la plus frĆ©quentĆ©e par les monarques est l’asclĆ©piade commune (A. syriaca), une espĆØce rarement cultivĆ©e en plate-bande, car on la juge trop envahissante. Une Ć©tude a montrĆ© que 85 Ć  92% des monarques hivernant au Mexique s’étaient nourris de l’asclĆ©piade commune lorsqu’ils Ć©taient chenilles. Cela dit, la plupart des autres espĆØces Ć©tudiĆ©es jusqu’à prĆ©sent sont Ć©galement de bonnes plantes hĆ“tes, y compris une autre espĆØce de jardin assez populaire, l’asclĆ©piade des marais (A. incarnata). 

Apparemment, il n’y a que l’asclĆ©piade tubĆ©reuse (Asclepias tuberosa) qui n’est pas un bon choix pour le jardin de monarques.

Une autre Ć©tude remet en question la croyance souvent rĆ©pĆ©tĆ©e selon laquelle seules les espĆØces sauvages d’asclĆ©piades devraient ĆŖtre utilisĆ©es dans les jardins de papillons. D’aprĆØs les rĆ©sultats, les asclĆ©piades hybrides sont tout aussi attrayantes pour les monarques femelles pondeuses que les espĆØces pures.

Rabattez vos asclƩpiades

En rabattant les asclƩpiades pour les forcer Ơ produire de nouvelles tiges, on stimule la ponte. Photo: www.greentecnursery.com

Les recherches de Nate Haan de l’universitĆ© d’État du Michigan dĆ©montrent que les monarques femelles prĆ©fĆØrent pondre leurs œufs sur les feuilles des jeunes tiges fraĆ®ches qui n’ont pas encore fleuri plutĆ“t que sur les feuilles plus coriaces des tiges mĆ»res. Ce n’est pas un problĆØme au dĆ©but de la saison, quand la plante n’a pas encore fleuri, mais Haan a dĆ©couvert qu’en rabattant presque au sol un tiers des asclĆ©piades d’une colonie en juin et un autre tiers en juillet, ce qui force les plantes Ć  repousser du pied, davantage d’œufs de papillon monarque Ć©taient pondus sur les plants qui repoussaient. Cette taille ne nuit pas aux plants d’asclĆ©piades, qui reprennent rapidement.

AsclƩpiade tropicale (A. curassavica). Photo: Renjusplace, Wikimedia Commons

Et le rabattage serait une bonne solution Ć  un autre dilemme. L’asclĆ©piade tropicale (A. curassavica) est l’asclĆ©piade de jardin la plus populaire dans le sud des Ɖtats-Unis (dans les rĆ©gions tempĆ©rĆ©es, où elle n’est pas rustique, on l’utilise uniquement comme annuelle ou plante d’intĆ©rieur), mais son habitude de fleurir continuellement jusqu’à l’automne et mĆŖme l’hiver peut ĆŖtre nuisible Ć  la migration. 

On soupƧonne que les monarques qui migrent vers le sud ont tendance Ć  s’arrĆŖter sur ces plantes plutĆ“t que de poursuivre leur route en temps opportun, interrompant la migration. De plus, un parasite protozoaire dĆ©bilitant (Ophryocystis elektroscirrha) a tendance Ć  s’accumuler dans les parties vertes de l’asclĆ©piade tropicale, au moins dans les zones où elle n’est pas rabattue par le gel en hiver, et il peut affaiblir les chenilles et paralyser les papillons adultes.

Ces deux dĆ©fauts peuvent ĆŖtre facilement attĆ©nuĆ©s en rabattant sĆ©vĆØrement l’asclĆ©piade tropicale Ć  l’automne. Avec la plante visuellement absente du paysage, les papillons continueront normalement leur migration et ne seront pas aussi susceptibles d’être infectĆ©s par la maladie.

Les lâchers ne sont pas utiles

Les lĆ¢chers de monarques sont bons pour notre conscience, mais pas nĆ©cessairement pour le sauvegarde de l’espĆØce. Photo: www.brainerddispatch.com

Il s’est crƩƩ une petite industrie de production de monarques en serre en vue de lĆ¢chers lors des Ć©vĆ©nements spĆ©ciaux: mariages, funĆ©railles, cours de biologie Ć  l’école, etc. On peut facilement commander des papillons et les faire livrer pour la date voulue, puis permettre aux convives de les lĆ¢cher. Cela crĆ©e un beau et joyeux Ć©vĆ©nement et tous les participants se sentent utiles d’avoir fait leur part pour sauver le monarque. Mais que se passe-t-il avec les papillons ainsi lĆ¢chĆ©s? 

Apparemment, pas grand-chose.

Selon les biologistes Ayse Tenger-Trolander et Marcus R. Kronforst de l’UniversitĆ© de Chicago, ces papillons semblent dĆ©sorientĆ©s et ne migrent pas vers le sud comme ils le devraient. Ils ne semblent tout simplement pas comprendre les repĆØres (temps froid, dĆ©pĆ©rissement des plantes en fleurs) qui indiquent aux monarques nĆ©s dans la nature qu’il est temps de se diriger vers le sud.

Ainsi, les lĆ¢chers massifs de papillons peuvent ĆŖtre une bonne publicitĆ© pour la cause des monarques, mais n’aideraient pas directement la survie des monarques, car ceux-ci mourraient dans les environs du lĆ¢cher, sans jamais faire la migration vers le sud nĆ©cessaire Ć  la survie de l’espĆØce.

Planter des fleurs pour nourrir les adultes

La croyance commune selon laquelle la plantation d’asclĆ©piades (Asclepias spp.) suffit pour sauver les monarques est un peu simpliste. 

Chenille de monarque sur une feuille d’asclĆ©piade. Photo: Maria L. Evans, Wikimedia Commons

Il est vrai que les monarques femelles ne pondent leurs œufs que sur les asclĆ©piades et que leurs chenilles ne se nourrissent que de ces mĆŖmes plantes. Donc, oui, il faut penser planter des asclĆ©piades pour les aider. Mais les monarques adultes se nourrissent du nectar d’une large gamme de fleurs et ces fleurs aussi doivent ĆŖtre prĆ©sentes. 

Curieusement, les monarques n’aiment pas particuliĆØrement les fleurs d’asclĆ©piade et les visitent rarement. Ce sont plutĆ“t les abeilles et les guĆŖpes qui s’occupent de leur pollinisation. 

Il faut une bonne variƩtƩ de fleurs pour contenter les monarques. Photo: getplants4less.com

Si vous souhaitez crĆ©er un jardin pour les monarques, vous devezĀ cultiver plus que des asclĆ©piades. Essayez de cultiver une large gamme de fleurs, en vous assurant qu’il y a toujours une abondance de fleurs Ć©panouies tout au long de la saison de croissance. Il serait d’ailleurs particuliĆØrement important de cultiver des plantes qui fleurissent aux deux extrĆ©mitĆ©s de la saison, soit au printemps, Ć  l’arrivĆ©e des monarques, et au dĆ©but de l’automne, au moment où ils doivent se gaver de nectar avant leur dĆ©part pour le sud.

Mais il paraĆ®t qu’il y a des faƧons de planter ces fleurs pour avoir le plus d’impact possible. 

Il paraƮt que les plantations mixtes confondent les papillons. Photo: hollandwildflowerfarm.com

Il s’avĆØre que les plantations mixtes confondent les papillons. Ils utilisent la vue pour trouver leur nourriture, et ce, en s’appuyant sur les formes des plantes. Quand il y a un mĆ©lange de plantes, ils ont de la difficultĆ© Ć  trouver les fleurs. Ainsi, un Ā«prĆ© fleuriĀ», où diffĆ©rentes plantes Ć  fleurs se mĆ©langeant joyeusement, n’est pas nĆ©cessairement la meilleure solution pour les attirer. Vous obtiendrez des rĆ©sultats plus positifs en faisant pousser des plantes isolĆ©es des autres, sĆ©parĆ©es par du paillis. 

Et paraƮt-il aussi que la plantation dans un axe nord-sud serait la meilleure pour attirer les monarques


Alors maintenant, vous savez quoi faire pour rendre votre jardin plus convivial pour les papillons monarques!

Ɖtiquettes + Papillon monarque, Danaus plexippus, Comment attirer les monarques


commentaire sur "Nouvelles fraƮches sur les papillons monarques"

  1. Ɖric DesfossĆ©s ditĀ :

    Je ne sais pas si vous aviez vu, mais une autre colonie Ć  Ć©tĆ© dĆ©couverte. Ce n’est pas nĆ©cessairement une bonne nouvelle, mais au moins on sait qu’il ne faut pas se fier seulement aux rĆ©sultats du dĆ©compte d’une seule colonie pour estimer leur nombre et leur vitalitĆ©.

    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1695578/colonie-papillons-monarques-decouverte-mexique

  2. pekoche ditĀ :

    Je suis hors propos mais j`aurais un conseil â demander . Voici , j`ai recupéré un hostas dans un jardin collectif et je me demande si je pouvais couper les feuilles sans les endommager.
    Merci

  3. Lise Blais ditĀ :

    Merci beaucoup !

  4. Nat ditĀ :

    Bonjour, Pas de chance j’ai plantĆ© l’Asclepias tuberosa ! Mais je suis en France (sud est prĆØs de Lyon) je ne suis pas persuadĆ©e que nous ayons le bonheur de voir des Monarques ce n’est donc pas bien grave.
    Merci pour vos articles passionnants
    Bonne journƩe Ơ vous
    Nat

  5. Francine Achard ditĀ :

    Bonjour! Plein de renseignements sur les monarques. Merci! Il me reste une question: comme mon conjoint coupe Ć  ras le sol toutes nos vivaces Ć  l’automne, est-ce qu’il y a un problĆØme s’il fait Ƨa aux asclĆ©piades Ć©galement? Merci Ć  l’avance de vos prĆ©cieux conseils.

  6. Philippe-Olivier Dufour ditĀ :

    Bonjour monsieur Hodgson, merci pour cet article trĆØs intĆ©ressant. J’ai l’intention d’incorporer des asclĆ©piades communes dans mes plates-bandes, mais souhaite Ć©viter de dĆ©velopper une monoculture non-intentionnelle de cette espĆØce envahissante! Croyez-vous qu’il convienne de mettre les plants dans des pots, de couper le fond du pot et de l’enterrer tel que dĆ©crit dans le truc numĆ©ro 30 (“Si vous devez malgrĆ© tout planter un faux ami…”)? Quelle profondeur le pot devrait-il avoir? Merci beaucoup

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