Plantez des arbres qui ne font pas éternuer
La saison du rhume des foins débute au printemps. Photo: publicdomainpictures.net
Lors des premiers beaux jours du printemps, nous nous précipitons dehors pour profiter de nos terrains. Un peu de ménage dans les jardins, un peu de lecture sur la terrasse, puis atchoum! Éternuements, congestion, irritation aux yeux, larmoiement, asthme et plus encore. C’est la rhinite saisonnière, plus populairement appelée rhume des foins, une maladie qui affecte 10 à 30% de la population mondiale.
La cause est, bien sûr, la présence de pollen dans l’air que nous respirons. Notre corps, pour des raisons encore mal comprises, réagit à ce pollen, l’attaquant comme si c’était une infection, et voilà! Des mois de souffrance annuellement.
Le pollen vient de sources différentes. Au début de l’été, les graminées libèrent leur pollen dans l’air et deviennent les causes principales de la rhinite saisonnière avec quelques autres plantes herbacées. Plus tard, à la fin de l’été, c’est plutôt l’ambroisie ou herbe à poux (Ambrosia artemisifolia) qui provoque ces irritations. Au printemps, par contre, ce sont les arbres qui sont en cause.
La croyance générale des autorités est que les arbres sont tellement courants dans la nature qu’exercer un contrôle quelconque serait impossible et donc qu’il est aussi bien de baisser les bras. Mais, ce faisant, on sous-estime l’impact que le choix d’une plantation d’arbres non allergènes peut avoir.
Allergènes ou non-allergènes ?
En général, les arbres aux fleurs voyantes (pommetiers, sorbiers, magnolias, etc.) ou très parfumées sont pollinisés uniquement, ou surtout, par les insectes ou les oiseaux et leur pollen est trop lourd pour être transporté très loin par le vent. Ces arbres (on les dit entomophiles) sont donc peu à pas allergènes… à moins de plonger le nez carrément dans la fleur ou de vous asseoir sous l’arbre au faîte de sa floraison quand il vente juste assez pour faire tomber son pollen!
Au contraire, la plupart des arbres aux fleurs peu voyantes, discrètes, ternes et sans odeur ni nectar, sont pollinisés par le vent (on les dit anémophiles). Leur pollen est léger et produit, de plus, en très grande abondance, beaucoup plus que le pollen des arbres entomophiles. Ce sont ces arbres qui causent les rhinites printanières.
Ce ne sont toutefois pas tous les arbres anémophiles qui sont très allergènes. Les pins (Pinus) et les épicéas ou épinettes (Picea), par exemple, produisent des quantités copieuses de pollen, mais leur pollen cireux provoque rarement des réactions. Le pollen des bouleaux (Betula), des peupliers (Populus), des frênes (Fraxinus) et de la plupart des érables (Acer), par contre, provoque une réaction très forte chez la plupart des gens souffrant d’allergie saisonnière.
Aussi, parmi les arbres pollinisés par le vent (anémophiles), beaucoup (frênes, saules, peupliers, mûriers, érable à Giguère, etc.) sont dioïques, c’est-à-dire que les deux sexes sont portés sur des plantes différentes. Pour ces arbres, il serait alors possible de choisir de ne planter que des arbres femelles: elles reçoivent le pollen, mais n’en produisent pas.
Le sexisme botanique
Ce qui est tragique est de constater que, de nos jours, on fait précisément le contraire: on plante exprès des arbres «sans semences» (c.-à-d. des arbres mâles et donc producteurs de pollen) partout dans nos villes. On appelle cette tendance le sexisme botanique.
Pourquoi cet engouement pour les arbres mâles? C’est que les arbres mâles produisent du pollen, qui est généralement invisible, donc «propre». Ils ne produisent jamais de semences qui, elles, tombent au sol et s’y accumulent. D’après notre définition citadine, les semences sont «sales».
Les arbres femelles ne produisent pas de pollen, au grand soulagement des gens qui y sont allergiques, mais comme les femelles sont la source des graines «sales» qui tombent au sol et qu’il faut ramasser, elles ne sont presque jamais plantées en ville. Au nom de la propreté, on rend donc les citadins malades avec le pollen des arbres mâles.
D’après l’Étude canadienne sur les allergies en milieu urbain, le couvert forestier urbain canadien est mâle à 74 à 97%, selon la ville. Montréal, avec son engouement pour les frênes mâles (‘Marshall’s Seedless’, ‘Patmore’, etc.) comme arbres de rue, était le pire au moment où l’étude fut publiée: 97% de ses arbres étaient mâles! Reste à voir si, avec l’arrivée de l’argile du frêne et la diminution subséquente de frênes allergènes, la ville choisira de répéter son erreur du passé et de planter encore presque uniquement des arbres mâles.
Dans certaines villes, le taux de pollen d’arbres dans l’air a plus que triplé depuis les années 1970… uniquement à cause de la plantation exagérée d’arbres mâles!
Si, au contraire de planter des arbres «sans graines», vous plantez les arbres qui portent des graines, vous verrez le niveau de pollen dans votre environnement chuter dramatiquement. Au départ, il y aura moins de pollen dans l’air. Mais aussi, les arbres femelles agissent comme des filtres: elles attrapent et retiennent le pollen présent dans l’air, allégeant la souffrance des personnes allergiques.
Enfin, chez les arbres anémophiles monoïques, comme les bouleaux (Betula), les chênes (Quercus) et les aulnes (Alnus), les deux sexes sont portés sur le même arbre et donc tous les arbres peuvent théoriquement produire du pollen. Chez ces arbres, toutefois, on trouve parfois des spécimens dioïques femelles ou encore, des spécimens dont le pollen est déformé et n’est jamais libéré ou des spécimens sans pollen du tout. Il serait alors possible de multiplier ces arbres stériles par bouturage ou par greffage pour la plantation chez les gens allergiques… et dans les villes pour augmenter le taux d’arbres non allergènes.
Par exemple, l’érable rouge (Acer rubrum) est normalement monoïque et passablement allergène, mais certains cultivars, comme ‘Red Sunset’ et ‘October Glory’, ne produisent pas de pollen. Tristement, peu de pépiniéristes semblent au courant de l’importance d’offrir des arbres non allergènes et alors, ces cultivars très intéressants sont souvent difficiles à trouver.
Un jour verra-t-on sans doute de vastes campagnes publicitaires pour encourager la culture des arbres non allergènes. Et les étiquettes des arbres en pépinière porteront alors un symbole quelconque pour distinguer les arbres allergènes des arbres non allergènes. Pour l’instant, cependant, je ne connais aucune pépinière qui s’intéresse aux effets allergènes des arbres qu’elle vend et alors nos villes continuent de se remplir d’arbres «propres» porteurs de pollen… au grand dam des pauvres gens allergiques.
Les arbres et arbustes allergènes
Si vous ou quelqu’un de votre famille souffrez du rhume des foins, ne plantez surtout pas les arbres et arbustes suivants près de la fenêtre de la chambre à coucher!
- Acacia (Acacia spp.)
- Ailante (Ailanthus altissima)
- Anacardier (Anacardium occidentale)
- Arbre à gomme (cultivars mâles) (Euccomia ulmoides)
- Arbre à neige (Chionanthus spp.)
- Arbre à perruque (Cotinus coggyria)
- Arbre à soie (Albizia julibrissin)
- Arbre de liège (cultivars mâles) (Phellodendron spp.)
- Argousier (Hippophae spp.)
- Aulne (Alnus spp.)
- Bouleau (Betula spp.)
- Buis (Buxus spp.)
- Caryer (Carya spp.)
- Catalpa (Catalpa spp.)
- Chalef (Elaeagnus spp.)
- Charme (Carpinus spp.)
- Châtaignier (Castanea spp.)
- Chêne (Quercus spp.)
- Chicot du Canada (cultivars mâles) (Gymnoclada dioica)
- Cryptoméria du Japon (Cryptomeria japonica)
- Cycades (la plupart des espèces)
- Cyprès (Cupressus spp.)
- Cyprès chauve (Taxodium spp.)
- Érable (Acer spp.)
- Érable à Giguère (cultivars mâles) (Acer negundo)
- Faux cyprès (Chamaecyparis spp.)
- Faux poivrier (Schinus spp.)
- Févier (cultivars mâles) (Gleditsia tricanthos)
- Frêne (cultivars mâles) (Fraxinus spp.)
- Fusain (Euonymus spp.)
- Genévrier (cultivars mâles) (Juniperus spp.)
- Gingko (cultivars mâles) (Ginkgo biloba)
- Hêtre (Fagus spp.)
- Hêtre austral (Nothofagus spp.)
- If (cultivars mâles) (Taxus spp.)
- If à prunes (Cephalotaxus spp.)
- Laurier (cultivars mâles) (Laurus spp.)
- Liquidambar (Liquidambar spp.)
- Marronnier (Aesculus spp.)
- Micocoulier (Celtis spp.)
- Mûrier (cultivars mâles) (Morus spp.)
- Mûrier d’Espagne (Broussonetia papyrifera)
- Myrique (Myrica spp.)
- Nerprun (Rhamnus spp.)
- Noisetier (Corylus spp.)
- Noyer (Juglans spp.)
- Olivier (Olea spp.)
- Olivier de Bohême (Elaeagnus angustifolia)
- Orme (Ulmus spp.)
- Palmier (la plupart des espèces)
- Peuplier (Populus spp.)
- Pin parasol du Japon (Sciadopitys verticillata)
- Platane (Platanus spp.)
- Podocarpe (Podocarpus spp.)
- Pruche ou tsuga (Tsuga spp.)
- Ptérocaryer (Pterocarya ssp.)
- Rince-bouteille (Callistemon spp.)
- Sassafras (Sassafras spp.)
- Saule (Salix spp.)
- Sumac (cultivars mâles) (Rhus spp.)
- Tamaris (Tamarix spp.)
- Thuya (Thuja spp.)
- Thuya du Japon (Thujopsis dolabrata)
- Tilleul (Tilia spp.)
- Troène (Ligustrum spp.)
- Tupelo (Nyssa spp.)
- Vinaigrier (cultivars mâles) (Rhus typhina, R. glabra)
- Zelkova (Zelkova spp.)
Le gourou du jardinage sans allergie est l’Américain Thomas Leo Ogren, qui a écrit entre autres le livre The Allergy-Fighting Garden, une bonne source d’information sur les plantes provoquent la rhume des foins.
N.D.L.R. Texte adapté d’un billet originalement publié le 2 mai 2015
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Bonjour,
Vous parlez des arbres mâles et femelles mais comment les reconnaître?
Aline
Si j’avais su … Mes symptômes d’allergie sont nettement moins sévères depuis l’élagage sévère de l’érable giguere devant notre fenêtre il y a 2 ans.
Merci beaucoup
Yen
C’est très difficile. Il faut les voir en fleurs pour savoir. Dans certains cas, le cultivar est reconnu comme étant femelle ou stérile.
Wish I would have known this last year….. awareness is the first step in change
Thank you
Merci. Très intéressant. Je comprends maintenant pourquoi j’éternue tellement pendant la période présente où je ramasse des feuilles d’érable. Je viens de m’acheter un palmier pour la cour puisque la pandémie va probablement m’obliger à demeurer à la maison. Je ne le mettrai pas à côté de ma chaise où je lis. Merci encore.
Oui, mais votre palmier ne fleurira pas (probablement). La plupart des palmiers doivent être matures, avec un tronc, pour fleurir.
[…] Dans le cas des arbres dioïques, comme les frênes, les peupliers, les saules et même certains érables, il existe des arbres mâles et femelles. Alors, vous n’avez qu’à planter des mâles: ils ne produiront jamais de graines. (Par contre, le pollen des arbres mâles peut causer le rhume des foins.) […]
Qu ‘en est il des forsythia et hibiscus, viburnum (boudes neiges)…?
Ce sont des arbustes à fleurs voyantes, donc pollinisés par les insectes et leur pollen n’est donc pas transporté facilement par le vent. Autrement dit, peu à pas allergéniques.
Bonjour, merci beaucoup pour votre article! Nous réfléchissons à une revégétalisation d’une cours d’école, la question du choix de l’arbre à planter se pose… J’ai l’impression que les arbres entomophiles font peu d’ombre. Il nous faudrait une espèce dont les ‘fruits’ ne soient pas toxiques, qu’ils ne soient pas non plus trop attrayant pour les frelons, que l’arbre ne soit pas anémophile… Dans un climat assez humide (même en plein été, la vallée est toujours verte) Existerait-il un trésor de ce genre là? D’avance, merci pour votre réponse!