Ces plantes qui font de l’apnée!
Ill.: www.sublimesucculents.com & www.clipart.email, montage: jardinierparesseux.com
Vous avez sûrement appris quelques concepts de la respiration des végétaux et de la photosynthèse lors de votre cours de biologie à l’école secondaire (lycée). Sinon, en voici un aperçu très bref.
Les plantes absorbent l’énergie solaire via leurs cellules vertes (chloroplastes), utilisant de plus le dioxyde de carbone (CO2) capté dans l’air et l’eau (H2O) imbibée par leurs racines, pour produire des glucides (sucres et amidons) qu’elles peuvent stocker pour ensuite les utiliser pour leur croissance. La photosynthèse se produit le jour, pendant que le soleil brille. Ainsi, les plantes inspirent du CO2 pendant la journée à travers des pores dans les feuilles appelés stomates. Pendant la nuit, elles expirent, utilisant l’énergie emmagasinée pour leur croissance en dégageant de l’oxygène et de la vapeur d’eau.
Habituellement, les explications finissent là. Mais c’est plus compliqué que cela pour toutes sortes de raisons.
Entre autres, certaines plantes n’inspirent pas le CO2 le jour comme une plante typique, mais le font plutôt la nuit, à la noirceur. Ensuite, elles «retiennent leur souffle» toute la journée, gardant leurs stomates fermés. Le CO2 qu’elles ont stocké (sous forme d’acide malique) est ensuite libéré pour assurer la photosynthèse pendant la journée, en présence de lumière solaire. Ce serait l’équivalent d’un être humain qui retient son souffle toute la journée pour ne respirer que la nuit.
Cette aberration remarquable est connue depuis plus de 200 ans, bien qu’elle n’ait été nommée qu’en 1940. Elle s’appelle métabolisme acide crassulacéen ou CAM, de l’anglais crassulacean acid metabolism. Le CAM a été remarqué pour la première fois dans la famille des crassulas, d’où le nom «crassulacéen».
Pour combattre la sécheresse
Le CAM est essentiellement une adaptation aux conditions de sécheresse.
Une plante typique, avec ses stomates grand ouverts pendant la journée, perd environ 97% de l’eau qu’elle absorbe à l’air par évapotranspiration. Oui, toute l’humidité que vous avez si soigneusement appliquée en arrosant votre plante est perdue à l’air et ne contribue en rien à sa croissance. Quelle inefficacité!
Les plantes CAM sont beaucoup plus efficaces en ce qui concerne l’utilisation de l’eau. Parce que leurs stomates sont fermés pendant la chaleur de la journée et ouverts uniquement pendant les heures fraîches de la nuit, elles perdent beaucoup moins d’humidité à la transpiration. Elles peuvent donc survivre avec beaucoup moins d’eau.
Il est donc logique que beaucoup de plantes CAM soient des succulentes, ces plantes qui viennent de climats arides et désertiques. Il y a cependant un deuxième groupe important: les plantes épiphytes! En effet, les épiphytes, soit les plantes qui poussent fixées sur les branches d’arbres, sont aussi très souvent des plantes CAM. Constamment exposées à l’air en mouvement asséchant, elles doivent trouver un moyen pour conserver leur humidité et le CAM est un bon moyen de le faire.
Cependant, il y a un prix à payer pour l’utilisation du métabolisme acide crassulacéen: la photosynthèse CAM est beaucoup moins efficace que la photosynthèse habituelle et alors les plantes CAM croissent plus lentement que les plantes normales. Mais au moins, cette option leur permet de survivre à des conditions difficiles.
Évolution convergente
Le CAM a évolué indépendamment de nombreuses fois dans de nombreuses familles de plantes différentes. Lorsque des plantes poussent dans des conditions arides ou sur les branches d’arbres, elles développent différentes adaptations à cette situation (feuilles plus épaisses, revêtement cireux, capacité de stockage d’eau, racines plus efficaces, etc.) et beaucoup «apprennent» aussi à faire de la photosynthèse CAM.
D’après une estimation, environ 7% de toutes les plantes effectuent de la photosynthèse CAM, dont des plantes dans plus de 300 genres et 40 familles. Certaines le font exclusivement, d’autres utilisent la photosynthèse classique (de type C3 ou C4) dans des conditions de bonne humidité et passent à la photosynthèse CAM pendant les périodes de sécheresse.
Parmi les familles de plantes ayant de nombreuses espèces CAM, les Crassulacées (Crassula, Kalanchoe, Sedum, Echeveria, etc.) et les Cactacées (Echinocactus, Mammillaria, Schlumbergera, etc.) sont les seules qui contiennent exclusivement des espèces CAM. Les Broméliacées et les Orchidacées aussi ont une grande proportion d’espèces: plus de 50%, ce qui n’est pas surprenant, car la plupart sont des épiphytes. Mais vous trouvez même des plantes CAM dans des familles aussi peu probables que les Polypodiacées (fougères) et les Cucurbitacées (la famille des courges).
Des plantes CAM aquatiques
Curieusement, il existe quelques plantes aquatiques, notamment dans les genres Sagittaria et Littorella, qui ont également adopté la photosynthèse CAM. Évidemment, ces plantes, qui sont constamment immergées dans l’eau, ne risquent aucunement de perdre de l’humidité par le biais de stomates ouverts. Toutefois, il se trouve que le CO2 est moins disponible dans l’eau (où il se diffuse 10?000 fois plus lentement que dans l’air). Pendant la journée, alors que la plupart des plantes aquatiques font de la photosynthèse, la concurrence pour obtenir assez de CO2 est féroce. Ainsi, certaines plantes aquatiques sont passées à la photosynthèse CAM pour obtenir une plus grande part d’une denrée rare.
Le métabolisme acide crassulacéen: ce n’est pas la photosynthèse des cours de biologie, mais une bonne stratégie de survie pour beaucoup de plantes, dont peut-être plusieurs que vous cultivez.
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