Ces plantes qui se recouvrent de sable
Abronie à feuilles larges montrant de jolies fleurs… et des feuilles recouvertes de sable. Photo: slandnature.ca
Personne n’aime avaler du sable. C’est une des raisons pour lesquelles nous rinçons le céleri avant de le manger. Et, apparemment, les autres animaux n’aiment pas plus le sable que les humains. C’est donc peut-être une des raisons pour lesquelles certaines plantes se couvrent de petites particules de roche.
Appelées plantes psammaphores, ces plantes curieuses vivent sur les plages et dans les déserts de sable du monde entier. Il en existe plus de 200 espèces dans quelque 88 genres. Ainsi, elles ne sont pas rares, mais si vous passez devant une, vous ne la remarquerez peut-être pas, car le sable camoufle parfois très bien ces plantes. Elles partagent toutes la même caractéristique: des feuilles collantes qui attrapent et retiennent le sable apporté par le vent.
Il y a plusieurs théories pour expliquer pourquoi ces plantes se recouvrent de sable. En voici six:
- C’est peut-être parce que cette couverture de sable les rend moins attrayantes pour les prédateurs qui n’aiment pas avaler du sable.
- Peut-être que le revêtement de sable les camoufle et les cache de ces mêmes prédateurs.
- Peut-être le sable reflète-t-il une partie de la lumière excessivement forte de ces milieux très exposés, gardant les feuilles plus au frais (si vous avez déjà essayé de marcher pieds nus sur une plage par une journée ensoleillée, vous comprendrez ce concept!).
- Le sable protège peut-être les plantes des rayons ultraviolets dommageables.
- Un recouvrement de sable peut aider à protéger les feuilles des dommages lors de tempêtes de sable.
- Enfin, une théorie suggère que le sable aide la plante à absorber plus d’eau à partir de la rosée.
Deux hypothèses mises à l’épreuve
Dans une étude publiée en 2016, Eric LoPresti et Richard Karban, de l’Université de Californie, ont testé deux plantes psammaphores californiennes, l’abronie à feuilles larges (Abronia latifolia) et la navarretie à senteur de miel (Navarretia mellita), afin de déterminer si les deux premières des hypothèses précédentes étaient fondées, soit si le revêtement de sable de ces plantes était un moyen de dissuasion pour les herbivores ou si cette couche de sable agissait surtout comme un camouflage.
Pour tester la première hypothèse, ils ont essuyé certaines abronies pour enlever toute trace de sable, laissant d’autres couvertes à titre de témoins. La navarretie s’est montrée moins commode: il s’est avéré impossible d’enlever tout le sable de ses feuilles épineuses. Alors, ils ont tout simplement enduit certaines navarreties de plus de sable afin de les comparer aux plantes normalement sablées.
Les résultats ont été concluants. Les abronies libérées du sable étaient consommées deux fois plus souvent que les plantes couvertes de sable. Pour la navarretie, celles couvertes d’une quantité anormalement élevée de sable n’ont subi pratiquement aucun dommage: une seule plante sur 19 a eu quelques feuilles broutées, contre 8 sur 18 pour les plantes non traitées.
Pour vérifier si le camouflage était un facteur dans la prédation, ils ont encore nettoyé certaines abronies de tout sable, puis les ont recouvertes de sable vert d’environ la couleur des feuilles d’origine, ce qui les faisait ressortir des dunes de sable bronzé des environs.
Il faut croire que l’effet camouflage n’est pas valable pour cette plante: les plantes recouvertes de sable vert n’étaient pas plus grignotées que celles revêtues de sable de couleur ordinaire.
Ainsi, du moins pour l’abronie, la psammaphorie n’est pas liée au camouflage, mais plutôt à l’aversion pour la consommation de sable… ce qui ne veut pas dire que d’autres plantes psammaphores n’utilisent pas le sable comme camouflage.
Tout cela a du sens: on sait que les dents des animaux herbivores se nourrissant dans les zones sableuses s’usent plus rapidement que celles des mêmes espèces se nourrissant dans d’autres habitats, tellement qu’ils y meurent plus jeunes. Et soyons honnêtes ici: manger des plantes couvertes de sable est vraiment dégueulasse – c’est comme mâcher du papier de verre! – et en tant qu’herbivore, il me semble je suis bien placé pour l’affirmer!
Cultiver ses propres plantes psammaphores
Vous ne serez sûrement pas surpris d’apprendre que les plantes psammaphores n’ont pas la cote comme plantes ornementales… et encore moins comme légumes. Même, je ne connais aucune espèce de psammaphores qui est couramment cultivée. Apparemment, les jardiniers ne voient pas beaucoup de beauté dans les plantes couvertes de sable beige.
Mais peut-être cet article pourrait-il servir de point de lancement pour une nouvelle tendance? Que diriez-vous de cultiver des plantes psammaphores, mais de remplacer le sable de couleur beige si ennuyeux qui recouvre ces plantes dans la nature par des brillants de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel? Ainsi, on pourrait vendre ces plantes désormais hautement pigmentées en jardinerie!
Si vous trouvez des façons amusantes ou intrigantes de cultiver des plantes psammaphores, je me ferai un plaisir d’en publier les photos sur ce blogue!
Bonjour,
j’ai rencontré ce genre de plantes sur une plage du côté de l’atlantique, au Portugal et je suis ravie de découvrir à quelle espèce elles appartiennent car c’était un mystère jusqu’à découvrir votre article !
J’avais d’ailleurs réalisé un petit article dont voici le lien : https://christelboussard.wordpress.com/2016/09/22/comme-une-mini-foret/
Bien cordialement, Christel
Spectaculaire! Je pense que c’est l’hydrocotyle de Buenos Aires (Hydrocotyle bonariensis). Je n’ai jamais vu d’aussi beau spécimens!
Oui, j’avais trouvé moi aussi ces plantes vraiment belles, je n’en ai jamais revu ailleurs …. mais je sais où les trouver ! Merci pour vos précisions !